Le prélèvement à la source
est une vraie simplification !
C’est ce qu’assure Gérald Darmanin, le ministre des Comptes publics, à l’unisson du président de la République !
Si on nous le clame sur tous les tons et avec tant de force, nous devrions peut-être nous méfier …
C’est le sujet d’un article du dernier Bulletin d’André Noël n°2564, paru le 21 mai 2018 :
Si les entreprises ont rapidement pris conscience qu’il s’agira pour elles d’une coûteuse complication que nous avons déjà évoquée dans ce Bulletin, les particuliers, à mesure que l’échéance approche – le 1er janvier prochain – et qu’ils se renseignent, s’aperçoivent, eux aussi, que ça va leur compliquer la vie … et leur trésorerie.
Prenons le cas d’un couple de cadres retraités – déjà malmené par le pouvoir – chacun ayant trois pensions, ce qui est presque la norme (retraite de la Sécurité sociale, retraite complémentaire des cadres Agirc, retraite des employés, Arrco.)
Mensualisés auparavant, déclarant leurs revenus ensemble, ils n’avaient qu’un prélèvement sur leur compte en banque. A partir de 2019, ils en auront … six ! Chaque caisse prélèvera l’impôt pour le fisc et non pas globalement pour l’ensemble de la retraite. Qui dit multiplication des prélèvements dit multiplication des risques d’erreurs. Drôle de « simplification » ! Et s’ils ont des revenus locatifs, gérés par une agence par exemple, il y aura une ponction de plus. Prélèvements à la source qui existent d’ailleurs déjà pour les revenus bancaires.
Le taux de prélèvement sur les revenus de 2019 sera celui qui a été a appliqué sur ceux de 2017 (2018 étant une « année blanche »). Ceux qui auront vu une augmentation entre-temps devront régler la différence à la rentrée 2019, lors d’une régularisation annuelle de l’impôt. Et ceux dont les revenus auront baissé devront faire une demande spécifique d’ajustement du taux de prélèvement pour éviter d’être trop pénalisés ! Vous aviez parlé de « simplification », Monsieur le ministre ?
Or, ce n’est pas tout ! Il faut savoir que le taux de prélèvement en 2019 ne tiendra pas compte des éventuels crédits et réductions d’impôts ! Ceux qui auront trop versé seront remboursés, certes, mais en septembre de l’année suivante.
Le vrai but du prélèvement à la source n’est pas de simplifier la vie des contribuables. Si cela avait été le cas, on le voit clairement, c’est raté. N’oublions pas que l’idée vient du précédent gouvernement socialiste (dont Emmanuel Macron faisait partie) et cette mesure n’était que le premier et nécessaire préalable à une réforme d’une autre ampleur, à savoir la fusion de la CSG et de l’impôt sur le revenu. C’était l’engagement 14 du candidat Hollande, ainsi formulé : « La contribution de chacun sera rendue plus équitable par une grande réforme permettant la fusion à terme de l’impôt sur le revenu et de la CSG dans le cadre d’un prélèvement simplifié sur le revenu. » Le prélèvement simplifié, c’est celui que Macron met en oeuvre pour 2019.
L’impôt sur le revenu est progressif. Plus les revenus sont importants, plus le taux d’imposition est élevé mais la CSG n’est pas un impôt progressif : que vous soyez riche ou pauvre, le taux est le même. L’Institut de l’entreprise, après avoir effectué des simulations, a conclu que la fusion entraînerait « un report massif d’imposition vers les catégories les plus aisées. » On peut redouter que, d’ici à la fin du quinquennat, Macron ne poursuive le programme de Hollande et fusionne l’impôt sur le revenu avec la CSG pour faire payer « les plus favorisés ».
Puisque nous en sommes à la fiscalité, rappelons que nos grands argentiers, aussi bien Gérald Darmanin que Bruno Le Maire, ont promis qu’il n’y aurait pas de nouveaux impôts, ni taxes, ni aucune augmentation de ceux-là. Or, Matignon a annoncé que les « frais de notaire », qui ne pouvaient dépasser 4,5 %, pourront être portés à 4,7 % si les départements le souhaitent. Le gouvernement pourra toujours prétendre que ce n’est pas lui qui procède à l’augmentation, ce qui sera ajouter l’hypocrisie au reniement puisque c’est lui qui donne le feu vert pour opérer cette ponction sur ceux qui veulent devenir propriétaires.
Je voudrais compléter cet article en ajoutant un autre piège tendu par le prélèvement à la source : c’est l’individualisation de l’impôt !
Il s’agirait de supprimer la notion de foyer fiscal et que chacun dans un couple paye l’impôt en fonction de ses revenus propres. Imaginez les dégâts dans un couple où l’un des conjoints est cadre supérieur et l’autre ne travaille pas. Le couple ne bénéficierait plus de deux parts et le cadre supérieur verrait ses impôts exploser !
Il n’y aurait qu’un pas pour la suppression totale du quotient familial déjà sévèrement attaqué par François Hollande.
Mais il y a une logique ! Pour que le prélèvement à la source soit une véritable simplification, cela suppose la simplification de l’imposition (suppression ou réduction des niches fiscales) et l’individualisation de l’impôt.
C’est forcément ce qu’a en tête Emmanuel Macron !
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