Le problème n’est pas l’indépendance
de la justice, mais sa neutralité politique !
A qui fera t-on croire que seuls les hommes politiques de droite seraient coupables de corruption ou d’utilisation d’emplois fictifs ?
Qui peut croire que dans l’affaire Fillon, le Parquet financier s’est comporté de façon normale ? Jamais la justice ne fut aussi « fulgurante » ! Son incroyable réactivité aux accusations de Mediapart, n’aura eu d’égal que son immobilisme face aux soupçons concernant la déclaration de patrimoine d’Emmanuel Macron !
J’ai repris mot pour mot l’introduction d’un article écrit il y a deux ans. Un article qui présentait le livre de Maître Hervé Lehman, ancien magistrat devenu avocat, le Procès Fillon.
Aujourd’hui, après avoir suivi plusieurs audiences du procès Fillon, Hervé Lehmann enfonce son clou dans cet article du FigaroVox :
Procès Fillon: « Les affaires politiques ne doivent plus
être confiées à un parquet nommé par le pouvoir »
Déplorant la brutalité des propos tenus par le vice-procureur du parquet national financier à l’ouverture du procès de François Fillon, l’ancien magistrat Hervé Lehman s’interroge sur le fonctionnement d’une justice inféodée à la Chancellerie.
C’était le premier jour du procès de François et Penelope Fillon. Les débats commençaient par deux questions prioritaires de constitutionnalité, très techniques, sur la prescription et l’application du délit de détournement de fonds publics à des parlementaires. Le vice-procureur du parquet national financier se lâche:
Sous l’Ancien Régime, le détournement de fonds public était un crime, puni de mort par pendaison.
La presse commente en relevant seulement que l’ambiance en ce début de procès est « tendue ».
C’est pourtant plus grave. En quarante ans de palais, dix comme magistrat et trente comme avocat, je n’ai jamais entendu dans une audience un procureur faire référence à la peine de mort. Jamais. Pas pour Jérôme Cahuzac, pas non plus pour les époux Balkany, pas même pour des terroristes, des assassins d’enfants ou des gros trafiquants de drogue, pas pour le « gang des barbares » qui a torturé à mort un jeune garçon parce qu’il était juif.
Qu’est-ce qui est passé dans la tête du vice-procureur? Dire qu’il s’est pris pour Fouquier-Tinville ou Saint-Just serait un anachronisme puisqu’il a fait référence à l’Ancien Régime plutôt qu’à la Terreur, à la pendaison plutôt qu’à la guillotine. S’est-il pris pour le procureur du roi, ce qui serait fâcheux pour un procureur de la République ? Lui qui est en charge de faire respecter la loi républicaine, a-t-il oublié que l’article 66-1 de la Constitution proclame: « Nul ne peut être condamné à mort » ? On ne peut imaginer que ce magistrat voulait émettre un regret anticonstitutionnel, mais alors pourquoi utiliser cette référence à la pendaison, d’une violence inouïe à l’égard, notamment, de cette femme qui ne comparait pas pour un crime abominable ? Il aurait pu rappeler également que, sous l’Ancien Régime, on brûlait les sorcières …
Sauf à considérer que le vice-procureur a dit n’importe quoi, ce qui serait lui manquer de respect, il faut rechercher le sens – mal – caché de cette évocation de la pendaison. On peut probablement le déceler dans l’histoire du parquet national financier, créé par François Hollande, dont le chef est choisi par le président de la République et hiérarchisé au Procureur Général de la cour d’appel de Paris, lui-même choisi dans les mêmes conditions. Créé pour les affaires financières « d’une grande complexité », selon les termes du code de procédure pénale, ce parquet spécial s’est arrogé le droit, avec la bénédiction d’une circulaire de Christiane Taubira, de traiter les affaires mettant en cause les politiques, même si l’affaire, comme celle des époux Fillon, est d’une grande simplicité. Il est ainsi devenu le Parquet National Politique, plus intéressé par les affaires qui visent Claude Guéant ou Nicolas Sarkozy que par celle qui concerne les assistants parlementaires du Modem, par l’affaire qui vise le candidat de l’opposition à l’élection présidentielle que par celle qui met en cause le président de l’Assemblée nationale. Rappelons en effet que le parquet national financier ne s’est saisi ni de l’affaire Bayrou, ni de l’affaire Ferrand, ni d’ailleurs de l‘affaire Pénicaud. Quant à l’enquête ouverte il y a trois ans sur l’ancien ministre de l’Intérieur socialiste Bruno Leroux dont les très jeunes filles avaient bénéficié d’emplois d’assistants parlementaires, elle est tombée aux oubliettes. Aucun d’eux ne risque d’entendre parler de pendaison.
Les affaires mettant en cause les politiques ne peuvent plus être confiées
à un parquet dont les membres sont choisis par le pouvoir en place.
La hiérarchisation du parquet jusqu’au garde des Sceaux, acceptable pour garantir l’application d’une politique pénale, devient insupportable quand il s’agit de poursuivre les amis ou les adversaires du pouvoir en place. Il faut créer un procureur général de la Nation, compétent pour les affaires mettant en cause les élus, dont la parfaite indépendance dans la nomination et le fonctionnement garantira un traitement identique pour les proches du pouvoir et les opposants.
Hervé Lehman pour le FigaroVox.
Hervé Lehman est ancien juge d’instruction et avocat au barreau de Paris. Il a notamment publié Le Procès Fillon (éd. du Cerf, 2018) et Justice, une lenteur coupable (PUF, 2002).
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