Voici la troisième et dernière partie du dossier du Figaro consacré à la grand fracture idéologique qui secoue les Etats-Unis (première partie ici et seconde ici) :
Des citadelles assiégées
Au total, dix-neuf États ont pris des dispositions pour vider de sa substance la nouvelle loi votée en juin dernier par le Congrès, imposant de vérifier les antécédents judiciaires et psychiatriques des acheteurs d’armes. La réciprocité des États, qui reconnaissent ou non les permis de port d’armes accordés par d’autres, crée aussi un patchwork complexe, chacun décidant de ses propres mesures.
Le Texas est toujours en pointe. Le mois dernier, le Parti républicain du Texas a adopté un programme qui ressemble à une quasi-déclaration d’autonomie. Il appelle, entre autres, à « l’interdiction des confinements», à mettre en valeur «la prière, la Bible, et les Dix Commandements dans les écoles et les édifices gouvernementaux». Il rejette aussi «les résultats de l’élection présidentielle de 2020», déclarant que «le président par intérim, Joe Biden, n’a pas été légitimement élu par le peuple des États-Unis». Selon un nouveau sondage publié par Yahoo! News-YouGov, 35 % des électeurs républicains estiment que leur État se porterait mieux s’il quittait les États-Unis.
Face à ces défis, les bastions démocrates, rassemblés sur la côte Pacifique autour de la Californie et sur la côte Est autour de celui de New York, ont l’avantage de leur importante population, et de leur richesse, souvent supérieure aux États ruraux du Sud et du Midwest. Ils réagissent comme des citadelles assiégées, décidés à se défendre.
La Californie représente à elle seule la cinquième économie du monde. Gouvernée par une super-majorité démocrate, elle adopte depuis longtemps ses propres lois environnementales. Elle a pris vigoureusement la défense des lois sociétales les plus progressistes. Son gouverneur, le démocrate Gavin Newsom, a appelé les Américains à «venir en Californie, où l’on croit encore à la liberté: la liberté d’expression, la liberté de choisir, la liberté de ne pas haïr et la liberté d’aimer», dans un récent message télévisé où il attaque la Floride de DeSantis. «Les dirigeants républicains interdisent les livres, rendent le vote plus difficile, restreignent le discours dans les salles de classe et criminalisent même les femmes et les médecins! Rejoignez la lutte. Ne les laissez pas prendre votre liberté.» Gavin Newsom a aussi nargué le gouverneur du Texas dans une campagne publicitaire: «Si le Texas peut interdire l’avortement et mettre des vies en danger, la Californie peut interdire les armes de guerre mortelles et sauver des vies. Si le gouverneur Abbott veut vraiment protéger le droit à la vie, nous l’exhortons à suivre l’exemple de la Californie.»
Les derniers mois ont vu s’agrandir les fissures entre ces blocs, comme des plaques tectoniques qui se séparent. «Il est temps pour les Américains de se réveiller à une réalité fondamentale: l’unité continue des États-Unis d’Amérique ne peut être garantie», a mis en garde l’essayiste David French, dans son ouvrage Divisés nous chutons: la menace de sécession de l’Amérique. «En ce moment de l’histoire, il n’y a pas une seule force culturelle, religieuse, politique ou sociale importante qui rapproche les Américains plus qu’elle ne les éloigne. Nous ne pouvons pas supposer qu’une démocratie de la taille d’un continent, multiethnique et multiconfessionnelle, puisse rester unie pour toujours, et elle ne le restera pas si notre classe politique ne peut et ne veut pas s’adapter à un public américain de plus en plus diversifié et divisé.»
Le manque d’homogénéité au sein des deux blocs complique au lieu de l’atténuer cette sécession culturelle et législative. Dans les États rouges, les grandes agglomérations, souvent majoritairement démocrates, se rebellent contre les mesures adoptées par leurs législateurs. Ces dernières semaines, des dizaines de procureurs de grandes villes ont déjà annoncé que leur police et leur justice n’engageraient pas de poursuites contre les médecins pratiquant l’avortement ou leurs patientes. Et leur poids est immense: plus de 87 millions d’Américains vivent dans ces districts bleus des États rouges qui refusent qu’on leur impose des lois allant à l’encontre de leurs convictions ou de leurs modes de vie.
Des mouvements opposés sont apparus dans les comtés ruraux d’États démocrates. Dans l’ouest du Maryland ou l’est de l’Oregon, ils réclament leur rattachement aux États républicains voisins, la Virginie-Occidentale ou l’Idaho, plus en phase avec leurs «valeurs». Des mouvements de population ont commencé, démocrates et républicains quittant des États auxquels ils se sentent de plus en plus étrangers.
Cette tendance à la désunion est aggravée par la pratique du gerrymandering. Ce savant découpage électoral destiné à affaiblir l’adversaire pour renforcer son propre camp, pratiqué par les républicains comme les démocrates, contribue à rendre les circonscriptions de plus en plus homogènes. Dans ce système, le candidat investi par le parti dominant est quasiment assuré d’être élu. La véritable compétition a donc lieu durant les primaires et tend à favoriser les discours extrêmes dans les deux partis, en réduisant le débat entre eux.
«Nous vivons de plus en plus séparés les uns des autres», souligne David French. «Le nombre d’Américains qui vivent dans des comtés où un candidat à la présidence gagne par au moins 20 points, n’a jamais été aussi élevé. La géographie… qu’elle soit rurale… suburbaine ou urbaine, est de plus en plus prédictive des habitudes de vote.»
Les profondes divergences politiques entre les États et l’érosion des règles communes ont déjà eu des effets déstabilisateurs sur le système politique tout entier. En 2016, les États démocrates ont vu la courte victoire de Donald Trump, minoritaire dans la population globale, mais bénéficiant du soutien des États ruraux moins peuplés, comme le signe d’un dysfonctionnement démocratique. En 2020, la contestation de sa défaite par Trump a eu pour conséquences de discréditer le système électoral auprès d’un grand nombre d’électeurs républicains. Et les tentatives de certains États, comme le Texas, pour contester les résultats d’autres États remportés par les démocrates, comme la Géorgie, le Michigan, la Pennsylvanie et du Wisconsin, n’ont rien arrangé.
Cette désunion n’est pas la guerre, et les États-Unis ont fréquemment démontré leur capacité à rebondir, aidés par la résilience de leur système politique. Mais les effets combinés d’une triple crise – politique, économique et sociétale – font courir un risque réel dans un pays-continent. L’érosion du sens civique et la polarisation extrême des discours sont des signaux préoccupants. La fracture entre l’Amérique bleue et l’Amérique rouge annonce des années turbulentes.
Adrien Jaulmes pour Le Figaro.
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Une réponse à “Etats-Unis : la grande fracture idéologique (3/3)”
Pour resumer, les dingues d’un coté et les gens normaux de l’autres ( les republicains ).
Exemple,
les dingos font semblant de croire a un meurtre par D Trump sur sa 1 ere femme.
Donald Trump a-t-il enterré son ex-femme Ivana sur son club de golf… pour échapper aux impôts ?
https://www.msn.com/fr-fr/actualite/monde/donald-trump-a-t-il-enterr%C3%A9-son-ex-femme-ivana-sur-son-club-de-golf-pour-%C3%A9chapper-aux-imp%C3%B4ts/ar-AA10dRIJ?ocid=msedgdhp&pc=U531&cvid=881b5add638a4d82affbd7fc45db9490
Gabriel Attal, “c’est le champion des langues de vipères” : un ministre balance !
https://www.msn.com/fr-fr/divertissement/celebrites/gabriel-attal-c-est-le-champion-des-langues-de-vip%C3%A8res-un-ministre-balance/ar-AA10ed9S?ocid=msedgdhp&pc=U531&cvid=881b5add638a4d82affbd7fc45db9490
La villa d’un octogénaire squattée après son départ en maison de retraite, les riverains furieux
https://www.msn.com/fr-fr/finance/other/la-villa-d-un-octog%C3%A9naire-squatt%C3%A9e-apr%C3%A8s-son-d%C3%A9part-en-maison-de-retraite-les-riverains-furieux/ar-AA10etms?ocid=msedgdhp&pc=U531&cvid=881b5add638a4d82affbd7fc45db9490