– Politique migratoire,
– Conception libérale-libertaire de la société civile,
– Engagement européen,
– Gouvernement des technocrates.
Telles sont les quatre voies dans lesquelles Giscard d’Estaing a entraîné la France et que poursuit son héritier Emmanuel Macron.
C’était l’introduction d’un article de Vincent Coussedière paru dans Valeurs actuelle. Un texte qui me touche particulièrement car j’ai bien peur d’avoir voté Giscard dans ma jeunesse. A ma décharge, c’était Giscard ou le programme commun de la gauche !
Le drame, c’est que je n’ai pas vu le progressisme, caché derrière le modernisme !
On aurait tort de ne pas prendre au sérieux la filiation revendiquée par Macron entre sa présidence et celle de Giscard. Il faut, en revanche, en inverser complètement la signification. Avec Macron, ce n’est pas le début d’un nouveau monde qui se met en place, mais la fin de l’ancien monde du progressisme, inauguré par Giscard, qui poursuit son agonie interminable. Giscard a en effet engagé la France dans une quadruple impasse.
Commençons par l’impasse migratoire.
Voulant revenir sur le regroupement familial et l’interdire, il se heurta à la nouvelle jurisprudence du Conseil d’État, saisi par des associations gardiennes de l’idéologie migratoire. C’est ainsi que le 24 novembre 1978, sur recours du Groupe d’intervention et de soutien aux travailleurs immigrés, le décret de 1977 suspendant le regroupement familial fut annulé. Le Conseil d’État inaugurait ainsi une législation particulièrement libérale en matière d’immigration. Giscard n’avait pas voulu ouvrir les vannes de l’immigration, mais en cherchant à les refermer de manière maladroite, il avait sous-estimé les résistances idéologiques. L’échec de sa tentative résida dans l’incapacité de produire une parole pouvant légitimer des restrictions qu’il avait, par ailleurs, raison de vouloir imposer. Il lui manquait une conception de la nation et de l’assimilation, capable de légitimer un changement de cap sur l’immigration.
Cela se comprend mieux si on s’intéresse à la conception giscardienne de la société civile,
conception libérale-libertaire qui est aussi celle de Macron. La société civile est composée d’« individus-qui-ont-des-droits »et qu’il s’agit de faire « vivre ensemble » grâce à la prospérité économique d’un côté, à la reconnaissance de leur identité de l’autre. Deux Français sur trois : ce titre d’un de ses livres en dit long sur cette conception. Il lui échappe, comme à ceux qui lui succéderont jusqu’à Macron inclus, qu’un peuple ne repose pas sur une arithmétique majoritaire, mais sur une sociabilité fondée sur le partage de moeurs collectives. Giscard ne mesura pas que « l’individu-qui-a-des droits » menacerait un jour l’existence même de la souveraineté populaire. L’État de droit contestant aujourd’hui celle-ci est une création giscardienne, consolidée par l’Union européenne.
l’Union européenne, troisième impasse dans laquelle il engagea le pays
L’européisme de Giscard date de son adhésion au Comité d’action pour les États-Unis d’Europe, créé par JeanMonnet. La constance de cet
engagement se poursuivit au-delà de son septennat et s’acheva dans la rédaction du traité constitutionnel pour l’Europe. Macron creuse encore aujourd’hui le même sillon, à la poursuite d’une chimérique « souveraineté européenne ». La construction de l’Union conduisit à la quatrième impasse :
Le remplacement de la démocratie par une oligarchie de technocrates.
Giscard incarna parfaitement la limite du gouvernement technocratique. Un mot du Général disait tout : « Le problème de Giscard, c’est le peuple. » Pompidou avait cruellement surenchéri : « Ce qui est grave chez Giscard, c’est qu’il se croit plus intelligent que la France. »
Quarante ans après, il semble malheureusement que Macron s’acharne à reparcourir la même quadruple impasse.
« Il faut que tout change pour que rien ne change. »
Vincent Coussedière, philosophe pour Valeurs actuelles.
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