Mais, qui donc est Gracchus Babeuf ?
François Noël Babeuf, connu sous le nom de Gracchus Babeuf, est un révolutionnaire français, né le à Saint-Quentin et mort guillotiné à Vendôme le (8 prairial an V).
L’objectif de Gracchus Babeuf était d’aboutir à la collectivisation des terres et des moyens de production, pour obtenir « la parfaite égalité » et « le bonheur commun ». Pour Babeuf et ses acolytes, l’Égalité est l’axe qui donne un sens à la Révolution.
Dans le Manifeste des Egaux, il résume sa pensée :
« Plus de propriété individuelle des terres, la terre n’est à personne. Nous réclamons, nous voulons la jouissance communale des fruits de la terre : les fruits sont à tout le monde. »
Thomas Piketty est le digne héritier de Gracchus Babeuf comme le montre cet article de l’IREF (Institut de Recherches Economiques et Fiscales) :
L’auteur du Capital au XXème siècle nous livre un nouvel ouvrage (Capital et Idéologie, Seuil) comme une somme endormeuse de 1200 pages souvent répétitives. Il décrit par le menu des problématiques qu’il pourrait exposer en quelques phrases. Mais il n’a sans doute pas pris le temps de faire court[1], ce qui lui aurait peut-être évité bien des erreurs et des partis pris ! En réalité, son ouvrage n’est pas scientifique, mais tout entier idéologique, pleinement engagé à la gauche de la gauche. Son seul but est de démontrer la faisabilité de mesures extrêmes de taxation et de nivellement.
Il essaie de compter l’importance de la noblesse d’ancien régime en Europe et il disserte à n’en plus finir sur l’évolution des institutions démocratiques depuis deux siècles pour convaincre « à l’issue de ce cheminement historique qu’il est possible de s’appuyer sur les expériences relatées dans ce livre pour tenter de dessiner les contours d’un socialisme participatif et internationaliste » (p.1105).
Nouveau Babeuf, ce qu’il veut, c’est l’égalité. Et pour ce faire, il propose de taxer les revenus, les patrimoines et les transmissions « avec des taux atteignant jusqu’à 70 %/90 % au sommet » (p.1123). Il espère ainsi par exemple que son impôt annuel sur la propriété rapporterait 5 % du revenu national, soit plus de 120 Md€, sur la base du revenu national brut de 2018 égal à 2 405 Md€[2], contre 5 Md€ pour le feu ISF ! Il veut ainsi donner « à chaque jeune adulte atteignant 25 ans une dotation équivalant à environ 60 % du capital moyen par adulte » (p. 1131) et un revenu de base minimum égal pour tous, équivalant à 60 % du revenu moyen après impôt. Et il pense que son impôt progressif sur le revenu, avec les cotisations sociales et la taxe sur les émissions carbone « rapporterait autour de 45 % du revenu national et permettrait de financer toutes les autres dépenses publiques pour financer un « revenu de base et surtout l’Etat social » (p.1129). Ces deux seuls impôts, sur le patrimoine et le revenu, rapporteraient donc plus de 1 200Md€, presque autant que la dépense totale de consommation des ménages en 2018 (1 219 Md€[3]). Il n’a pas compris que l’impôt tue l’impôt et que de tels rendement ne seraient possibles, peut-être, qu’une fois. Après tous seraient morts à défaut d’avoir pu survivre puisque tout leur aurait été pris. Plus que de la démesure, ces propositions relèvent de la déraison.
Mais elles ne s’arrêtent pas là. Piketty note aussi « qu’il est impossible de réduire les inégalités autant qu’il serait souhaitable sans transformer également le régime politique, institutionnel et électoral » (p.1100). Il réclame donc une « véritable propriété sociale du capital » accessible en donnant aux salariés « la moitié des droits de vote dans les conseils d’administration ou de direction de toutes les entreprises privées, y compris les plus petites » et en plafonnant les voix des actionnaires les plus importants… « au-delà du fait que la moitié des voix irait en tout état de cause aux représentants des salariés » (p.1120). Par ailleurs il propose de mettre en place « un principe de propriété temporaire du capital, dans le cadre d’un impôt fortement progressif sur les propriétés importantes permettant le financement d’une dotation universelle en capital et la circulation permanente des biens » (pp. 1118/1119). Il se défend d’être marxiste, mais son système ressemble à celui des soviets, et il remarque d’ailleurs que dans les entreprises publiques il n’est pas nécessaire de mettre les employés dans les conseils puisque l’Etat est là pour veiller sur eux !
Il entonne la vielle idée du solidarisme de Léon Bourgeois selon laquelle ce que nous possédons, nous le devons aux générations passées et nous devons le rendre aux générations futures. « L’idée, écrit-il, selon laquelle il existerait une propriété strictement privée et des formes de droit naturel et inviolables de certaines personnes sur certains biens ne résiste guère à l’analyse. L’accumulation des biens est toujours le fruit d’un processus social, qui dépend notamment des infrastructures publiques (en particulier du système légal, fiscal et éducatif), de la division du travail social et des connaissances accumulées depuis des siècles » (p.1139). Il oublie seulement que les hommes payent des impôts à chaque génération pour financer ces investissements publics et cet état de droit qui en effet protège la propriété.
Il veut un Etat qui contrôle tout, qui connaisse toutes les propriétés – s’il en reste ! – au travers d’un immense cadastre financier public et mondial. Il imagine aussi que la consommation carbone de chacun puisse être surveillée et taxée, à taux progressif bien sûr, au jour le jour au travers du suivi « des informations contenues dans les cartes de paiement individuelles ». Il aime Big Brother et il l’attend avec gourmandise. L’effondrement du communisme, et son désastre qu’il reconnaît, ne lui ont pas suffi. Il est incorrigible et a l’ambition de repenser autrement l’égalitarisme. Il conclut : « « L’histoire de toute société jusqu’à nos jours n’a été que l’histoire de la lutte des classes » écrivaient Friedrich Engels et Karl Marx en 1848 dans le Manifeste du parti communiste. L’affirmation reste pertinente, mais je suis tenté à l’issue de cette enquête de la reformuler de la façon suivante : l’histoire de toute société jusqu’à nos jours n’a été que l’histoire de la lutte des idéologies et de la quête de la justice ». Après la publication par Piketty de son Capital du XXème siècle, nous avions écrit, avec une vingtaine de chercheurs dans le monde, un Anti Piketty, publié en 2015 chez Libréchange pour dénoncer les erreurs et les dangers de cet idéologue. L’opinion bien pensante avait estimé que nous exagérions, mais nous étions peut-être en-dessous de la vérité. Les masques tombent avec ce dernier ouvrage qui nous donne raison et qui d’ailleurs reprend nos critiques pour s’en défendre et les contester vainement. Il faut malheureusement rester vigilant et continuer de combattre ce pseudo-stalinisme intellectuel et sournois.
Jean-Philippe Delsol pour l’IREF.
[1] Pascal, Les Provinciales, lettre 16 : » … mes Lettres n’avaient pas accoutumé de se suivre de si près, ni d’être si étendues. Le peu de temps que j’ai eu a été cause de l’un et de l’autre. Je n’ai fait celle−ci plus longue que parce que je n’ai pas eu le loisir de la faire plus courte. »
[2] Les comptes de la nation 2018, Insee Première, No 1754, 29/05/2019
[3] ibidem
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