Un Guillaume Bigot magistral dans Face à l’info !

Il n’y a que sur CNews, dans l’émission de Christine Kelly, que l’on pouvait trouver un tel édito sur la guerre en Ukraine, à contre-courant de la pensée dominante.

Partout ailleurs, sur toute les chaines d’infos, ce n’est que pensée unique et propagande anti-russe !

Alors qu’en règle générale, les médias sont plutôt anti-américains, ils ne voient, aujourd’hui, dans le conflit ukrainien, aucun signe de l’impérialisme américain !

L’analyse de Guillaume Bigot est effectivement magistrale. En comparant, l’étouffement de la France dans l’Europe, à la voix très écoutée d’un pays comme la Turquie, il touche au coeur du désastre de la politique étrangère de Macron qui oublie la France au seul bénéfice d’une Europe chimérique.

Voici le verbatim de l’intervention de Guillaume Bigot qui porte sur la guerre en Ukraine un regard bien plus ouvert que le reste de la presse (vidéo de l’émission disponible ici) :

Dans le conflit ukrainien, la Turquie nous a volé le rôle-titre qui revenait naturellement à la France. Mais pourquoi la France est-elle inaudible ? On nous a un peu caché les images de l’Assemblée générale des Nations Unies quand le président Macron s’est exprimé mais les trois-quarts des sièges étaient vides ce qui est très rare quand un membre du Conseil de sécurité s’exprime !

La France est inaudible parce qu’il y a beaucoup de pays qui attendent de rejeter également l’impérialisme américain et l’impérialisme russe. Mais la France d’Emmanuel Macron a choisi son camp ! Elle a choisi de défendre l’impérialisme américain contre l’impérialisme russe. Elle a choisi de reproduire ce narratif qui a cours à Washington, à Kiev et à Bruxelles, et qui présente Poutine comme Hitler ! Et on rentre dans un manichéisme total.

Mais pardon, Poutine n’est pas un gentil garçon mais ce n’est mas Hitler ! Où est son idéologie génocidaire et conquérante ? On la cherche ! Il n’est même pas capable d’envahir complètement l’Ukraine. Comment pourrait-il envahir des pays membres de l’Otan ? Cela n’a aucun sens ! Poutine, certes, a attaqué un pays souverain ! Certes, il a volé le droit international ! Il est probable que sa soldatesque ait torturé et même tué des civils mais si cela vaut qu’il soit traduit devant un tribunal international, comme on l’entend ici ou là, alors il faut envoyer aussi un mandat d’arrêt contre George Busch ! Parce qu’il a fait exactement la même chose en Iraq … Tortures comprises !

Oui, on va dire : mais l’Iraq, c’était une dictature tandis que l’Ukraine est une démocratie … Parlons-en ! C’est une démocratie très très perfectible ! C’est un euphémisme ! Lorsque les Ukrainiens ont voté pour des candidats plutôt pro-européens, pro-Otan, contre des candidats pro-russes, ils se sont retrouvés avec des politiciens tout aussi corrompus et tout aussi violents ! D’ailleurs, monsieur Zelensky était dans les Pandora Papers ! C’est une meilleure démocratie que la Russie, mais guère plus !

L’Ukraine et ses rapports troubles au nazisme

On nous explique que l’Ukraine est une nation à l’identité solide qui serait dévorée par un empire sur le retour. Il faut sortir du manichéisme. C’est beaucoup plus compliqué que ça ! D’abord c’est une nation récente qui n’existait pas avant 1991 et quoi qu’on en pense, c’est tout de même le berceau de la Russie. Ensuite si l’Est de l’Ukraine n’est assurément pas russe, en tout cas le reste de l’Ukraine a montré qu’il y avait des pro-russes et des pro-occident donc cette histoire n’est pas un western qui oppose des bons et des méchants ! C’est davantage une tragédie grecque dans laquelle la victime s’appelle effectivement l’Ukraine, victime de la prédation et de l’impérialisme russe, c’est évident ! Mais, également victime de l’impérialisme américain. Ce sont les Etats-Unis qui ont agité le chiffon rouge de l’Otan, constamment ! Ce sont les Etats-Unis qui ont déversé des milliards de dollars pour fomenter des troubles à l’intérieur de l’Ukraine. Qu’on ne nous prenne pas pour des ravis de la crèche ! Ce sont évidemment les Etats-Unis qui ont exercé une pression sur Kiev pour qu’ils n’appliquent pas les accords de Minsk dont nous étions garants ! Et Joe Biden, jusqu’au bout, a joué un rôle plus que trouble. Il a dit : Ecoutez. Ils vont attaquer mais nous ne ferons rien. C’était un chèque en blanc qui était donné à la Russie ! Oui, je pense que la situation est beaucoup plus complexe que ça. Et tant que nous ne sortons pas de ce manichéisme, nous serons inaudible !

Relance de Christine Kelly : fallait-il, ou pas, appliquer les sanctions à la Russie et aider militairement l’Ukraine ?

Guillaume bigot : Mais pourquoi choisir ? Pourquoi nous présente t-on les sanctions et l’aide militaire comme un package ? La Turquie a montré qu’il était possible d’aider militairement l’Ukraine sans appliquer de sanctions ! Et elle a bien fait ! Un, parce que les sanctions sont toujours inefficaces contre les états autoritaires. On l’a vue en Iran, en Iraq, en Corée ! En réalité, ce sont les peuples qui trinquent ! Deux, les sanctions ont été inefficaces pour protéger Kiev ! Et surtout parce que c’était des auto-sanctions ! Alors, si à l’intérieur de l’Union européenne, il y a des pays trop serviles pour résister aux Etats-Unis, si l’Allemagne par exemple veut s’infliger à elle-même de se priver d’un gaz russe bon marché, mais grand bien lui fasse !

Je vais vous dire quelque chose qui va choquer tout le monde : je pense que c’est très mauvais pour les entreprises allemandes mais c’est très bon pour les entreprises françaises ! C’est parfait pour le commerce extérieur français ! Plus l’Allemagne est faible économiquement, plus la France sera forte. Il faut dire les choses ! Par rapport au sponsoring de la réunification, à une monnaie très surévaluée qui a permis à l’Allemagne de dégager des bénéfices énormes, c’est toujours ça de pris ! Pour nos chômeurs …

Deuxième chose l’aide militaire ! Là encore, la Turquie montre la voie ! Elle a bien fait d’aider l’Ukraine, en terme d’équilibre des forces, il fallait permettre à l’Ukraine de se défendre. Attention, la Turquie a vendu des drones à l’Ukraine. Elle ne les a pas donnés ! Les canons César coûtent 5 millions d’euros pièce. La France en a donnés 18 ! On dira que je suis cynique mais, comme disait le général de Gaulle, les états n’ont pas d’amis, ils ont des intérêts ! Qui pense aux contribuables français qui ont financé ces canons. Soyons un peu cyniques ! D’ailleurs, comme les Etats-Unis ont décidé d’aider à fond l’effort de guerre ukrainien, ce serait très bien que le contribuable du Dakota ou de Californie finance ces canons César ! Puisque ce ne sont pas les Ukrainiens qui les ont payés mais les Américains !

Cette histoire montre que nous ne défendons plus nos intérêts pour commencer. Nous la France, nous les Français ! Il y a un paradoxe savoureux … ou accablant ! On nous explique que, sans l’Union européenne, on n’est pas grand chose et que l’Europe est un démultiplicateur de puissance. Or on se rend compte, dans cet exemple précis, que c’est parce que nous sommes à l’intérieur de cette Union européenne que nous sommes contraints, par Washington, de nous aligner sur la politique otanienne. On nous expliquait, c’est là le paradoxe, que c’est parce qu’on avait besoin d’un surcroit de puissance. Finalement, c’est la cause, pour ne pas dire le prétexte, de notre effacement politique !

Depuis trente ans, on attend la puissance européenne comme on attend Godot ! Et elle ne risque pas de venir ! Et on nous dit pourquoi il faut passer par l’Europe parce que nous sommes trop petit ! Et là où c’est fantastique, c’est que la Turquie, c’est à dire un quart du PIB français, un cinquième de l’armée française, la Turquie qui n’est pas une puissance nucléaire, qui n’est pas membre du Conseil de sécurité, la Turquie qui a beaucoup moins de turcophones dans le monde que de francophones, la Turquie est capable d’être écoutée des Etats-Unis, écoutés de la Russie, de la Chine et de l’Inde, de l’Afrique et des pays d’Amérique centrale. Parce que la plupart des états du monde n’ont pas envie de l’impérialisme, ni chinois, ni russe, ni américain !

Le monde entier attend la France. Il y a un boulevard devant nous et qu’est-ce qu’on fait ? On se met dans cette espèce de petite coquille grotesque, cette espèce d’Ehpad, de maison de retraite  de l’histoire, à attendre qu’on soit puissant ensemble. C’est une machine  à renoncer à tout. C’est une machine à obéir, une niche. On est dans la niche et on a donné la laisse à Biden ! C’est ça la réalité, en fait !

La comparaison avec la Turquie est extrêmement frappante. La Turquie nous a volé ce rôle de chef des non-alignés. Un pays qui, tout en étant membre de l’Otan, en étant allié des Etats-Unis – le général de Gaulle, dans les cas de crises très fortes était du côté des Etats-Unis –  la France est solidaire de ses alliés. Simplement, les intérêts de la France ne sont pas les intérêts de l’Allemagne ni ceux des Etats-Unis !

Et donc, on a une voix, une puissance dans le monde et c’est précisément l’Union européenne qui nous empêche de l’exprimer. Parce que qu’est-ce que c’est que l’Union européenne ? C’est s’attacher les uns aux autres pour mieux s’attacher ensuite à Washington ! Et peut-être demain à Pékin ! Comme le disait Marie-France Garraud : « l’Europe est un berceau vide où il n’y a pas d’enfant. »

Guillaume Bigot répond à Mathieu Bock-Côté en concluant :

Si on compare l’Ukraine à l’Alsace-Lorraine, c’est un exemple éclairant à deux titres : parce que les Alsaciens sont de culture et de langue germanique mais, pour autant, ils ont voulu être Français, pas Allemands. On peut comprendre que des Russes aient envie d’être ukrainiens et pas russes, ça se respecte ! L’identité, ce n’est pas seulement une appartenance à un passé ou à une langue, c’est aussi une volonté politique. Deuxième point, du côté russe, on peut aussi comprendre que pour eux, ce sont des provinces perdus ! L’Ukraine, c’est leur Alsace-Lorraine !

Guillaume Bigot pour CNews – Face à l’info.

Pour voir la vidéo de l’émission, cliquez sur l’image.