Eric Brunet commençait à se faire rare dans ce blog !
Voilà une carence que je comble immédiatement en relayant un de ses chroniques parue dans le dernier numéro de Valeurs actuelles.
Il s’agit d’un article s’intitulant « la génération j’ai le droit », du nom d’un livre récent de Barbara Lefebfre paru aux éditions Albin Michel.
Eric Brunet commence ainsi son article :
Un livre que j’aurais aimé avoir écrit vient de paraître, sur ces jeunes qui clament haut et fort leurs droits, mais n’ont pas appris qu’ils avaient aussi des devoirs.
Barbara Lefebvre est une prof à suivre de près. Elle enseigne l’histoire-géographie en région parisienne, à des élèves handicapés. Voilà quinze ans, Barbara avait participé au très précurseur ouvrage collectif les Territoires perdus de la République sur la montée des communautarismes.
Cette fois, je crève de jalousie, elle publie le livre que j’aurais aimé écrire : Génération « J’ai le droit ». Une charge contre cette affreuse génération « J’ai le droit ». Je suis certain que vous fréquentez vous-même de nombreux spécimens issus de cette vaste caste. Vous savez, ces élèves (et leurs parents bien entendu) qui considèrent que leurs droits individuels prévalent sur l’intérêt général. Cette génération qui glorifie le « moi je » au détriment du bien commun et des devoirs qui incombent à chacun.
Principe de base : la génération « J’ai le droit » a tous les droits (y compris le droit à l’erreur administrative, depuis l’arrivée au pouvoir de Macron). Elle a le droit à un menu sans gluten à la cantine, de bavarder en classe, de trouver le prof supernul et de le dire à haute voix au milieu du· cours. Elle a le droit de ne pas être notée parce que ça discrimine, d’envoyer des SMS pendant le cours, de faire des fautes d’orthographe, de faire grève, de bloquer le collège … Le droit au wi-fi, le droit de revendiquer sa religion, de contester les enseignements, de ne pas venir à l’école, de « clasher » les élèves et les profs sur les réseaux sociaux.
Le livre est saisissant. On y croise des élèves de sixième qui se lèvent en plein cours, tutoient et interrompent l’enseignant. On y découvre une école qui a perdu le sens de sa mission, et surtout toute forme d’autorité. Alors que faire ? Dans une interview datée de novembre 2017, le nouveau ministre de l’Éducation nationale, Jean-Michel Blanquer, affirmait: « L’autorité doit être rétablie dans le système scolaire. Quand je suis arrivé, j’ai demandé à tous les chefs d’établissement d’organiser des conseils de discipline chaque fois que c’est nécessaire, car ce n’était pas systématiquement fait. »
Mais pour Barbara Lefebvre, la disparition de l’autorité a une cause plus profonde, l’effondrement du socle de valeurs communes: « La culture est fondamentale car elle est génératrice d’intégration. Et je ne parle pas là que des enfants d’immigrés, car un enfant est un nouveau venu dans la société, et le rôle de l’école est de lui apprendre la vie en collectivité. Mais elle est aujourd’hui délégitimée. Il ne faut pas s’étonner, par conséquent, que l’élève conteste, n’obéisse pas, voire dise qu’il est son propre maître. »
Soyons honnêtes, la culture du « j’ai le droit » n’a pas eu besoin des réseaux sociaux pour prospérer. Elle était déjà solidement installée en France du fait de notre longue histoire revendicative (Front popu; Mai 68; CGT; Mélenchon; etc.). Mais la généralisation des smartphones a accentué ce positionnement égotique. Pis, les réseaux sociaux ont engendré une « suspicion » à l’égard des contenus scolaires, conduisant certains parents (et donc leurs enfants) à contester l’école, ce qu’on y apprend et ce qu’on y fait: les vaccins qui tuent, les juifs qui complotent, les illuminatis, la Shoah, le 11 Septembre, la CIA … La récente enquête de l’Ifop sur le conspirationnisme est à cet égard édifiante : 8 Français sur 10 croient aujourd’hui à un ou plusieurs complots.
Ainsi, Instagram, Facebook, Twitter ont brutalement remplacé la société patriarcale. Et les baby-boomeurs ont fait place à cette génération Zapping, née après 1995. On pourrait croire que ces enfants du numérique sont dotés d’un accélérateur cérébral, qui va de l’iris jusqu’au pouce posé sur l’écran. Selon le chercheur Olivier Houdé, « ils utilisent surtout une zone du cerveau, le cortex préfrontal, pour améliorer cette rapidité de décision, en lien avec les émotions »·
Merci, Barbara Lefebvre, pour votre livre. Mais il faudra beaucoup plus que les réformes de M. Blanquer pour apprendre à cette génération « J’ai le droit » … qu’elle a aussi des devoirs.
Eric Brunet pour Valeurs actuelles.
Les ouvrages de Barbara Lefebvre :
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