Voici un article extrait du Bulletin hebdomadaire d’André Noël n° 2523 paru le 26 juin 2017 :
Bayrou, et le… pot de confiture !
« Puisque ces choses-là nous échappent, feignons d’en être les organisateurs *** », ainsi parlait Ubu dans Ubu roi … C’est ce qu’a fait François Bayrou après que Macron l’eut prié de quitter le gouvernement. Car il a bel et bien été « viré », pour employer un terme familier. Il s’est accroché jusqu’au bout, croyant que le départ des ministres du MoDem suffirait pour apaiser l’opinion car lui-même s’estimait intouchable parce qu’irremplaçable, incarnant, comme nous l’avons déjà noté, le second « pilier » de la majorité présidentielle, laquelle sans lui serait boiteuse…
Le chef de l’Etat ne l’a pas considéré ainsi. Si Bayrou lui fut utile pendant la campagne électorale, il ne l’est plus maintenant qu’il détient la majorité absolue avec ses « marcheurs ». Il peut jeter désormais le président du MoDem sans que cela affecte le moins du monde le gouvernement. C’était un poids lourd certes mais aussi encombrant, « ingérable », disait-on.
On annonçait le grand retour de Bayrou sur la scène politique
nationale mais, manque de pot, il doit le faire… à Pau !
Or, ne voilà-t-il pas qu’il prétend aujourd’hui que c’est lui qui a décidé de quitter le gouvernement, hypothèse qui le faisait sourire il y a encore quinze jours, cette affaire des attachés parlementaires allant faire « pschitt » sous peu, disait-il.
Ce redresseur de torts ne fut pas non plus le dernier pour monter au … cocotier de l’accusation sans regarder la couleur de sa culotte, ne pouvant esquiver le retour du boomerang qu’il avait contribué à lancer contre Fillon.
Or, la vérité s’aggrave, les preuves s’accumulent chaque jour, au fil des nouveaux témoignages. François Bayrou, malin comme un marchand de bestiaux, après avoir maintenant sorti de l’enfer financier son parti au bord du trou en enfumant un jeune pubère de la politique, affirme que, s’il part, c’est par esprit de sacrifice, les lettres anonymes, les mensonges, la cabale « politique » contre lui risquant de gangrener le gouvernement ; il a choisi de partir retrouver son siège de … maire à Pau dont il n’avait d’ailleurs pas démissionné. Prudent quand même, l’éleveur de chevaux de course !
Voilà comment lui et comment la presse racontent l’histoire pour éviter à Bayrou d’avoir à avouer qu’il a été pris la main dans le pot de confiture…
Du côté du pouvoir aussi, on dit le contraire de ce qu’on prétendait auparavant : seule une mise en examen d’un ministre pouvait entraîner son limogeage. Quoique Bayrou n’ait pas été mis en examen pour l’instant, il a été remercié quand même. La pression de l’opinion et celle des media ont contraint le président à s’en débarrasser.
On le voit, rien de nouveau sous le soleil de Macron dans la gestion de ce genre de crise : comme ses prédécesseurs, il soutient son ministre dans l’espoir que l’affaire se tassera pour le laisser choir ensuite si le scandale s’amplifie, accumulant l’inconvénient de l’avoir soutenu d’abord et celui de le lâcher ensuite.
La conséquence, c’est un large remaniement, un mois seulement après l’entrée en fonction du premier cabinet. On suppose que pour ce dernier, le chef de l’Etat avait choisi ceux qu’il estimait les meilleurs et les plus compétents, notamment pour la désignation des ministres régaliens. Or, il est obligé de les remplacer par des ministres qui sont forcément de deuxième choix et moins compétents puisqu’il n’avait pas songé à eux pour son cabinet initial. Voilà un quinquennat qui commence mal par la promotion au gouvernement de Nicole Belloubet à la Justice, de Florence Parly aux armées, de Jacques Mézard à la cohésion des territoires, de Stéphane Travert à l’Agriculure, de Nathalie Loiseau aux affaires européennes, de Jacqueline Gourault auprès du ministre de l’Intérieur…
… des personnalités de second ordre ;
des socialistes bon teint en tenue de camouflage LREM !
Autre conséquence : le président de la République témoigne d’un certain mépris pour la représentation nationale. Officiellement, le ministre Richard Ferrand n’abandonne pas son portefeuille pour cause de scandale immobilier – encore un mensonge ! – mais pour assurer la présidence du groupe parlementaire La République En marche. Comme si, parmi les centaines de députés de cette formation, il n’y avait que lui à pouvoir assumer cette fonction, tous les autres étant des incapables !
On notera que l’annonce de cette présidence a été faite par le premier ministre, sans se soucier de la séparation de l’exécutif et du législatif,
comme si le président de groupe était nommé et non pas élu ! Certes, le chef du gouvernement ne doutait pas un seul instant que les godillots macronistes voteraient comme un seul homme pour celui qui avait été désigné par Macron, ce qu’ils ont d’ailleurs fait. Mais il aurait dû au moins y mettre les formes !
Mépris encore car cette « nomination » signifie aussi : il n’est plus digne d’être ministre à cause de ses affaires immobilières mais il sera toujours bon pour présider le groupe, comme s’il y avait une morale pour gouverner et une autre pour diriger les députés macronistes, cette dernière étant moins exigeante. Même chose pour Marielle de Sarnez, débarquée de son ministère dans la foulée de Bayrou et pour le même motif, laquelle, elle aussi, est trouvée digne de présider le groupe MoDem.
Ce n’est pas cette façon de procéder qui va
réconcilier les Français avec la politique !
*** Note du blogueur la phrase « Puisque ces choses-là nous échappent, feignons d’en être les organisateurs », se trouve à l’origine dans la pièce de Jean Cocteau « Les mariés de la Tour Eiffel.
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