Ce texte fait suite au précédent article extrait du dossier du Figaro Magazine et intitulé :
« Ecole : et si enfin ça changeait ? »
Dans cette deuxième partie, Judith Waintraub revient sur les dérives fondamentalistes observées dans de nombreuses écoles de notre pays.
Pour ce faire, elle se réfère à plusieurs ouvrages écrits par des professeurs ou des proviseurs.
Marginales, les dérives fondamentalistes ?
Ce n’est pas l’avis de Bernard Ravet (4), auteur de Principal de collège ou imam de la République. Ce retraité – depuis 2013 – de l’Education nationale a vu grandir l’emprise islamiste sur les établissements marseillais qu’il a dirigés et dénonce l’impuissance publique, voire le déni, face au phénomène. ll relate ses mésaventures avec un surveillant « très efficace » dont il découvre qu’il distribue un livret « qui promeut la charia et détaille les crimes des « mécréants » ». Le rectorat, auquel il transmet des informations détaillées sur le livret, publié en Arabie saoudite et interdit en France, lui répond: « Ce monsieur a signé un contrat pour six ans, on ne peut rien faire. » Les RG (renseignements généraux), que le principal contacte, surveillent l’individu depuis six mois, mais rien n’est fait pour l’empêcher de nuire. « Méfiant, le surveillant a fini par partir de lui-même » , explique Bernard Ravet.
Dès 2002, Les Territoires perdus de la République – ouvrage collectif sous la direction de Georges Bensoussan (5) – avaient sonné l’alerte, en vain. En 2004, un rapport d’un inspecteur général de l’Education nationale, Jean-Pierre Obin, recensait les multiples atteintes à la laïcité constatées sur le terrain. Comprenant enfin que cette bataille culturelle était décisive, mais ne sachant comment la mener sans être accusés de « stigmatiser » l’islam, les parlementaires votèrent la loi d’« interdiction du port de signes religieux ostentatoires » à l’école.
La victoire fut de courte durée. Dans Témoin de la déséducation nationale, qui vient de sortir, Jean-Noël Robert cite le cas d’un collège près de Toulon dont le principal « a dû lutter contre le représentant des parents d’élèves, un musulman qui, au vu de la fréquentation de l’établissement, réclamait l’instauration de pratiques islamiques ». D’après l’auteur, 25 élèves seulement sur environ 500 n’y font pas le ramadan. « Nous sommes seuls, accuse Bernard Ravet. Seuls à encaisser l’irruption du religieux dans la sphère publique […] Seuls à devoir bidouiller des réponses au quotidien. »
Jean-Michel Blanquer se réfère volontiers à la loi de 2004, qu’il juge « très bonne » . Quand il invoque la devise républicaine, il rajoute « laïcité» après « liberté, égalité, fraternité ». Il a demandé aux chefs d’établissement, qu’il a rencontrés avant la rentrée, de lui « faire remonter les problèmes », en leur promettant qu’ils pourraient compter sur le soutien de leur hiérarchie. Son credo : « La République est forte, il faut la faire respecter ! »
Y parviendra- t- il ? Paradoxalement, sur ce sujet comme sur d’autres, l’évidence du délabrement de l’Education nationale devrait l’y aider. Les syndicats enseignants ne peuvent plus prétendre que les maux de l’école sont imaginaires. Jean-Pierre Chevènement, qui marqua son passage Rue de Grenelle, de 1984 à 1986, en promouvant l’« élitisme républicain » contre l’égalitarisme, tient son lointain successeur, dont il a lu les livres, en haute estime. « Jean-Michel Blanquer peut être le Jules Ferry ou le Paul Bert du XXI ème siècle, assure-t-il, en énumérant ses atouts : Il a les idées claires, des chances raisonnables de durer dans son ministère, c’est un très bon connaisseur du système éducatif et il bénéficie du soutien d’un président de la République qui s’intéresse à l’Education. »
« Brigitte Macron doit y être pour quelque chose, ajoute Jean- Pierre Chevènement, car elle avait la réputation d’être un professeur de qualité. » Bien vu, même si officiellement, l’épouse du Président n’a eu qu’un vrai contact avec le ministre de l’Education, lors d’un déjeuner en tête à tête, avant l’été. Mais elle a joué un rôle dans sa nomination : « Elle avait lu les ouvrages de Jean-Michel Blanquer, elle en a parlé à Emmanuel Macron, qui a déjeuné avec lui pendant la campagne, au moment des vacances de Noël »,raconte un membre de l’entourage du ministre. Le père d’un garçon que Brigitte Macron a eu comme élève quand elle enseignait à « Franklin », du nom de la rue du XVI ème arrondissement où se trouve le lycée privé jésuite Saint-Louis-de-Gonzague, voit très bien « quelles peuvent être les convergences » entre le ministre et l’ancienne prof de son fils. Il en fait une description enthousiaste : « Elle est aux antipodes de la gauche bien-pensante et égalitariste, elle tirait les enfants vers le haut en exigeant d’eux beaucoup d’efforts et de travail. Elle tenait aussi énormément à leur donner l’esprit de synthèse : par exemple, elle demandait à un enfant de résumer le cours, après l’avoir prévenu au début de l’heure qu’elle le ferait. » Certains des élèves de Brigitte Macron-Hauzy, comme elle s’appelait encore à l’ époque, ont eu la chance qu’elle les emmène à Bercy, quand son mari était ministre de l’Economie, pour assister à un échange entre lui et Fabrice Luchini sur la littérature. Les enfants en gardent évidemment un souvenir ébloui. « Je me rappelle que Brigitte Macron nous avait dit « vos enfants sont à Franklin, ce serait impardonnable qu’ils n’aient pas lu les grands classiques » », raconte aussi le père de son ancien élève. Des propos que ne désavouerait certainement pas le ministre qui a offert Les Fables de La Fontaine à tous les élèves de France … Hannah Arendt disait en effet :
« On ne transmet bien que ce à quoi on croit »
Judith Waintraub pour le Figaro Magazine.
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