Comme ce doit être facile, d’être de gauche !
Comme dit Fabrice Luchini : « J’aurais aimé être de gauche, mais c’est tel un dépassement de soi, que j’y ai renoncé … Pour être de gauche, il faut être exceptionnel ! »
Je partage cette ironie mordante qui replace la gauche face à sa duplicité et à ses contradictions. A force de se regarder le nombril, et surtout celui des bobos, la gauche a trahi son objectif initial : la sauvegarde des intérêts du peuple en se concentrant sur la défense des minorités.
Les idées de gauche sont en berne alors la presse de gauche n’est plus qu’un garde-chiourme sourcilleux du politiquement correct. Elle traque les dérapages, le dernier discours d’Eric Zemmour en étant le plus récent exemple …
Alain Finkielkraut réfléchit, en compagnie d’Eugénie Bastié, à cette dérive des médias, et particulièrement à celle de l’Obs. Ça se passe sur la chaine TV REACnRoll, et c’est rapporté dans cet article de Causeur :
Les listes maniaques de « néo-réacs » amusent A. Finkielkraut
Sur la webtélé REACnROLL, Eugénie Bastié a évoqué avec Alain Finkielkraut les « attaques » récurrentes de l’Obs (anciennement Nouvel Observateur). Régulièrement, l’hebdomadaire actualise sa liste des intellectuels qualifiés de néo-réacs. Le philosophe dit ce qu’il pense de cette mécanique du « politiquement correct », dont le but est surtout de diaboliser l’adversaire.
Alain FINKIELKRAUT: Vous me montrez la couverture du Nouvel Observateur ! C’est très intéressant. En 2005, nous sommes quatre ans après la parution du livre de Lindenberg, Le Rappel à l’ordre, et je pense que tout a commencé là. Le Rappel à l’ordre: enquête sur les nouveaux réactionnaires est une liste noire, c’est un livre commandé à Daniel Lindenberg par Pierre Rosanvallon.
Eugénie Bastié (le coupant) : Je rappelle juste que c’est un livre où Daniel Lindenberg fait la liste des intellectuels qui avaient dérivé vers la droite, voire vers l’extrême droite. Parmi eux, il y avait vous, il y avait Pierre Manent, il y avait Marcel Gauchet, il y avait Houellebecq, il y avait Muray …
Alain FINKIELKRAUT: C’était la dream team ! J’aurais été très vexé de ne pas y être.
Les deux rient !
Alain FINKIELKRAUT: On s’était déshabitué des listes noires. Elles ont alors fait leur retour. Et vous aviez, depuis Lindenberg, des quotidiens et des magazines qui refaisaient comme un marronnier leurs listes noires tous les mois. Il y avait un retour périodique et j’étais dans toutes [ces listes noires NDLR]. D’ailleurs en général associé à Eric Zemmour, et il y a un numéro plus récent de l’Observateur que celui-là où ils battent le rappel contre les réactionnaires accusés de monopoliser les médias, des intellectuels de gauche, ceux qu’on n’entend pas. Sur ce numéro-là, tenez-vous bien, il y avait une pastille jaune « 0% de Finkielkraut et de Zemmour » ! C’était vraiment de bon goût…
J’ai effectivement apprécié d’être convié à une discussion avec les journalistes de l’Obs, aujourd’hui, parce que ça veut peut-être dire que le climat change. On a vécu un moment anti-totalitaire dans la vie intellectuelle à la fin des années 70, et pendant dix ans. Tout d’un coup, le paradigme communisme / capitalisme laissait place à un autre paradigme totalitarisme / démocratie avec des nuances et donc tous les intellectuels se parlaient. Il y avait un fond commun.
Ça a changé l’Obs …
Je me souviens des rencontres de Pétrarque organisées à Montpellier par Jean-Marie Borzeix et pour la première édition, il avait invité les revues: Le Débat, Esprit et Commentaire, c’est là que j’ai fait la connaissance de Raynaud ou de Manent par exemple, il y avait Casanova… et tout le monde se parlait. Il y avait certes des conflits, mais tout le monde se parlait. Depuis, [notamment avec] la montée du Front National, et donc une mobilisation contre le Front National, des intellectuels [ont été] accusés de « faire le jeu » du Front National. La parenthèse antitotalitaire s’est fermée et l’antiracisme a pris le relais de cet antifascisme né après la défaite de Hitler.
Je pense que ce n’est pas du tout terminé. Il y a aussi un autre facteur, qui est co-extensif à la démocratie – la démocratie c’est une scène, c’est une conversation civique, une délibération d’où naissent les décisions – mais c’est aussi aux yeux de certains un processus d’égalisation des conditions, d’émancipation des individus et si vous vous mettez du point de vue du processus, il y a ceux qui l’accompagnent, qui le chevauchent et … ceux qui ne le veulent pas.
Ceux-là ne sont pas partie prenante du débat, ils sont « réactionnaires » et je vais vous donner un exemple: France Inter. Il y a un grand débat sur la PMA aujourd’hui. Un grand débat ? Mais non. France Inter invite Irène Théry à nous dire combien c’est bien, à quel point c’est formidable la PMA pour toutes les femmes, mêmes les femmes célibataires… « Il faut en finir avec l’anonymat du donneur, et là la société aura accompli un pas [de plus] dans le sens de la démocratie » mais France Inter n’invitera jamais Sylviane Agacinski qui, pourtant, est de gauche …
Eugénie Bastié (le contredisant): Elle a déjà été invitée il me semble, mais pas en ce moment [elle a été invitée en juin NDLR]
Alain FINKIELKRAUT: Je ne l’ai pas vue dans le débat [en cette rentrée NDLR] pour la PMA et au moment où la loi doit être votée. Parce qu’aux yeux de certains, la démocratie impose un seul choix.
Eugénie Bastié: C’est la peur du pluralisme. Mais je voulais vous poser une autre question: cette diabolisation s’accompagne d’une délégitimation. Je m’explique. Quand Pierre Rosanvallon refuse de débattre avec vous sur France Culture, il dit Finkielkraut n’est pas un intellectuel, c’est un essayiste. Alors si quelqu’un qui a été professeur à Polytechnique comme vous, qui a fait Normale Sup, qui est agrégé de Lettres, n’est pas un intellectuel, je me demande qui peut prétendre être un intellectuel ? Mais c’est intéressant [comme comportement NDLR.] D’ailleurs vous le dites, dans le livre1, « non seulement je suis vil mais je suis nul, c’est ce que me reprochent mes adversaires. » Comment analysez-vous, justement, cette tentative de diaboliser l’adversaire et de le délégitimer, en disant finalement que les vrais intellectuels sont de gauche et les faux intellectuels sont entre guillemets des réacs ?
Alain FINKIELKRAUT: Ce n’est pas tout à fait ça. J’ai eu vent de la parution du livre de Pierre Rosanvallon sur la vie intellectuelle et politique 1968-2018 avant même de le lire… j’ai appris en juin qu’il paraissait en septembre (…) Je me suis dit il faut que je fasse une émission avec Pierre Rosanvallon, vraisemblablement nous aurons des désaccords… donc je veux l’inviter tout seul, il refuse. Et je lis le livre, dans lequel il explique …
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