Boualem Sansal : « Où va la France ? »

Publié par le 27 Mai, 2021 dans Blog | 1 commentaire

Boualem Sansal : « Où va la France ? »

Hier soir dans Face à l’info, Eric Zemmour a magistralement rapproché deux tribunes récentes.

Ces deux textes font le même diagnostic de l’état de la France, mais divergent totalement sur leurs conclusions.

La première tribune, publiée dans Le Figaro, est signée par Boualem Sansal, un écrivain algérien connu mondialement et réputé pour son indépendance d’esprit.

La seconde émane d’Emmanuel Macron, déjà en campagne présidentielle, et a été publiée dans la revue “Zadig“.

La première, intitulée : Où va la France ?, alerte sur les dangers qui menacent la France et sa civilisation pendant que la seconde annonce les lendemains enchanteurs d’une “nouvelle civilisation“.

Après l’échec de son Nouveau monde, Macron nous vend sa nouvelle civilisation !

Inutile de vous dire quelle est la Tribune qui me parait la plus crédible ! Je vous engage à lire la Tribune de Boualem Sansal et je vous en propose ici quelques extraits :

Selon lui, notre pays souffre de ne plus se reconnaître. Pour faire face à nos maux, Boualem Sansal nous invite à redécouvrir la pensée d’Ibn Khaldoun, historien arabe qui a médité sur la naissance et sur la mort des empires.

Ibn Khaldoun

Je m’étonne que personne n’ait prononcé ce mot: muqaddima. Il dit tout pourtant, le mal dont souffre la France, le remède et la façon de l’administrer. Muqaddima est le titre d’un texte dans lequel son auteur – rien moins que l’immense Ibn Khaldoun – explique comment naissent et meurent les empires. Il devrait être le livre de chevet de tout Français qui craint pour l’avenir de ses enfants et de son pays.

Ce génie, chez qui le lecteur attentif trouvera un peu de Montaigne, un peu de Montesquieu, de Tocqueville et de Machiavel, qui a vécu au XIVe siècle et qui fut conseiller ou ministre de moult rois et roitelets de l’Empire musulman, jusqu’à l’immense et terrible Tamerlan, nous apprend dans sa monumentale œuvre, Le Livre des exemples, que les empires se construisent en désarmant leur population, en brisant les solidarités traditionnelles qui assurent sa cohésion sociale (il inventa un mot pour les désigner: asabiyya), en la livrant aux agissements de services publics poussifs et arrogants afin de la rendre dépendante du centre omnipotent, et la terroriser même pour prélever toujours plus d’impôts. Ce faisant, ils se condamnent car fatalement ils versent dans la dictature et lèvent les tempêtes de colère qui viendront les balayer. Il nous apprend que pour mater les révoltés ils se verront obligés d’enrôler les tribus guerrières des confins ou des mercenaires étrangers, puis de solliciter les États voisins pour mater les tribus et les mercenaires qui, profitant de leur faiblesse, leur disputent le pouvoir (syndrome des janissaires dans l’Empire ottoman et des mamelouks en Égypte). S’ils ne peuvent d’aucune manière s’en débarrasser, ils leur ouvrent une voie pour acquérir une place dans le cercle du pouvoir, avec l’espoir de les voir se civiliser et s’intégrer.

La France en est là, sonnée, groggy, pieds et poings liés, enrôlée à son insu dans le djihad planétaire. Les reconstructeurs de l’histoire de France applaudissent, la puissance d’entraînement de l’expansion islamique accélère formidablement l’avènement de la mondialisation bienheureuse et l’open society promise.

Ce qu’Ibn Khaldoun nous apprend, au fond, c’est que c’est toujours le plus intelligent, le plus fort, le plus rapide, le plus cruel, qui l’emporte. Les Français seraient, selon les reconstructeurs, trop bêtes, trop irrémédiablement ramollis pour comprendre qu’il faut d’abord perdre pour ensuite gagner.

Comment sortir du piège?

Le génial Ibn Khaldoun le dit: il faut au plus vite se doter d’une économie productive qui sache créer de la richesse, des savoirs, des compétences, des métiers d’avenir, et qui sache diffuser dans la société l’esprit de conquête. Les chevaliers d’un pays sont ses entrepreneurs, pas ses soldats, pas ses princes et leurs dandys. Dans un pays prospère indépendant et inventif, l’État dispose de toutes les ressources nécessaires, financières, humaines et techniques pour administrer le pays, sans attenter aux libertés, sans avoir à terroriserla population pour prélever toujours plus d’impôts en recourant aux services de cogneurs locaux et étrangers. Les protections se paient cher. La mondialisation n’est pas l’auberge espagnole, il faut payer pour y entrer et profiter de ses mécanismes protecteurs. Le prix en est le démantèlement des forces nationales et la soumission des élites aux maîtres du monde. Au bout, l’État national disparaît et le pays devient étranger pour sa population.

Feuillets de plus vieux manuscrit de la muqaddima conservé en Turquie

La déconstruction est fort avancée. La France a déjà beaucoup perdu, son génie, sa culture, sa langue, ses valeurs, ses compétences, ses métiers d’avenir, ses territoires, son armée et son audience internationale. Mais il lui reste un peu de vie, elle peut rebondir.

Un dernier mot, super essentiel. J’aurais dû commencer par là. Ibn Khaldoun recommande de tout soumettre au jugement de l’histoire. C’est par elle que nous sommes, c’est par elle que nous devenons et c’est en elle que nous serons. Hors d’elle, il n’y a que du vide et des choses éparses sans signification. L’histoire est un champ de forces orienté une fois pour toutes, on ne peut ni modifier, ni retrancher. Les pays d’islam n’aiment guère Ibn Khaldoun, pour eux la religion est la mesure de toute chose, il n’y a rien à discuter.

Il est des pays qui ont fait du khaldounisme, comme Monsieur Jourdain faisait de la prose, il faut y regarder, il n’y a pas de honte à apprendre des autres: de la Russie de Poutine, du Japon des samouraïs, de la Corée des chaebols, d’Israël des kibboutzim et des start-up, de la Chine des murailles et des routes de la soie, et de cet étonnant Royaume-Uni qui a toujours su retomber sur ses pieds et ravir la vedette.

Boualem Sansal pour Le Figaro.

Pour voir l’édito d’Eric Zemmour, cliquez sur l’image (début à la 42 ème minute) :

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Une réponse à “Boualem Sansal : « Où va la France ? »”

  1. Je ne crois pas à la facilité, mais je crois que la démagogie, les promesses faites dans le but d’acheter des voix, la rage égalitariste qui fait haïr à nos concitoyens tous ceux qui réussissent en entreprenant quitte à les inciter à partir à l’étranger à coup de taxes et de vexations. Nous chutons, c’est indéniable, mais avant de nous en prendre à la mondialisation, à l’Europe, à l’Allemagne ou aux Martiens, nous ne pouvons nous en prendre qu’à nous même. Avec du courage et de la volonté, il n’y a rien d’insurmontable ni rien d’écrit d’avance.

    Mais nous sommes comme les vieux peuples sybarites, nous préférons nous laisser glisser dans une torpeur mortelle en demandant à l’Etat de nous tirer de là alors qu’il est le problème, pas la solution. Nous lui demandons d’intervenir pour tout et n’importe quoi alors que sa seule fonction légitime est le régalien, ce qu’il néglige le plus.

    Nous sommes probablement foutus, mais nous en sommes responsable.

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