Guerre d’Algérie, la mémoire sélective de la gauche

Publié par le 7 Jan, 2020 dans Blog | 0 commentaire

Guerre d’Algérie, la mémoire sélective de la gauche

La gauche, c’est la morale !

C’est la croix que porte la droite française depuis des décennies. Après mai 68, la gauche avait gagné la bataille culturelle et la droite n’a cessé depuis de courber la tête et de se plier peu ou prou aux diktats de la gauche.

Mais la gauche représente t-elle vraiment la morale ? Rien n’est moins sûr ! En tout cas, s’il s’agit de morale, elle est à géométrie variable puisque la gauche va jusqu’à fouler aux pieds ce qu’elle a adoré quelques décennies plus tôt.

La colonisation et tout particulièrement la guerre d’Algérie en donnent une illustration évidente. C’est ce que nous démontre Jean-Marc Albert dans un numéro récent de Valeurs actuelles:

Depuis le XIXe siècle, la gauche a successivement encouragé et dénoncé la colonisation, toujours au nom de la même vision progressiste.

« La colonisation ? La gauche l’a inventée, la droite l’a réalisée. »

Ce mot détourné, prêté à François de Grossouvre à propos de la Résistance, invite à nous jouer de poncifs assénés par l’histoire officielle depuis la fin de la guerre d’Algérie. Alors que la date du 5 décembre retenue pour sa commémoration peine à faire l’unanimité, il ne se passe pas un mois sans qu’une déclaration – par exemple, celle de Macron à propos du communiste Maurice Audin – ne vienne diviser notre mémoire commune. À ce jeu culpabilisant, la gauche ne rate jamais l’occasion de raviver des polémiques typiquement nationales pour mieux se dédouaner d’engagements passés qu’elle juge aujourd’hui comme des égarements.

En effet, la gauche a tantôt vanté tantôt pourfendu l’aventure coloniale
et cela au nom d’une même vision progressiste.

Au XIXème siècle, la volonté colonisatrice de Jules Ferry s’inscrit dans l’héritage de la pensée universaliste des Lumières et du discours jacobin en vue d’émanciper les peuples tenus sous le joug de tyrans. Les colonies sont alors vues comme de nouvelles républiques soeurs, la colonisation comme une entreprise de libération et de justice. À droite, Paul Déroulède s’insurge contre cette diversion à l’esprit de revanche et lance à Ferry « j’ai perdu deux soeurs et vous m’offrez vingt domestiques ». Adoptant un discours paternaliste, non dénué de racialisme, les républicains pensent assumer leur devoir d’aînés civilisateurs à l’égard de peuples infantilisés n’ayant pas encore atteint l’âge de raison.

En Algérie, le Front populaire, par la voix de son ministre des Colonies, Marius Moutet, entretient ce messianisme occidental sans pour autant accorder les mêmes droits aux indigènes qu’aux colons. Les communistes se refusent à soutenir les mouvements indépendantistes, accordant la priorité à la lutte antifasciste. En 1954, le président du Conseil, Pierre Mendès France, proclame  que

« les départements d’Algérie sont français depuis longtemps et de manière irrévocable ».

Le gaulliste de gauche Jacques Soustelle, les socialistes Max Lejeune, Yves Chataigneau, Marcel-Edmond Naegelen, Robert Lacoste et Guy Mollet considèrent toujours que « l’Algérie, c’est la France », quand des militants de la Ligue des droits de l’homme, des compagnons de route du Parti communiste, des sociologues et ethnographes, dont un certain Pierre Bourdieu, servent aussi la mission civilisatrice de l’Algérie française.

Les communistes appuient la répression en Algérie.

Ils votent, à l’initiative de Mitterrand, l’octroi des pouvoirs spéciaux à l’armée afin de répondre à la guerre révolutionnaire que mène le FLN depuis 1954 par le biais d’attentats aveugles visant autant les populations musulmanes qu’européennes.

Mais le gauchisme tiers-mondiste se prend de passion pour l’anticolonialisme. Il voit dans l’indigène la nouvelle incarnation du dominé. C’est au moment même où la bataille d’Alger est remportée, en 1957, par l’armée, mettant ainsi fin au terrorisme du FLN, que l’extrême gauche lui redonne un vernis de martyr en « révélant » la pratique de la torture. La campagne médiatique vise l’armée  française, mais fait preuve d’indulgence pour les actes de barbarie commis par les indépendantistes, quand ce n’est pas pour certains, comme Jean-Paul Sartre, pour les encourager.

Adhérant à la rhétorique révolutionnaire affichée du FLN, mais sourde devant son appel au djihad pour bouter toute présence chrétienne hors du pays, la « nouvelle gauche » rassemble trotskistes et chrétiens progressistes, artistes et syndicalistes, intellectuels et clercs. Se sentant coupable d’appartenir à la « classe » des dominants, l’anticolonialiste se mue en activiste portant secours, surtout argent et armes, aux opprimés. Ces « porteurs de valise » se recrutent autant autour de la revue sartrienne les Temps modernes que des catholiques de gauche de Témoignage chrétien. Serge Reggiani et Marina Vlady leur offrent une caution artistique, Jacques Vergès sa verve d’avocat. Françoise Sagan  met sa Jaguar au service des exploités. Prêtres ouvriers, « curés rouges » comme l’abbé Pierre ou Jean Urvoas, mais aussi le haut clergé, ainsi l’archevêque d’Alger Mgr Duval, prêtent leur chaire pour défendre le nouveau pauvre de l’Évangile. L’abbé Davezies fait entrer clandestinement en France des groupes de tueurs formés au Maroc. Lorsque ces réseaux tombent, comme celui de Francis Jeanson, leurs protections haut placées leur permettent de poursuivre leurs criminels agissements.

Non contents de contribuer au terrorisme des nationalistes, des « pieds-rouges » se mettent au service du FLN au pouvoir, à l’instar d’Hervé Bourges, sans mesurer qu’ils ne sont pas les bienvenus. Ils quittent déçus l’Algérie mais gardent leurs illusions intactes. Récemment, Julien Bayou, le secrétaire national d’Europe Écologie-Les Verts, a cru s’octroyer un brevet de moralité en se vantant d’avoir une mère porteuse de valises. La gauche n’a rien perdu de son assurance et juge toujours le passé par le biais de concepts actuels. Aujourd’hui, le mouvement « décolonialiste » fait le procès de l’histoire de France au nom des descendants des anciens colonisés sans jamais se demander pourquoi ils sont alors si nombreux à vouloir venir vivre dans le pays de leur ancien oppresseur.

Jean-Marc Albert pour Valeurs actuelles.

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