Il est un peu facile d’accuser le capitalisme,
l’Europe et nos gouvernements de tous les maux !
Nous sommes tous un peu complices et donc responsables de cette mondialisation mise au banc des nations par cette crise sanitaire.
Complices, car nous exigeons de pouvoir acquérir des biens à des prix toujours plus bas !
Nous ne semblons pas comprendre que nous le payons par un chômage massif et permanent. Nous nous lamentons de la désertification commerciale des centres-villes mais nous sommes nombreux à pousser nos caddies dans les grandes surfaces de la périphérie de ces mêmes villes.
Se démondialiser, au moins partiellement, oui, mais par quels chemins possibles ?
C’est l’objet d’un très intéressant texte que nous a laissé en commentaire, Vicento80, un habitué de notre blog.
Je lui laisse bien volontiers la parole :
Le séisme de 2020 tourne la page de la mondialisation heureuse,
et va ouvrir celle de la démondialisation malheureuse.
Le concept de « mondialisation heureuse » est à la base ni vrai, ni faux. C’est avant tout une question de point de vue, et en l’occurrence il s’agit d’une vision d’économiste ou d’intellectuel beaucoup trop globale. Elle met l’accent sur des bénéfices réels : sortie de la pauvreté de milliards d’individus (en Chine, Asie du Sud-Est, en Inde, et même en Afrique), accès à la consommation et à la santé de ces nouvelles classes moyennes, baisse des prix des produits manufacturés dans le monde, possibilités de voyager décuplées …
Elle en occulte ou minimise les effets négatifs. En particulier le fait que les classes populaires et moyennes/inférieures des pays riches / occidentaux ont été les grandes perdantes de cette période, en voyant leur niveau de vie stagner ou progresser beaucoup moins vite par rapport aux nouvelles classes moyennes des pays émergents et aux classes supérieures en occident (la fameuse courbe de « l’éléphant » – voir note en fin d’article). Précarisées par la désindustrialisation et la hausse du chômage, mises en concurrence avec l’ouvrier polonais ou chinois, avec l’agriculture intensive brésilienne ou US, forcées à cohabiter avec de nouveaux arrivants aux moeurs différentes et ne s’intégrant pas, ce sont elles qui aujourd’hui concentrent la colère contre cette mondialisation labellisée « libérale » (financière serait plutôt le bon mot).
Cette période est gagnante pour l’ingénieur coréen ou indien, pour l’ouvrier polonais et chinois (même si son niveau de vie reste inférieur à son homologue français), ainsi que pour le trader ou le footballeur star de n’importe quel pays qui peut se monnayer au plus offrant. Difficile pour le paysan breton, le métallo lorrain ou stéphanois, le chômeur du Michigan ou du Yorkshire, de partager exactement le même point de vue.
Donc pour faire simple, cette vision du point de vue strictement économique est peut-être vraie uniquement si l’on regarde le chiffre global, mais vu de ceux qui en souffrent, c’est encore une fois celle d’une élite qui est « altruiste pour les autres » (qui depuis son appartement des beaux quartiers ou de son ryiad de Marrakech, exige que le chômeur français se réjouisse pour l’ouvrier chinois ou compatisse pour le clandestin malien).
Par ailleurs, c’est aussi faire l’impasse sur les aberrations écologiques (même si d’autres modèles démondialisés ne seraient pas forcément nécessairement plus vertueux), et culturelles (étouffement et dislocation des cultures nationales sous les effets croisées de la culture US dominante et de l’immigration).
Ce processus de « mondialisation heureuse » est aussi un échec majeur pour certains pays occidentaux, dont la France occupe probalement le 1er rang. On peut toujours blâmer la mondialisation (un processus) ou l’Europe, c’est trop facile ! La France et ses élites, mais aussi ses électeurs qui les ont systématiquement reconduites, en sont les vrais responsables. Le succès d’autres pays – Suisse, Allemagne, pays nordiques, Canada, … – démontre, que même si certains effets ou problèmes sont communs, il était possible de tirer son épingle du jeu.
La France a cumulé les erreurs majeures depuis 40 ans au moins :
- mépris de l’industrie, couplé à des choix stratégiques désastreux (industrie « sans usine », …). Ce qui a conduit à la disparition (électronique, machine-outils, …) ou au rabougrissement (sidérurgie, automobile, …) de secteurs essentiels, ainsi qu’à la vente de fleurons industriels (Péchiney, Arcelor, Alstom énergie, Alcatel, …). Le succès d’Airbus, aujourd’hui totalement remis en cause par la crise actuelle, n’a été qu’un cache-sexe.
- laxisme budgétaire : faute de courage politique, on a choisi de pallier les effets de la désindustrialisation par la distribution toujours plus importante d’argent public, ainsi que l’accroîssement sans fin de l’emploi public, le tout financé par l’emprunt auprès des marchés internationaux. L’Etat a délibérément choisi de financer le non-travail (35h, chômage), plutôt que de réformer pour favoriser l’initiative privée, l’innovation, la compétitivité. L’emprunt et les taux bas ont fait office d’anésthésiant pour le bon peuple, soigneusement gardé dans son inculture économique (et inculture tout court de plus en plus).
- laxisme sociétal et judiciaire : choix volontaire de non-maîtrise des flux migratoires, abandon des quartiers populaires laissés aux caïds et aux religieux, refus d’accroître la capacité pénitentiaire, peines minimalistes voire inexistantes ou non-exécutées, renversement du droit en faveur des délinquants, … Là-aussi copieusement arrosé d’argent public par clientélisme cynique, et dans l’espoir de garder le couvercle sur la cocotte-minute. Le tout pour arriver quand même au final à une situation explosive et ingérable.
- chasse au riches, aux entrepreneurs, aversion au risque avec la sanctuarisation du Principe de Précaution
Sur les 4 points précédents, on peut incriminer l’Europe si on veut. Elle a ses torts et a clairement accentué certains points. Mais si la France et ses dirigeants avaient voulu prendre une direction différente, sur ces 4 points ils auraient pu le faire. L’orientation idéologique de l’Europe n’est in fine que le reflet de celle des dirigeants de ses principaux pays.
En revanche, le 5e est partagé avec la quasi-totalité de l’occident USA y compris :
- naïveté, gestion à courte vue, au niveau international, et notamment vis-à-vis de la Chine. L’Occident qui a cru, tel Montesquieu, que quand le commerce triompherait, les moeurs s’adouciraient, et que triompherait la démocratie. La belle affaire ! En bons communistes, les successeurs de Mao ont appliqué la maxime de Lénine du capitaliste et de la corde, et aujourd’hui nous tiennent par la barbichette.
Aujourd’hui, la crise du coronavirus va sonner la fin des illusions et acter définitivement le déclassement de la France.
Croire comme certains à gauche ou à droite le disent qu’une « démondialisation heureuse » va remplacer cette mondialisation que ne fut que malheur est un leurre dangereux.
La période qui s’ouvre ne sera que plus difficile sur tous les plans. Ceux qui furent les perdants de la « mondialisation heureuse » seront aussi les plus gros perdants de cette nouvelle période, même si certains des gagnants y perdront peut-être notablement. Les millions de nouveaux chômeurs de longue durée seront bien plus perdants que la star du foot même si celle-ci voyait son salaire divisé par 3.
Les montagnes d’argent public en ce moment déversées éviteront peut-être (je l’espère en tout cas) l’effondrement complet du système productif du pays. Mais le pays va revenir 15 ans en arrière au niveau du PIB, la dette explosera, le pays qui n’avait pas de marge de manoeuvre risque de se retrouver étranglé.
Même si un sursaut d’activité se produira peut-être à la fin du confinement, il n’y aura pas de rebond en V durable. Certains secteurs seront durablement laminés (tourisme, restauration, petit commerce, …), notre industrie qui aura été confinée plus longtemps et plus affectée par la baisse de la demande verra son retard s’accentuer sur ses concurrentes allemande, américaine, coréenne, et bien sûr chinoise. Les parts de marché perdues ne seront pas reprises. Le tout dans un climat de violence accrue, de tension majeure dans les banlieues et de risque terroriste persistant.
La prochaine décennie du commerce mondial devrait en toute logique prendre une orientation différente de ces 30 dernières années, comme le suggère l’article. Il est effectivement à souhaiter que l’occident « désinise » fortement son économie, en tout cas pour ses secteurs stratégiques. Cela dépendra d’une part des gouvernements (et de la Commission Européenne), mais seront-ils capables d’avoir et de se mettre d’accord sur une vision, et de se doter d’une stratégie de mise en oeuvre ? Avec quels pays travailler en partenaires ? D’autre part, ce seront les entreprises et les consommateurs qui feront ou non bouger. Si les consommateurs, poussés par la baisse du pouvoir d’achat induite par la crise, accroissent leur consommation de produits à bas prix, les entreprises continueront pour la plupart à sourcer en pays bas-coûts. Sûrement certaines réorienteront-elles leur sourcing au détriment de la Chine vers d’autres pays (Vietnam, Indonésie, Maroc, Inde, …) mais peu d’effet à espérer pour la France hormis peut-être quelques secteurs (médicament ?) sous la pression ou l’incitation de l’Etat.
Comme il y a 20 et même 30 ans, il y a toujours 3 chemins qui se présentent pour la France.
Le premier est une autoroute qui, après quelques panneaux trompeurs, mène directement vers l’enfer à la façon du Vénézuéla.
Toujours plus d’Etat, de dépense, d’emprunt, de contrôle, de planification, de chasse aux riches, toujours moins de liberté. C’est la route que nous indiquent Mélenchon, la CGT, la gauche altermondialiste et sans-frontiériste, les écolos.
Mais malheureusement tout indique aussi qu’au final, c’est cette même route, à la très notable différence près de l’immigration, que nous ferait prendre Marine et la droite « nationale » mais de gauche économique. En tout cas au démarrage, cela semble inévitable, reste à voir s’ils seraient capable d’un tête-à-queue salvateur sur le sujet, là où la gauche s’enfermera dans le déni et le toujours plus.
Le deuxième va au même endroit, mais par les chemins de campagne. Par renoncements sur tous les sujets, choix de facilité, démagogie, paresse, peur, on conduit le pays d’abord au stade (aujourd’hui) d’une grosse Grèce en plus explosif, puis ensuite ? C’est le chemin suivi par quasiment tous nos gouvernants depuis Mitterrand voire Giscard, mais avec un zèle tout particulier par la chiraquie et surtout par la Gauche (car en y repensant, c’était quand même mieux avec Sarkozy, Fillon, Breton et quelques autres, qu’avec Jospin, Hollande, Aubry, Vallaud-Belkacem ou Taubira).
Le troisième, c’est le chemin de montagne, qui nous ramène vers le haut. Le long et lent chemin du redressement, qui nécessite de chausser les crampons, de mettre le sac à dos, et d’accepter que l’effort sera indispensable pour obtenir toute récompense. Plus de travail et de libertés, une réforme complète de l’administration, une réorientation complète (précédant une réduction) de la dépense publique vers le régalien et l’investissement, une vraie solidarité remplaçant l’assistanat, rétablissement de l’ordre républicain, arrêt des flux migratoires.
Le seul qui proposait un programme qui s’approchait de la troisième route, c’était Fillon en 2017. L’aurait-il appliqué ? Nul ne sait.
Macron a choisi le deuxième en trompant les français et beaucoup d’électeurs de bonne foi, et propose de continuer en accélérant, en s’alliant probablement avec les écolos en 2022 (euthanasie du nucléaire, …). Beaucoup de Français semblent mûrs pour prendre l’autoroute, poussés par des médias qui relaient complaisement les vieilles lune marxistes.
Et la Droite, qui seule semble à même d’avoir les armes idéologiques pour emprunter le bon chemin, qu’a t’elle à nous proposer ?
Vicento80 pour A droite, fièrement !
Note : la courbe de l’éléphant
Dans un livre publié en 2016 qui a fait grand bruit parmi les économistes s’intéressant aux inégalités, Branko Milanovic analyse la redistribution du revenu mondial opérée sur une vingtaine d’années, entre la chute du mur de Berlin et la crise de 2008. Une courbe issue de ce travail est déjà passée à la postérité, la courbe dite de l’éléphant, parce que sa forme, décrivant la croissance du revenu moyen de chaque fractile des revenus mondiaux (des 5 % les plus pauvres aux 1 % les plus riches), évoque celle d’un éléphant relevant sa trompe (voir cet article).
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