Les médias – et tout particulièrement les médias français – qui n’avaient pas de mots assez durs pour stigmatiser la politique et les bourdes de Donald Trump, sont aujourd’hui des plus complaisants avec les échecs de Joe Biden et les signes de sénilité qu’il ne cesse de présenter.
Le piteux retrait des troupes américaines d’Afghanistan pourrait remettre en cause cette servilité des médias mais il n’y a pas que cela.
C’est l’objet d’un papier de Nicolas Lecaussin paru sur le FigaroVox et sur le site de l’IREF :
Pour la (très) grande majorité des médias et des analystes, l’élection de Joe Biden était celle du «retour à une présidence normale», elle annonçait la renaissance de l’Amérique après le «sombre mandat de Trump» et incarnait les espoirs des progressistes du monde entier. «America is back» clamait Joe Biden après sa victoire. Et un grand ouf de soulagement s’échappait de toutes les poitrines démocrates, les cœurs se remettaient à battre, les gens « sensés » disaient leur immense soulagement d’avoir de nouveau un président sortable.
Sont-ils en train de déchanter ? Difficile de s’en rendre compte. Les plus attentifs guetteurs de faux pas, les plus virulents pourfendeurs du moindre mot de travers de Trump, sont devenus des taiseux. Il n’y a plus beaucoup de lanceurs d’alerte à la bourde, les critiques sont rares ou exprimées du bout des lèvres. Pourtant, sept mois à peine après ses débuts, la présidence de Joe Biden présente déjà tous les signes d’un traumatisme profond suscitant de vives inquiétudes. Le silence autour du président ressemble à de la consternation, et l’agitation de sa coéquipière, à une manière de vouloir conjurer l’imminence d’une catastrophe. Dans le dernier baromètre USA Today, seulement 41 % des Américains approuvent son travail à la Maison Blanche et 55 % le désapprouvent.
La principale raison en est le calamiteux retrait d’Afghanistan mais elle n’est pas la seule. Biden a commencé a baissé dans les sondages d’opinion depuis quelques mois, de nombreux Américains étant mécontents de la manière dont l’économie reprend après la récession durant la pandémie. Plus de 55 % des Américains pensent que l’Amérique va dans une mauvaise direction (c’est une baisse de 20 points depuis le mois de mai !). Ils ne semblent pas convaincus par le plan de relance de 1.9 trillions de dollars qui, selon Biden, « a sauvé le pays ». Un jour ou l’autre il faudra rembourser cet argent. De plus, l’inflation – +5,4 % sur un an – est ressentie par tous et en Amérique, lorsque les prix de l’essence (+41.8 %) et des 4X4 d’occasion (+ 70 %) augmentent, la population comprend que l’économie ne tourne pas rond.
Ce qu’elle a probablement compris aussi, c’est que le plan supplémentaire de 1.2 trillions de dollars (il était de 2.5 trillions avant les négociations au Congrès avec les républicains) pour moderniser les infrastructures n’en est pas un. Les infrastructures sont un prétexte, uniquement 7 % de l’enveloppe leur sont effectivement destinés. Une grosse part de l’argent va à des dépenses sociales et des subventions ne disant pas leur nom. Des dizaines de milliards sont répartis à des fins politiques, tels des financements pour les écoles et universités dites «noires » ou le renflouement des caisses des syndicats dont le soutien est nécessaire. Finalement, 3 ou 4000 milliards de dollars de dépenses publiques ? Personne ne sait exactement. À ce niveau, tout le monde à l’exception des experts serait perdu mais l’Américain moyen n’aime pas ça et le fait savoir dans les sondages.
Ce que l’on sait par contre c’est que la classe moyenne supérieure et les entreprises seront principalement appelées à contribuer au financement de ces mesures. Une hausse des taxes pour les foyers gagnant plus de 400 000 dollars par an servira en partie à financer le plan, bien que le montant n’en ait pas encore été détaillé. Joe Biden va également supprimer les réductions de taxes sur les entreprises mises en place en 2017 par Trump. Elles avaient pourtant permis à l’économie américaine de tourner à plein régime, de faire baisser le chômage à un niveau record, et de rapatrier 1600 milliards de profits autrefois taxés à l’étranger. Les impôts sur les entreprises vont être augmentés de 21 % à 28 %, ce qui fera passer les États-Unis au-dessus de la moyenne de l’OCDE (23,5 %). Au total cela devrait représenter 1500 milliards de dollars de taxes supplémentaires sur 10 à 15 ans : la plus grande hausse depuis 1968.
Le centriste Biden est devenu de plus en plus « progressiste ». Après avoir répété à satiété qu’il existe un « racisme systémique au sein de la police », il a insisté durant tous ces mois pour changer le processus de vote dans plusieurs États républicains, processus qu’il a dénoncé comme discriminatoire à l’égard des minorités. Sa rhétorique ressemble de plus en plus à celle de Bernie Sanders ou d’Elizabeth Warren. Lors du procès du policier accusé de meurtre de George Floyd, il est intervenu en affirmant qu’il espérait un «verdict juste». Drôle de manière pour un président de garantir l’indépendance de la justice. Debout devant les policiers blancs américains, couché devant les talibans…
Ces déclarations progressistes n’assurent pas la sécurité au quotidien.
Le taux de criminalité bat des records dans de nombreuses villes américaines. À l’échelle nationale, les homicides ont augmenté de 21 % dans 66 des plus grandes villes du pays au cours du premier semestre de l’année, selon la Major Cities Chiefs Association. Depuis un an par exemple, la ville de Minneapolis sombre dans une violence qui semble incontrôlable depuis la mort de George Floyd. Elle est maintenant l’une des plus dangereuses des États-Unis. Les homicides y ont plus que doublé : rien qu’entre janvier et juin 2021, + 108 % par rapport à la même période de 2020. Les fusillades ont augmenté de 153 % et les vols de voiture, de 222 %. À Chicago, on a enregistré 105 homicides en juillet dernier contre 44 en juillet 2019. La ville serait aujourd’hui encore plus dangereuse que du temps de la mafia.
À New York, les statistiques sont encore plus dramatiques. Le nombre de fusillades a bondi de 70 % en 2020 et celui des homicides de 50 % depuis 2019. Malgré les appels – repris par les médias – du mouvement BLM (Black Lives Matter) de «defund the police» («démanteler la police»), les Américains préfèrent plus de présence policière afin d’endiguer la criminalité rampante. Même les Noirs sont très majoritairement pour plus de présence policière. Ainsi, selon un sondage Politico réalisé juste avant la primaire à la mairie de New York, 77 % des électeurs démocrates noirs pensent que le nombre de policiers dans le métro devrait sensiblement augmenter. Le problème de la violence est donc loin d’être résolu, malgré les envolées lyriques, les genoux à terre et les signes de la contrition la plus extrême.
En politique étrangère, la ligne de Biden est on ne peut plus floue. Il a montré quelque fermeté à l’égard de la Chine mais a cédé sur le pipeline Nord Stream 2 qui rendra une partie de l’Europe dépendante de la Russie de Poutine. Et comment réagiront la Chine, la Russie, l’Iran ou la Corée du Nord après le désastreux retrait d’Afghanistan ? Vont-ils mettre à l’essai l’Amérique de Biden ? Probablement. On verra si le président américain pourra se rattraper. Pour le moment, America is not back. Bien au contraire.
Nicolas Lecaussin pour l’IREF.
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America is out !