Angela Merkel, l’homme pardon la femme forte de l’Europe ne parvient pas à former son gouvernement.
En France, la presse reste assez discrète sur les raisons des difficultés de la Chancelière. Il ne serait pas politiquement correct de donner la raison majeure et on préfère pointer du doigt la vague populiste qui balaye toute l’Europe et qui a porté de nombreux députés d’extrême droite au parlement.
Guillaume Roquette, rédacteur en chef du Figaro Magazine, a moins de pudeur et n’hésite pas à désigner la politique migratoire d’Angela Merkel comme cause principale de son affaiblissement.
Voici son édito paru cette semaine dans son magazine :
La loi du peuple
On a beau être la femme la plus influente du monde, s’enorgueillir d’un bilan économique époustouflant, avec une croissance au beau fixe, des finances publiques en excédent et un chômage au plus bas, on n’est jamais à l’abri du peuple.
Angela Merkel, qui pensait entamer paisiblement son quatrième mandat en bâtissant une improbable coalition libéralo-écolo-conservatrice, en fait la cruelle expérience. Affaiblie par le score inédit des populistes de l’ AfD aux législatives de septembre dernier, lâchée par ses alliés pressentis qui se révèlent n’être d’accord sur à peu près rien, elle peine à réunir la majorité qui lui permettrait de gouverner.
La clé de la crise tient en un mot : migrants. La percée de l’AfD, la fermeté soudaine des libéraux, les tensions dans l’aile droite du parti d’Angela Merkel trouvent leur origine dans l’incroyable décision de la chancelière d’accueillir un million de réfugiés en 2015. « Nous y arriverons », avait-elle claironné. Or cette immigration massive a profondément déstabilisé la société allemande, provoquant des tensions voire des violences inédites dans un pays dont la tempérance était jusqu’ici la vertu cardinale. Un grand nombre d’Allemands ont vu dans la décision de Merkel une forme de mépris et le lui ont fait payer dans les urnes. Celle-ci leur promet désormais, mais le mal est fait, de limiter à 200 000 le nombre annuel de nouveaux immigrés.
La crise migratoire de 2015 n’en finit
plus de déstabiliser l’Allemagne !
Les mésaventures d’Angela Merkel démontrent qu’il ne suffit pas de redresser économiquement son pays et de se montrer une Européenne zélée pour garder la confiance de son peuple. Et la leçon n’est pas sans intérêt pour la France. Emmanuel Macron a entamé une politique de réformes économiques qui va indubitablement dans le bon sens. Toutes les mesures positives du nouveau pouvoir (libéralisation du droit du travail, démantèlement de l’ISF et des emplois aidés, mise à la diète des collectivités locales, etc … ) devraient d’ailleurs être soutenues sans tergiverser par l’opposition de droite.
Mais les électeurs ne se déterminent pas seulement en fonction des performances économiques de leurs dirigeants. Les enquêtes d’opinion montrent une crispation croissante en France autour de l’immigration. Nous n’avons pas connu, contrairement à l’Allemagne, une arrivée massive de réfugiés mais le flux de nouveaux immigrés demeure constant (200 000 entrants par an), sous Emmanuel Macron comme sous François Hollande et Nicolas Sarkozy. Pas plus que ses prédécesseurs, le président de la République n’entend réduire ce mouvement, entretenant une colère sourde dans une partie de la population qui subit de plein fouet ce bouleversement identitaire.
La droite française aussi pourrait méditer sur les infortunes d’Angela Merkel. Si la chancelière s’était montrée plus ferme durant la crise migratoire de 2015, elle ne serait pas menacée par le « Merkel, dégage ! » scandé par l’ AfD durant toute la campagne électorale.
Ce n’est pas en étant trop à droite qu’elle a favorisé
les extrémistes, mais en ne l’étant pas assez.
Guillaume Roquette pour le Figaro Magazine
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