Voici la suite du dossier publié dans Valeurs actuelles et consacré au djihad judiciaire.
La première partie était consacrée à l’affaire Houellebecq et à la plainte déposée contrerai par le recteur de la Grande Mosquée de Paris.
La seconde partie rappelle que de nombreux autres intellectuels ont déjà été victimes de la collusion entre l’islam radical et les associations antiracistes.
Chronique sans fin du djihad judiciaire
Partie 1 : l’affaire Houellebecq
Le djihad judiciaire se pratique en meute
Qu’en est-il vraiment ? Quels en sont les mécanismes, les implications, les complicités et les conséquences ?
Youssef Al-Qaradawi, qui, jusqu’à sa mort en septembre 2022, passait pour le guide spirituel des Frères musulmans, savait mieux que quiconque que l’Etat de droit, sacralisé par nos sociétés occidentales, est le levier le plus puissant pour précipiter l’expansion de l’islam. En 2002, s’adressant aux Européens, il avertissait :
Avec vos lois démocratiques, nous vous coloniserons. Avec nos lois coraniques, nous vous dominerons.
Et c’est peu de dire que les associations musulmanes, avec la complicité active des professionnels de l’antiracisme, s’emploient à utiliser toutes les subtilités de notre droit pour faire progresser leur agenda, en instrumentalisant la justice. Certains, comme Boualem Sansal, nous avertissent. Mais qui parmi les politiques le prend vraiment au sérieux quand, à longueur de livres et d’interviews, il ne cesse de répéter que « l’islam sait s’adapter, il se fiche de la culture du pays, il veut juste la détruire afin d’imposer la sienne »?
En France, le djihad judiciaire est un sport de combat qui se pratique en meute. Michel Houellebecq en sait quelque chose, qui, nous le disions plus haut, a déjà connu les tribunaux.
Tout commence par l’entretien au magazine Lire en 2001 :
La religion la plus con, c’est quand même l’islam. Quand on lit le Coran, on est effondré … effondré,
confie le romancier, en pleine promo de Plateforme. Le scandale est retentissant. Accusé de
complicité de provocation à la haine raciale par la Grande Mosquée de Paris, celle de Lyon, la Ligue des droits de l’homme (LDH) et une kyrielle d’associations islamistes, le procès, quoique absurde, se déroule un an plus tard. Michel Houellebecq ne manque pas de soutiens. Tout le Paris germanopratin semble s’être donné rendez-vous dans la salle d’audience.
On avait l’impression d’être dans un banquet dans lequel on me faisait jouer à mon corps défendant le mauvais rôle parce que j’avais osé attaquer le grand Michel Houellebecq. Il ne manquait plus que les petits fours,
confiera plus tard Chems-Eddine Hafiz, alors avocat de Dalil Boubakeur. Michel Houelle-
becq est à la mode. Personne ne craint de s’afficher à ses côtés. Josyane Savigneau, la toute-puissante patronne du Monde des livres, compte encore parmi ses témoins, tout comme Philippe Sollers qui fait les quatre cents pas et fume ses Gitanes sans filtre avec un porte-cigarettes à la manière d’un acteur de cinéma. Les parties civiles réclament 190 000 euros de dommages. Elles seront déboutées le 22 octobre. Encore faudra-t-il à l’écrivain attendre deux ans et le désistement de la Ligue islamique mondiale pour que la cour d’appel de Paris rende sa relaxe définitive. Le djihad judiciaire s’éternise et prend souvent des allures de supplices chinois.
De supplice tout court. La rédaction de Charlie Hebdo en sait quelque chose, qui, après avoir publié le 8 février 2006 dans un numéro spécial les caricatures danoises qui avaient enflammé le monde musulman avec en couverture un Mahomet désespéré d’être « débordé par les intégristes », soupirant: « C’est dur d’être aimé par des cons », est poursuivi par la Grande Mosquée de Paris, l’Union des organisations islamiques de France et la Ligue islamique mondiale pour « injure envers un groupe de personnes en raison de sa religion ».Le procès se déroule du 7 au 8 février 2007. François Hollande, le premier secrétaire du PS, appelé à la barre pour soutenir la rédaction, défend – naïvement – qu’« il vaut toujours mieux une bonne discussion qu’un mauvais procès ».
Harcèlement judiciaire
Élisabeth Badinter, dans la salle des pas perdus, est peut-être celle qui mesure le mieux le tournant que constitue ce procès. « Si on recule un peu sous prétexte de bien-pensance, de bien-séance, pour ne pas blesser, s’en est fini de la liberté d’expression. » Le verdict qui tombe le 22 mars 2007 est conforme à la demande de relaxe du procureur de la République. Charlie triomphe, mais vit désormais sous protection policière.
On connaît la suite de cette fatwa permanente. En 2011, c’est un premier avertissement sans frais. Un cocktail Molotov est jeté sur la façade de l’immeuble qui abrite Charlie Hebdo. Dans un appel « Pour la défense de la liberté d’expression, contre le soutien à Charlie Hebdo ! »,
une vingtaine de signataires, dont Houria Bouteldja et Rokhaya Diallo, expliquent:
Il n’y a pas lieu de s’apitoyer sur les journalistes de Charlie Hebdo, les dégâts matériels seront pris en charge par leur assurance. Le buzz médiatique et l’islamophobie ambiante assureront
certainement à l’hebdomadaire, au moins ponctuellement, des ventes décuplées, comme cela s’était produit à l’occasion de la première « affaire des caricatures » bref : ce fameux cocktail Molotov risque plutôt de relancer pour un tour un hebdomadaire qui, ces derniers mois, s’enlisait en silence dans la mévente et les difficultés financières.
Le 7 janvier 2015, c’est l’attentat des frères Kouachi. Les « Je suis Charlie ». Les bougies. Les « Plus jamais ça ». Tu parles.
L’islamisme tue. Et quand il ne tue pas, il cherche à faire taire. Manuel Valls l’avait compris, qui, dès l’année 2013, n’hésitait pas à dire que « l’islamophobie est le cheval de Troie des
islamistes ». Le discours victimaire s’impose comme le seul ferment d’unité d’un islam éclaté et le plus souvent sous influences étrangères.
Et quand ce ne sont pas des associations musulmanes qui sont en première ligne, les ligues antiracistes prennent le relais. Philippe Tesson a payé pour le savoir. Le 13 janvier 2015, le journaliste participe à un débat sur Europe1. La minute de silence organisée en hommage aux victimes des attentats islamistes a été troublée dans plusieurs établissements scolaires. Dans ce contexte, l’écrivain affirme:
D’où vient le problème de l’atteinte à la laïcité, sinon des musulmans ? On le dit, ça ? Ben moi je le dis. C’est pas les musulmans qui amènent la merde en France aujourd’hui ? Il faut le dire, quoi !
Trois ans de procédure pour une relaxe
La presse, gardienne vigilante de la police de la pensée, l’accable. Tesson est cloué au pilori de l’islamophobie. François Hollande, de son côté, rappelle que les musulmans sont « les premières victimes du fanatisme, du fondamentalisme, de l’intolérance ». Il n’en faut pas plus pour que le Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples (Mrap) porte plainte. Trois ans de procédure pour une relaxe.
D’autres exemples ? Pour avoir soutenu sur le plateau de 28 Minutes, qu’il fallait « faire le dossier des collabos, des assassins de Charlie » et accusé « Les Indivisibles » et « Les Indigènes de la République » de « justifier idéologiquement la mort des journalistes de Charlie Hebdo », le philosophe Pascal Bruckner allait, à son tour, être poursuivi par ces professionnels de la plainte qui s’estiment diffamés. Même chose pour l’ancienne ministre de Nicolas Sarkozy, Jeannette Bougrab. Si leurs victoires en 2017 sont autant de défaites pour ces entrepreneurs communautaristes, elles ont un goût amer. En effet, ces batailles judiciaires coûtent cher en temps, en énergie, en usure psychologique, en frais d’avocat.
À l’inverse, les organisations musulmanes rivalisent de moyens pour mener leurs actions en justice. Le Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF), sous l’impulsion de Marwan Mohammed, s’impose bientôt comme l’instrument privilégié de ce djihad judiciaire. Le jeune dirigeant l’admet bien volontiers. Le CCIF est issu d’une génération qui « se saisit de l’arme du droit et de la communication » A son actif, nombre de plaintes. Notamment contre Georges Bensoussan, auteur remarqué des Territoires perdus de la République. Le motif ? Avoir défendu, lors d’une émission de Répliques sur France Culture que :
Aujourd’hui, nous sommes en présence d’un autre peuple […] au sein de la nation française, qui fait régresser un certain nombre de valeurs démocratiques qui nous ont portés […]. Il n’y aura pas d’intégration tant qu’on ne se sera pas débarrassé de cet antisémitisme atavique qui est tu, comme un secret.
Et l’historien de la Shoah de conclure, citant de mémoire les propos du sociologue Smaïn Laacher, que dans ces familles arabes, « l’antisémitisme, on le tète avec le lait de sa mère ».
Le CSA, sous le flot des signalements téléguidés, ne tardait pas à mettre en garde la station. France Culture imposait à Alain Finkielkraut, à son corps défendant, la lecture d’une mise au point lors de son émission suivante. Tandis que le CCIF saisissait le parquet, bientôt rejoint par la Ligue des droits de l’homme (LDH), la Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme (Licra), le Mrap et SOS Racisme. Le 25 janvier 2017, devant la 17 chambre, Georges Bensoussan comparaissait pour incitation au racisme. Relaxé en première instance après un procès fleuve, il a dû subir un deuxième procès, après l’appel du parquet et des asso-
cations plaignantes.
L’avocate générale ayant admis qu’elle n’avait rien trouvé dans les mots de Georges Bensoussan qui puisse accréditer l’idée d’une incitation à la haine raciale, les parties civiles décidaient, en dernière minute, de changer de stratégies et de requalifier leur plainte en « injure raciale », comme le raconte la démographe Michèle Tribalat, qui avait tenu à assister à cette audience, dans Autopsie d’un déni d’antisémitisme, ouvrage collectif paru à L’Artilleur. Nouvelle victoire de l’historien, avant que le CCIF organise une levée de fonds pour se pourvoir en cassation. L’affaire dure trois ans et s’achève par une victoire définitive de Georges Bensoussan le 17 septembre 2019. Comme devait le noter l’essayiste Barbara Lefebvre :
Cette affaire aura révélé les ambiguités des professionnels de l’antiracisme. Le camp de la bien-pensance antiraciste (Licra, SOS Racisme, LDH) s’est ainsi accroché à la locomotive du CCIF, association animée par des militants de l’islam politique.
La liberté d’expression menacée
Jusqu’à sa dissolution en 2021 par Gérald Darmanin, le CCIF aura mené un véritable djihad judiciaire. Tout comme la Coordination contre le racisme et l’islamophobie (Cri), fondée par Abdelaziz Chaambi, longtemps fiché S. Il avait notamment réclamé l’exécution de la fatwa contre Salman Rushdie au début des années 2000. Le ministre de l’Intérieur l’a également dissoute. Mais d’autres associations ont pris le relais. Elles sont peut-être à ce jour moins connues, mais elles utilisent avec la même habileté la bannière de la lutte contre le racisme. C’est le cas d’Action droits des musulmans (ADM), née après l’instauration de l’état d’urgence en novembre 2015.
Les plaintes de l’Union des mosquées de France (UMF) à l’encontre de Michel Houellebecq et Jean-Claude Dassier le prouvent. Le harcèlement judiciaire est toujours à l’œuvre pour brider la liberté d’expression. En 2002, le monde des lettres s’était mobilisé sans sourciller
pour le romancier. Mais demain ? La discrétion semble de mise. Les absents sont toujours plus nombreux. Il n’est pas jusqu’à la rédaction de Charlie pour prendre ses distances avec l’ancien Prix Goncourt. Richard Malka, avocat historique du journal satirique, dans un entretien croisé avec le recteur de la Grande Mosquée de Paris, assure que :
Michel Houellebecg est passé de la critique d’une religion – ce qui relève du droit absolu de chacun et ce pour quoi il a été relaxé par le passé – à la mise en cause d’un groupe de personnes, les musulmans, leur religion, ce qui peut relever des lois contre le racisme.
Mais Michel Houellebecq peut compter sur quelques fidèles. A commencer par Alain Finkielkraut. Dans le Point, l’académicien prend sa défense :
Si incitation à la haine il y a, elle n’est pas dans les propos – aussi choquants soient-ils de l’auteur, mais dans les poursuites pénales engagées contre lui. Reste à espérer qu’il ne connaîtra pas le destin des dessinateurs de Charlie Hebdo ou de Salman Rushdie.
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Une réponse à “Le djihad judiciaire (suite)”
« l’islamophobie est le cheval de Troie des islamistes », pour une fois que Valls dit quelque chose de sensé … Hélas, il faudra beaucoup de temps, pour remplacer la vision naïve des sociétés occidentales, par une approche plus réaliste et lucide.