Et s’ils avaient eu raison trop tôt …

Publié par le 7 Avr, 2020 dans Blog | 0 commentaire

Et s’ils avaient eu raison trop tôt …

Charles Pasqua et Philippe de Villiers, à l’époque où ils étaient encore dans la politique, étaient l’objet de moqueries et de quolibets de la part de la gauche et même de leur propre camp.

Ils représentaient alors les « souverainistes ringards ».

Et pourtant, les deux compères, dissidents du RPR avaient créé en 1994 le Rassemblement pour la France (RPF) et devancèrent même, en 1999 la liste officielle du RPR et du Centre aux élections européennes de 1999 ! Un véritable camouflet pour les européistes !

Alors qu’un minuscule organisme vient de réussir à confiner les populations de la moitié de la planète et à terrasser l’économie mondialisée, des voix s’élèvent pour dénoncer le modèle progressiste et mondialiste qui a effacé les frontières et ruiné l’Europe.

Il y a deux semaines, Philippe de Villiers donnait une magistrale interview à Valeurs actuelles. Je vous en propose ici des extraits, la version complète étant accessible ici.

le nouveau monde est en train de mourir du coronavirus

Lors de la campagne des élections européennes de 1994, vous évoquiez avec Jimmy Goldsmith la nécessité de la « démondialisation » et critiquiez le libre-échangisme mondial. L’actualité, avec la pandémie de Covid -19, vous donne-t-elle raison ?

Hélas! Je me souviens que, dans nos réunions publiques, Jimmy et moi avions cette formule qui faisait rire les salles : « Quand toutes les barrières sanitaires seront tombées et qu’il y aura une grippe à New Delhi, elle arrivera dans le Berry.» C’était un rire d’incrédulité : « Ils exagèrent … » En fait, Jimmy avait tout vu, tout dit, tout écrit dans son livre le Piège, écrit en 1993, non seulement sur le plan sanitaire, mais aussi sur le plan de l’économie et de la sécurité. Je racontais tous les soirs, devant nos assemblées de curieux, la même histoire métaphorique sur la « jurisprudence du Titanic »: « Le Titanic a coulé à cause d’une seule lame de glace qui a percé la coque. Parce que la carène du navire n’avait prévu qu’un caisson seulement. Lorsque nous avons créé le Vendée Globe, nous avons imposé sept compartiments étanches dans la coque de chaque bateau. Si l’un des sept se remplit d’eau, il en reste six … Les compartiments étanches empêchent le bateau de couler. Eh bien, chers amis, la jurisprudence du Titanic, c’est que les nations sont les compartiments étanches de la mondialisation. »

La réaction des élites et des médias était la même :« On ne peut pas s’opposer à la mondialisation. Elle est dans le sens de l’histoire.»

Quelle est la signification profonde de l’épreuve que nous traversons ?

Le confinement obligatoire sonne le glas de la fameuse « mondialisation heureuse ». La défaite intellectuelle des mondialistes est à la mesure du  drame du coronavirus. Il signale, pour ceux qui ont un peu de lucidité, la fin du « nouveau monde » et le retour en force de l’ « ancien monde ». Après la chute du mur de Berlin, on nous a expliqué que nous allions entrer dans un nouveau monde qui viendrait inaugurer une nouvelle ère, postmoderne, postnationale, postmorale, une ère de paix définitive. Ce nouveau monde serait deux fois novateur: d’abord, il nous débarrasserait des souverainetés et des États, puisqu’il serait ahistorique et apolitique. Ce serait la fin définitive des guerres, de l’histoire, des idées, des religions et l’avènement du marché comme seul régulateur des pulsions humaines et tensions du monde. Les citoyens allaient se muer en consommateurs sur un marché planétaire de masse. Excitant, non ?

Aujourd’hui, nous comprenons que cette vision idéologique est en train de mourir du coronavirus. En effet, quand revient le malheur, quand rôdent la guerre – par exemple à la frontière gréco-turque – ou la mort – avec la pandémie -,les zombies des organisations internationales n’ont plus rien à dire – d’ailleurs. on ne les consulte plus. C’est le grand retour au carré magique de la survie.

  • Le premier angle du carré, c’est la frontière, c’est-à-dire la protection, ce pour quoi les États ont été inventés.
  • Le deuxième, c’est la souveraineté, c’est-à-dire la liberté des peuples pour prendre des décisions rapides et ajustées.
  • Le troisième coin du carré, c’est le local, donc le contrôle au plus proche des intérêts vitaux.
  • Le quatrième point, c’est la famille, puisque, quand on décide de confiner un pays, la « République de la PMA » ne confie pas les enfants des écoles aux fonds de pension mais aux pépés et mémés.

Depuis les traités de Maastricht, Amsterdam et Marrakech, nous avons aliéné notre souveraineté. Comme je le disais à l’instant, la souveraineté se définit par le primat du politique. L’aliéner, c’est permettre à l’économie de s’organiser comme elle l’entend. Cette dernière va toujours là où vont ses intérêts. Nous avons donc connu un capitalisme débridé qui a choisi dans un premier temps l’aliénation américaine et désormais l’aliénation chinoise. Les gens qui ont prôné cette idéologie de la soi-disant division internationale du travail savaient ce qu’ils faisaient. Ils ont laissé derrière eux une France en pièces détachées, un pays qui n’a plus d’industrie qui vend ses plateformes aéroportuaires et qui a favorisé une agriculture dégradée en un processus agrochimique suicidaire, un pays qui fait fabriquer les pièces de rechange des chars Leclerc en Chine et confie à ce pays le soin de produire pour elle ses médicaments.

Nous disions, en 1994, avec Jimmy Goldsmith: « La mondialisation est un système de spoliation dans lequel ce sont les pauvres des pays riches qui subventionnent les riches des pays pauvres. » Et nous ajoutions: « Dans un premier temps, tout ira bien. Les entreprises iront fabriquer là où c’est le moins cher et iront vendre là où il y a du pouvoir d’achat. Mais viendra le moment où le piège se refermera. » Nous y sommes. La mondialisation, dont l’Europe n’a jamais été qu’un cheval de Troie, a favorisé quatre crises mortelles. La crise sanitaire; mais aussi la crise migratoire, avec une immigration non plus de travail mais de peuplement, qui installe sur notre sol le face-à-face de deux civilisations.

La souveraineté revient en grâce, et par conséquent les souverainistes se multiplient …

Oui. On entend Bruno Le Maire parler de « souverainisme économique »· Une merveille ! Il y aura bientôt deux variétés de souverainistes : les souverainistes de souche et les souverainistes d’opportunité. Il faudra que les premiers ouvrent les bras aux seconds, sans gestes barrières. C’est nous qui avons inventé, en 1999, avec Charles Pasqua, le mot « souverainisme ». Je l’ai prononcé pour la première fois publiquement, en 2004, devant l’Académie des sciences morales et politiques. Je me souviens que, à l’époque, le mot était repris par nos adversaires comme si on avait attrapé la vérole. Aujourd’hui, les catéchumènes du souverainisme se font tonsurer, les yeux mi-clos, dans un silence cathédral qui appelle à la génuflexion oblique du dévot pressé. Il faut dire que le réel s’impose à chacun. Par exemple, la France est le seul pays au monde qui aura jusqu’au bout refusé de rétablir ses frontières, au nom du refus de ce qu’Emmanuel Macron vient d’appeler le « repli nationaliste ». Aujourd’hui, tous les pays européens, y cormpris l’Allemagne, ont rétabli leurs contrôles aux frontières. Seule la France se préoccupe de sauver le « soldat Schengen ».

C’est dire la puissance de l’idéologie, quand on préfère les morts du coronavirus à la vérité protectrice. Les belles âmes du « nouveau monde » à l’agonie préfèrent encore avoir tort avec le coronavirus que raison avec les souverainistes.

Quoi qu’il arrive, il ne s’agit pas, selon eux, de sauver les malades, il faut sauver l’idéologie. Mais le réel, qui est impitoyable quand il tient à pleines mains la faux du trépas, vient contrarier leurs certitudes et inoculer le doute dans leurs syllogismes mortifères.

Vous l’avez dit : la France est l’un des derniers pays à avoir refusé de fermer ses frontières. Comment expliquez-vous la persistance de ce tabou quand le monde entier adoptait cette solution de bon sens ?

Le « nouveau monde » continue à désigner la frontière comme le mal absolu, mais on a bien été obligés d’inventer ce qu’on appelle les gestes barrières. Or, qu’est-ce qu’un geste barrière ? Une frontière entre individus. Et puis on invente les clusters. Qu’est-ce qu’un cluster ? Une frontière.

Et puis on invente le confinement. Le confinement du Haut-Rhin, le confinement du Morbihan. Qu’est-ce que le confinement du Haut-Rhin ? Le confinement d’un département. Tiens, tiens ! Les frontières départementales sont le bien, les frontières nationales sont le mal. C’est une curiosité épidémiologique pour les chercheurs d’après-demain.

Et voilà qu’on propose désormais un confinement total du pays. Mais, en réalité, comme on garde les frontières ouvertes, on cherche à gérer le stock sans gérer le flux. On veut faire la chasse au coronavirus chez nous, dans un pays confiné, mais dans un pays qui n’est pas protégé du flux extérieur, principal bouillon de culture – avec le métro.

La version complète de l’interview est disponible ici.

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