Le flou pas du tout artistique du programme de Macron

« Un président sans mandat »

C’est ce que clame la France insoumise qui prépare à la fois ce qu’elle appelle « l’élection du premier ministre » traduisons : les élections législatives et, le cas échéant, un troisième tour dans la rue !

Emmanuel Macron, que l’on dit très intelligent, est en tout cas très habile ! Mais il travaille trop dans le court terme. Pour forcer sa réélection, il ne précise pas quel est son programme ce qui lui permet de « ratisser large ».

Mais attention, quand il abordera de lourdes réformes (autres que la retraite à 64 ou 65 ans), ses opposants et les syndicats sauront lui rappeler qu’il n’a pas été élu pour ces réformes !

Voici un édito de Guillaume Roquette dans Le Figaro Magazine qui développe ce point de vue:

Le devoir de dire

A l’heure où nous bouclions ce numéro du Figaro Magazine, Emmanuel Macron affirmait avoir choisi son prochain premier ministre … mais sans en dévoiler pour autant l’identité. Cette partie de cache-cache serait anecdotique si elle ne reflétait pas l’embrouillement qui marque les débuts de ce second mandat : personne ne sait vraiment où va le président réinvesti.

Et c’est assez logique, puisqu’il n’a pas fait campagne !

Mobilisé sur le dossier ukrainien et jugeant sans doute, à la suite du cardinal de Retz, qu’on ne sort de l’ambiguité qu’à son détriment, Emmanuel Macron s’est davantage fait réélire sur sa personne que sur son projet. Et ce n’est pas son discours d’investiture, samedi dernier, qui a beaucoup éclairci les choses. Il y affirmait avec conviction vouloir :

agir sans relâche avec un cap, celui d’être une nation plus indépendante, de vivre mieux et de construire nos réponses françaises et européennes aux défis de notre siècle.

Sans vouloir faire de mauvais esprit, on n’est pas beaucoup plus avancés.

Ce flou programmatique (dernière déclinaison en date du « en même temps »)

est habile tactiquement, puisqu’il permettra sans doute au parti présidentiel d’attirer le plus possible de Français aux prochaines législatives. Mais il risque de fragiliser la suite du quinquennat : déjà, La France insoumise et ses alliés, qui ne rêvent que de nouveaux troubles sociaux, distillent leur petite musique sur « le président sans mandat », qui ne serait pas légitime pour réformer faute de s’être clairement engagé sur une
feuille de route précise.

En France, le mandat n’est jamais impératif,

mais il n’équivaut pas pour autant à un chèque en blanc; les électeurs ont le droit de savoir ce qui les attend et, pour l’instant, ce n’est pas vraiment le cas. Ainsi, lundi dernier, le chef de l’État a surpris tout le monde en souhaitant l’abandon de la règle de l’unanimité des pays membres pour valider les décisions essentielles prises par l’Union européenne. Cette volonté d’effacer les volontés nationales au profit d’un gouvernement européen est parfaitement respectable – le fédéralisme n’est pas une maladie honteuse -, mais elle n’en constitue pas moins une rupture majeure, comparable à celles qu’a introduites le traité de Maastricht.

Or, on n’en trouve pas trace dans les 13 pages du programme présidentiel d’Emmanuel Macron.

Souhaitons que des sujets aussi importants soient enfin abordés dans la campagne législative qui commence,
pour savoir clairement à quoi nous engage notre vote dans les cinq ans qui viennent. Malheureusement, celle-ci se résume pour l’instant à des règlements de comptes entre vaincus ou à des offres de service plus ou
moins honteuses dans l’espoir d’obtenir une faveur du prince (sauf à gauche où l’on est subjugué par le
jusqu’au-boutisme mélenchonien). Si rien ne change, il ne faudra pas s’étonner que les Français boudent les
urnes les 12 et 19 juin prochains.

Guillaume Roquette pour Le Figaro Magazine.