Il y a des historiens de gauche
comme il y a des militants de gauche !
Si on peut excuser les seconds de revisiter la France et son histoire au travers du prisme de leur idéologie, on ne trouvera aucune circonstance atténuante à ces historiens marqués à gauche qui musèlent leur déontologie au profit d’une réécriture partisane de l’histoire de France.
Souvenez-vous de la réaction de ce « collectif d’historiens militants » qui reprochait à Lorànt Deutsch, dans son ouvrage Hexagone, d’avoir consacré une page entière à la bataille de Poitiers en 732. Leur argument était hautement politique :
La bataille de Poitiers reste une référence des groupes identitaires et de l’extrême droite qui, jusqu’à Marine Le Pen, voient dans la victoire de Charles Martel une Gaule […] sauvée du péril musulman.
Selon eux, Charles Martel et Jeanne d’Arc
devraient être bannis des livres d’histoire !
Cette semaine, le Figaro Magazine a publié un article dénonçant la réécriture gauchiste de l’histoire de France. Une réécriture qui a déjà fait de terribles ravages dans les manuels scolaires. Voici des extraits de cet article, écrit par Jean Sévilla :
Histoire de France : arrêtons les mensonges !
Faut- il débaptiser les lycées Colbert ou réhabiliter les « fusillés pour l’exemple» de 14-18 ? Il n’est pas de mois où l’actualité ne ramène une controverse suscitée par la volonté de certains de réécrire l’histoire de France selon leurs critères politiques et idéologiques. Face à la manipulation du passé par le politiquement correct, défendre l’histoire véridique est un impératif vital.
Que s’est – il passé, et quand ? Tous ceux qui connaissent l’histoire de l’Histoire, ce qu’en langage savant on nomme l’historiographie, savent qu’il a toujours existé des courants différents chez les historiens, déterminant des interprétations divergentes du passé, spécialement celui de la France. Histoire laïque contre histoire chrétienne, histoire républicaine contre histoire royaliste, histoire marxiste contre histoire nationale, ces débats agitaient déjà la Sorbonne dans les années 1900 – ou ne l’agitaient pas quand certaines pages noires étaient ignorées de l’université, comme les guerres de Vendée de 1793-1794, parce que cette révolte populaire contredit la légende dorée de la Révolution française. Cependant, le phénomène s’est amplifié et même durci, au cours des récentes décennies, sous l’influence de plusieurs facteurs.
En premier lieu, toute une évolution politique et culturelle, observée à gauche comme à droite, a conduit, sous l’effet de la construction européenne comme du mécanisme de la mondialisation, à considérer le cadre national comme obsolète, voire dangereux, et en conséquence à délégitimer l’histoire de France en tant que telle, à caricaturer en « roman national » le récit de la naissance de la France et de sa destinée millénaire, comme si l’existence d’une communauté nationale française relevait de la fiction, d’une opinion subjective.
Corrélativement, même si la recherche historique a fait progresser les connaissances dans maints domaines, si bien qu’il n’est plus possible, par exemple, d’évoquer les Gaulois comme le faisaient les manuels de la III ème République, cette dévalorisation du cadre national a modifié la manière de raconter l’histoire, notamment en milieu scolaire puisque,
là où l’école d’autrefois parlait patriotisme et assimilation, celle d’aujourd’hui parle multiculturalisme, ouverture, droit à la différence.
Contester cette pédagogie manifesterait, accusent d’aucuns, une coupable « passion identitaire » attentatoire au « vivre -ensemble ». Parue en janvier de cette année, L’Histoire mondiale de la France, publiée sous la direction de Patrick Boucheron (Seuil), se flatte d’offrir ainsi une histoire « globale » et « connectée », remplie de bonne conscience progressiste, et qui en vient, comme l’a souligné Pierre Nora, au prétexte de rendre compte de la pluralité des racines de la France, à noyer la spécificité française.
En second lieu, la succession des lois mémorielles, dans les années 1990 et 2000, a engendré non seulement des revendications particulières ou communautaires dans la lecture de l’histoire, mais aussi des réflexes de judiciarisation des différends, au point qu’en 2005, déjà, une pétition d’historiens de toutes tendances avait demandé l’abolition ou la modification de ces lois devenues, dans certaines mains, des armes incontrôlables. L’appel avait été lancé quelque temps après que les pouvoirs publics eurent renoncé à célébrer le deux centième anniversaire de la bataille d’Austerlitz, par crainte des foudres de ceux qui ne voient dans Napoléon que l’homme qui avait rétabli l’esclavage à la Guadeloupe …
En troisième lieu, la démultiplication des moyens de communication, dans notre société high-tech, offre une immense caisse de résonance à cette manipulation de l’histoire par le politiquement correct. Car ce ne sont plus seulement les revues spécialisées ou la presse grand public, comme avant-hier, ou le cinéma, la radio et la télévision, comme hier, mais internet et les réseaux sociaux, de Facebook à Twitter, qui répercutent les débats historiques, pour le meilleur ou pour le pire, jusque sur les petits écrans que les gens lisent au café ou dans le métro. Or quelle est la valeur d’un avis lapidaire en 280 signes sur un sujet qui a demandé une vie de travail à d’authentiques érudits ?
Oui, le monde a changé. Oui, notre société a changé. Mais ce n’est pas une raison pour travestir ou réécrire le passé à l’aune des critères politiques, sociaux, psychologiques et mentaux d’aujourd’hui. Que cela plaise ou non, la science historique et ses méthodes de rigueur demeurent irremplaçables. Quant aux historiens qui ne sont pas des idéologues, ils poursuivent leur mission : faire comprendre le passé afin d’expliquer le présent et en tirer quelques lueurs pour l’avenir.
Jean Sévilla pour le Figaro Magazine.
Dans un prochain article, je relaierai les exemples qui accompagnaient le présent texte de Jean Sévilla :
- Les Cathares n’étaient pas des saints,
- Faut-il brûler Colbert ?
- Marie-Antoinette, reine martyre et star mondiale,
- Ombres et lumières de l’Algérie française,
- Le mythe des fusillés pour l’exemple.
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