Aujourd’hui, le fait de dire : « C’était mieux avant ! »
vous catalogue immédiatement parmi les vieux c … s !
Vous êtes priés d’admettre le principe suivant : la civilisation progresse, l’Homme progresse, la France progresse, l’Europe avance. Tout est mieux qu’hier et moins bien que demain.
Le progrès est une roue à cliquet : elle ne peut tourner que dans un sens. Le bon ! Dire l’inverse, fait de vous un défaitiste, un adepte du « déclinisme », un conservateur et au final un réac !
Pourtant, s’il est un domaine où l’expression « C’était mieux avant ! » souffre peu de contestation, c’est bien celui de l’école. D’autant plus que la dégradation de la qualité de l’enseignement, en France, est attestée par de nombreux outils de mesure, outils indépendants de l’Education nationale et utilisés au niveau de l’Europe pour comparer les niveaux des jeunes Européens. La France y est très mauvaise et pire, plus mauvaise chaque année !
Voici le résume d’un article très intéressant publié par Jacques Billard dans les colonnes de Causeur.fr. Un article intitulé :
L’étude internationale du Programme international de recherche en lecture scolaire (PIRLS) vient d’être publiée. Sans surprise, nous sommes parmi les plus mauvais. Nos élèves ne savent pas lire. Plus exactement, ils ne comprennent pas ce qu’ils lisent et c’est le ministère qui le reconnaît :
« Depuis PIRLS 2001, la performance globale française baisse progressivement à chaque évaluation. En 2016, l’écart est significatif et représente – 14 points sur la période de quinze ans. Les performances basées sur la compréhension de textes informatifs baissent davantage (- 22 points) que celles des textes narratifs (- 6 points).
Les processus de compréhension les plus complexes (Interpréter et Apprécier) baissent davantage (- 21 points) que les plus simples (Prélever et Inférer, – 8 points).
On retient que les élèves parviennent à suivre une histoire qu’on leur raconte (narratif), mais n’en relèvent pas les détails (informations) et qu’ils prennent tout au premier degré (ils n’interprètent pas).
On ne joue pas d’un instrument sans connaître son solfège
On retient aussi que le vocabulaire du ministère reste un vocabulaire pédagogiste : « performance », « prélever », « inférer », « développement de stratégies », développement des « compétences en compréhension »…
Ce vocabulaire, à lui seul, explique déjà le problème de l’enseignement de la lecture, car il fait de l’acte de lire une activité extérieure au texte lu. Il fait du texte non un milieu dans lequel on plonge, mais un objet qu’on saisit à l’aide d’instruments. Or, ce qui permet de comprendre un texte, c’est justement d’y entrer et nullement de le prendre comme un objet extérieur auquel on applique des techniques d’inquisition. Le rapport au texte doit être fusionnel, intime. Le tenir sous le scalpel en vue d’une extraction de sens, c’est le perdre ! C’est confondre Victor Hugo avec le Chaix.
La lecture, c’est donc d’abord un rapport à la lecture. Or, toute notre pédagogie, depuis au moins une quarantaine d’années, repose sur des postulats qui ne facilitent guère l’apprentissage de la lecture, voire l’interdisent.
D’abord il y a ambiguïté sur la notion de lecture, mot par lequel on désigne à la fois l’apprentissage, le déchiffrage, le b-a-ba et la lecture courante, l’immersion dans un texte. Le mot désigne à la fois le déchiffrage et la compréhension. Les méthodes classiques d’enseignement distinguaient bien les deux, mais les méthodes pédagogistes se sont employées à dévaloriser la première au prétexte de la seconde.
Apprendre à lire, c’est avant tout construire des automatismes, lesquels, une fois acquis, permettront de lire. Tant que ces automatismes ne sont pas acquis, rien n’est possible. Bien entendu, on peut travailler les deux finalités en même temps, déchiffrage et acquisition du sens, ce que faisaient les maîtres d’autrefois, aujourd’hui disparus, en faisant déchiffrer jusqu’à la mise en place des automatismes. Mais dans le même temps, le maître lisait le livre de manière à ce que le contenu du texte motive ce premier geste de déchiffrage.
C’est en lisant qu’on devient un bon enseignant de la lecture
Si l’école ne parvient pas à corriger les effets induits par le monde moderne, c’est aussi parce que la formation des maîtres est quasi inexistante. C’est d’ailleurs bien simple : depuis qu’il a été décidé d’élever le niveau de recrutement des professeurs des écoles à bac+2 puis bac+3 puis bac+4, les maîtres n’ont plus de formation. Un bac + n, n pouvant tendre vers l’infini, ne fera jamais un instituteur d’autrefois seulement pourvu des vrais baccalauréats de Première et de Terminale.
Les écoles normales primaires se sont dégradées en IUFM, lesquelles ont été fermées à cause de leur nocivité et remplacées par des ESPE qui ne sont pas plus utiles, sinon pour relayer auprès des maîtres les lubies pédagogiques et politico-idéologiques des ministères cédant aux groupes de pression. Et on n’est toujours pas sorti du principe d’ignorance qui pilote la formation : le maître doit savoir enseigner, sans nécessairement être lui-même très savant.
Sur les questions de lecture, il est triste de devoir remarquer que les maîtres eux-mêmes ne lisent pas, ou très peu. Comment pourraient-ils donc obtenir des élèves ce qu’ils ne pratiquent pas eux-mêmes ?
Sacraliser le livre à l’école
Enfin, sur les questions de compréhension des textes, le problème n’est pas dans les techniques d’interrogation des textes (la « prise d’indices »), mais dans le milieu culturel où l’élève est plongé. Si, à la maison, le livre n’existe pas et si à l’école le livre n’est pas d’une certaine manière sacralisé, rien ne sera possible. Et si l’école ne constitue pas, pour les élèves qui en ont besoin, un vrai milieu de culture, les textes autres que narratifs ne seront jamais compris.
Nous verrons bien ce que le ministère va proposer pour remonter la pente. Mais si le pédagogisme continue de conserver les postes stratégiques, on ne proposera, à coup sûr, que le renforcement des méthodes responsables du mal à soigner.
Jacques Billard pour Causeur.fr
Suivre @ChrisBalboa78