Très prompt à dénoncer les comportements « irresponsables » des Français qui se promènent dehors en plein coronavirus, le gouvernement ferme les yeux sur les comportements délinquants observés dans certains « territoires perdus » de la France.
Il exige le confinement mental des mal-pensants qui dénoncent ce deux poids, deux mesures.
C’était l’introduction d’une chronique de Barbara Lefebvre parue dans Valeurs actuelles :
L’intolérable « en même temps » de temps de guerre
Le confinement auquel nous sommes contraints pour des semaines résulte d’une impréparation de la puissance publique. Mais nous respecterons les consignes du gouvernement, car en l’absence d’une politique de dépistage de masse (donc d’un vrai suivi des contaminés) et d’une généralisation du port du masque, il ne nous a été laissé d’autre choix qu’un strict confinement. À la différence des Japonais, des Sud-Coréens ou des Taïwanais, dont les gouvernements ont été moins amateurs, pays où la conscience nationale perdure, et où l’idée que chacun est utile à tous fait encore sens.
Dès mardi 17 mars à midi, nous avons vu où en était la conscience civique de notre nation postmoderne: dans certains quartiers, la vie bouillonnante continua. Une vidéo montra notamment une rue commerçante duXVIII ème arrondissement parisien où des policiers s’époumonaient vainement dans un mégaphone au milieu des badauds. Plus grave, vinrent les témoignages de policiers sur la poursuite d’une pratique récurrente dans certaines cités: le guet-apens nocturne. Les « outrages-rébellions » ont conduit à des gardes à vue, ici un policier mordu par un habitant sans attestation récalcitrant, là une policière sur qui l’on crache pour « lui filer le coronavirus ».
Interrogée le 20 mars sur ces comportements délictueux, la porte-parole du gouvernement s’est vite échauffée:
« Je préfère mettre le holà tout de suite. » Bigre, qu’avait-on osé dire ! Sibeth Ndiaye affirma: « Je ne veux pas qu’on commence à dire que c’est parce que ce sont des banlieues, avec des populations de telle ou telle origine, que les gens ne respectent pas les règles. » Car si elle n’a pas de « boule de cristal » pour évaluer la durée du confinement, elle lit dans nos pensées: « Je vois bien le relent qui va très, très vite arriver. J’entends les dérapages de certains. »
En effet, à défaut d’avoir vu venir le coronavirus, Emmanuel Macron avait annoncé une épidémie de peste brune. Dont acte : Sibeth Ndiaye décrète le confinement des mal-pensants.
En Macronie, confinement physique va de pair avec confinement du débat public, obéissance civile devient synonyme d’hibernation mentale générale. En temps de « guerre », la dissonance macronienne « et en même temps » compte se poursuivre sans adversaire. Sibeth Ndiaye l’a prouvé: elle conspue ces « irresponsables » qui se promènent « sur les plages et dans les parcs », à soumettre à la « peur du gendarme » par des amendes dissuasives et, « en même temps », elle excuse des comportements délinquants que la situation actuelle de confinement rend plus inadmissibles que jamais. Ce gouvernement fustige l’incivisme du joggeur solitaire sur les quais de Seine ou du cycliste en forêt, mais se garde de frapper ceux qui caillassent ou mordent des policiers ou se regroupent pour tirer à plusieurs sur la même chicha en bas de l’immeuble.
Pourquoi ce deux poids, deux mesures dans la dénonciation de « comportement irresponsables »? Parce que jusque dans la gestion d’une telle crise sanitaire, l’État de droit n’a aucun levier d’action dans ces territoires perdus de la République. La mission actuelle de nos forces de l’ordre désarmées y sera plus difficile, leur exposition au danger plus inacceptable.
De cela, comme du reste, ce gouvernement devra bientôt répondre devant la nation souveraine.
Barbara Lefebvre, chroniqueuse et essayiste, pour Valeurs actuelles.
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