Après le traumatisme de la dernière élection présidentielle, les militants et les sympathisants de la droite sont toujours dans la sidération. La colère de s’être fait voler par les médias une élection qui leur était promise mais aussi celle d’avoir été tant déçu par son candidat François Fillon.
Laurent Wauquiez fait le maximum pour remonter le parti des Républicains après les terribles défaites de mai et juin 2017. Les barons du parti lui savonnent la planche en permanence et les Raffarin, Pécresse, Bertrand et Coppé devront en rendre compte devant les électeurs de droite un jour ou l’autre !
Laurent Wauquiez, trahi par les siens et lynché par les médias, n’a sans doute pas les épaules pour incarner le futur candidat à l’élection présidentielle de 2022. Alors qui pourrait relancer l’espoir des électeurs de droite. Bruno Retailleau est ce ceux-là !
Sonné par une campagne présidentielle dont il a été un acteur clé, le président du groupe Les Républicains au Sénat a mis de longs mois avant de synthétiser sa pensée. Bruno Retailleau publie le 20 mars un livre majeur pour la droite, dont voici les premiers extraits publiés par Valeurs actuelles :
La droite selon Retailleau
Dans un monde autrefois possible, Bruno Retailleau occuperait le poste d’Édouard Philippe. François Fillon serait président de la République, et son Premier ministre lui soufflerait une politique où l’économie se berce de considérations civilisationnelles. La campagne présidentielle fut ce qu’elle fut et la droite s’en trouva bien dépourvue. Il restait au Vendéen d’écrire sa doctrine. Dans cette Refondation, il est question de la droite, du conservatisme, du libéralisme ou de l’islam. Avec à chaque page des références, des exigences, de la radicalité et des nuances.
Et si la droite commençait par penser ?
Tugdual Denis
« La fin des fins »
Emmanuel Macron a détruit plus qu’il n’a construit. Il erre désormais, erratique, parmi les ruines d’un quinquennat largement altéré. À l’image aussi des revendications diverses portées par le mouvement des « gilets jaunes ». Pourtant, dans cette addition des colères, une logique se fait jour : celle d’un retour de tout ce qu’une certaine politique croyait avoir définitivement évacué. Dans les années 1990, trois livres majeurs parurent: la Fin du travail, de Jeremy Rifkin, la Fin de l’histoire, de Francis Fukuyama, et la Fin des territoires, de Bertrand Badie. Ce que nous vivons précisément, ce qui constitue la toile de fond dans laquelle s’est inscrite la révolte des « gilets jaunes », c’est la fin des Fins. Le travail, nos compatriotes le réclament. Ils ne demandent pas la charité mais la dignité : pouvoir vivre du fruit de leur activité. Ils n’exigent pas le revenu universel mais ce qui revient au travailleur: un salaire, qui ne soit pas amputé par les ciseaux fiscaux d’un État taxant tout, et toujours plus. S’agissant du territoire, nos concitoyens s’y accrochent: si nombre d’entre eux se sont rassemblés sur les ronds-points, c’est parce qu’ils refusent d’être dispersés au grand carrefour du village global. […] Quant à l’histoire, nous y voilà replongés : le retour d’un certain isolationnisme américain, la reconstitution des grands empires, l’islam radical, la place croissante prise dans le débat public par les questions identitaires; toutes ces réalités témoignent du caractère illusoire de l’avènement d’une société post-historique.
La leçon du Trocadéro
Paris, 6 mars 2017, siège des LR. Ils sont là, réunis autour de la table. Certains manquent à l’appel, mais bon nombre de barons de la droite sont venus à ce comité politique. […] Regards gênés, silence gênant. Ce devait être un enterrement, c’est un retournement. Donné pour mort quelques jours avant, voilà que le candidat respire encore. La veille, une foule est venue marquer son soutien à François Fillon place du Trocadéro, malgré la pluie, le vent, les menaces aussi. Son message est clair, tout comme celui d’Alain Juppé, ayant renoncé officiellement à se porter candidat. Il faut se rendre à l’évidence: le glas ne sonnera pas aujourd’hui. Mais la messe est dite. Car chacun en convient désormais: il n’y a pas de plan B. Il n’y en a jamais eu d’ailleurs. Les vieilles haines recuites, les prétentions des uns et les calculs des autres auront tué dans l’oeuf une solution que le candidat n’avait pourtant pas écartée. Mais les divisions sont trop profondes, les inimitiés trop grandes. Assez fortes pour blesser mais trop faibles pour tuer, les ambitions aiguisées sont remises au fourreau. Elles ressortiront une fois la défaite consommée. Pour l’heure, personne ne dispose de la légitimité nécessaire pour ceindre la couronne. La primaire a parlé, l’écho du Trocadéro l’a rappelé. Il faut s’incliner. Il suffit d’attendre, fourbir ses troupes, ourdir son plan et guetter l’instant opportun pour lancer sa propre offensive. C’était il y a deux ans. Et nous y sommes toujours.
Il était une fois le fillonisme
J’ai la conviction que, si nos électeurs ont très majoritairement plébiscité le projet de François Fillon lors de la primaire,
c’est justement parce qu’il se situait au barycentre de ces traditions, dessinant un point d’équilibre entre les différentes droites en prônant aussi bien la liberté pour les Français que l’autorité pour la République et un certain nombre de repères culturels et civilisationnels.
D’aucuns y ont vu une forme de « libéral-conservatisme », une volonté de « réformer ce qu’il faut et conserver ce qui vaut », selon la belle formule de Benjamin Disraeli.
Éloge du conservatisme
Votre auteur préféré est Flaubert et vous trouvez la série Downton Abbey particulièrement réussie ? Vous êtes sans conteste un conservateur : votre affection pour Mme Bovary et lord Grantham en dit plus que n’importe lequel de vos arguments. Vous prenez vos notes sur une tablette tactile plutôt que de noircir un carnet relié! Vous êtes un progressiste.[…] C’est Apple ou Moleskine, le nouveau ou l’ancien, le progressisme ou le conservatisme … […]
Je suis toujours frappé de constater à quel point ceux qui se disent « progressistes » font peser sur les supposés « conservateurs » une présomption d’ignorance : ils ne comprennent pas le monde dans lequel ils vivent, expliquent-ils; ils se nourrissent de préjugés, d’idées frustes et d’arguments mal dégrossis. Au fond, ce sont des « illettrés », pour reprendre la terminologie macronienne. Car derrière l’apparente « bienveillance », nos progressistes au grand coeur dissimulent une franche condescendance, quand elle ne vire pas à l’arrogance.[…] Tous ont fait l’expérience de ce que Christopher Lasch décrivait voilà plus de vingt ans déjà :
La moindre opposition fait oublier aux humanitaristes les vertus généreuses qu’ils prétendent défendre. Ils deviennent irritables, pharisiens, intolérants. Dans le feu de la controverse politique, ils jugent impossible de dissimuler leur mépris pour ceux qui refusent obstinément de voir la lumière, ceux qui ne sont pas dans le coup.
Islamisme et … islam
Il n’est plus temps de relativiser le problème en multipliant les discours angéliques sur un islamisme qui en France serait le fait de quelques individus isolés. Voire déséquilibrés. Car si la minoration du phénomène islamiste nous a trompés, sa psychiatrisation est désormais en train de nous aveugler. Cette cécité tient à ce que nous sommes. Psychiatriser est un réflexe typique de notre temps. Dans notre société hyperindividualiste, l’idée que la barbarie puisse obéir à d’autres ressorts que les seuls déséquilibres individuels revêt un caractère incompréhensible. […]
Rationnel, l’islamisme l’est dans sa volonté d’appliquer à la lettre des textes soigneusement prélevés dans le Coran ou les hadiths. D’autres textes existent naturellement, plus modérés, certains empreints d’une profonde humanité. Mais les seconds n’effacent pas les premiers. C’est cette réalité que pointait l’écrivain tunisien Abdelwahab Meddeb lorsqu’il rappelait :
Le Coran porte dans sa lettre la violence, l’appel à la guerre. La recommandation de tuer les ennemis et les récalcitrants n’est pas une invention malveillante, elle est dans le texte même du Coran.
La droite de demain
À la force motrice de la liberté, la droite doit adjoindre la force fédératrice de l’identité. À quoi bon la transformation si celle-ci brise une à une toutes les formes de vie commune que nous nous sommes données ? À quoi bon courir après la prospérité si nous nous délestons de toutes ces richesses partagées que sont notre récit national, notre langue, nos petites patries territoriales et cette géographie de valeurs et de fiertés françaises ?
Les Républicains doivent parler la langue de l’identité, car ils doivent être le grand parti de l’unité française. C’était le dessein que s’était fixé le mouvement gaulliste lors de sa fondation. Ce doit être désormais le nôtre à l’heure de la refondation de la droite.
Extraits du livre de Bruno Retailleau « Refondation ».
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