Eugénie Bastié est l’une des plus brillantes journalistes françaises. Toujours pertinente et incisive, elle laisse loin derrière elle toutes ces harpies de l’info !
L’année dernière, Eugénie Bastié a publié La guerre des idées, un ouvrage qui fait référence dans les milieux politique et médiatique. Un livre qu’elle présente :
Comme une plongée au cœur de l’intelligentsia, la France racontée au travers des idées qui l’agitent et des personnages qui les incarnent.
Eugénie Bastié, reporter au Figaro, était invitée à prononcer une communication à l’Académie des Sciences Morales et Politiques, ce lundi 12 décembre. Contre les théoriciens de la déconstruction, elle défend l’infinie richesse qu’offre l’altérité des sexes.
Voici le texte de sa brillante intervention :
Monsieur le Président,
Monsieur le Secrétaire perpétuel,
Mesdames et Messieurs les Académiciens,
C’est par une citation de Chesterton que je voudrais ouvrir cette communication. Dans son recueil Hérétiques, il écrit que, demain, « on allumera des feux pour attester que deux et deux font quatre. On tirera l’épée pour prouver que les feuilles sont vertes en été. (…) Nous combattrons pour des prodiges visibles comme s’ils étaient invisibles. »
À vous parler aujourd’hui de « sauver la différence des sexes », je me fais l’effet de tirer l’épée pour prouver que les feuilles sont vertes en été. Nous en sommes pourtant là. À l’heure de l’émoji « homme enceint », du dégenrage des barbecues, et du trans comme nouvelle figure iconique de la révolution planétaire, il semble qu’il faille en effet tirer sinon l’épée, du moins la plume, pour défendre ce prodige visible comme s’il était invisible qu’est la différence des sexes.
Aux États-Unis, en Angleterre, et même dans notre pays, des hommes et des femmes sont chassés des universités, voient leurs conférences annulées, et parfois même, c’est arrivé, leurs livres brûlés, parce qu’ils ont osé affirmer qu’il n’existait que deux sexes et qu’on ne pouvait pas passer de l’un à l’autre comme on changerait de chemise. Je n’exagère pas.
À Moscou, Pékin, Bamako ou Delhi, dans la partie non occidentale du monde on pense certainement bien différemment. Depuis toujours, l’humanité cherche à construire à partir de ce donné biologique brut qu’est la différence des sexes. Nous sommes la première civilisation qui veut la déconstruire.
Pourquoi est-ce grave ? Pourquoi ai-je choisi d’aborder ce sujet avec vous aujourd’hui ? La première raison est épidermique. Il m’est insupportable de voir un mensonge aussi énorme – il n’y a pas deux sexes – prospérer dans le débat public. Il faut noter ce paradoxe de notre temps : alors même qu’on proclame le culte de la science, la chasse aux obscurantismes, la lutte contre les fausses nouvelles, on accepte comme un fait non susceptible de débat l’idée que le sexe serait une pure construction sociale.
La seconde raison est plus profonde, presque métaphysique. La différence des sexes est, avec la maladie, le vieillissement et la mort, l’une des marques de notre finitude. En s’attaquant à cette frontière, les déconstructeurs révoquent l’inexpugnable part d’animalité de notre condition humaine. De plus, contrairement à la maladie, au vieillissement et la mort, limites aussi combattues par les modernes, la différence des sexes n’est pas une malédiction, une faiblesse, mais un tremplin et une richesse.
Les défenseurs de la déconstruction accusent de « panique morale » ceux qui osent dénoncer l’indifférenciation des sexes. Leur raisonnement emprunte à la logique du chaudron de Freud. A a emprunté à B un chaudron et lui rend avec un grand trou. Voici sa défense :
- Premièrement, je ne t’ai absolument pas emprunté de chaudron;
- deuxièmement, le chaudron avait déjà un trou lorsque je l’ai reçu ;
- troisièmement, je t’ai rendu le chaudron intact.
Soit :
- Premièrement, la différence des sexes n’existe pas,
- deuxièmement, elle n’est pas du tout menacée,
- troisièmement, ce n’est pas grave si elle est menacée, car sa destruction serait un bienfait pour l’humanité.
Eh bien, laissez-moi répondre en trois parties à cet argumentaire :
- La différence des sexes existe ;
- Oui, elle est menacée ;
- Il nous faut la défendre.
1 – La différence des sexes existe
Je crois donc qu’il y a deux sexes. Prodige visible qu’il nous faut rappeler comme s’il était invisible. Frontière qui nous sépare depuis le ventre de nos mères, la différence des sexes est la première chose, l’identité la plus immédiate qui saute aux yeux lorsqu’on rencontre une personne, avant même son âge et sa couleur de peau (notons que personne d’ailleurs ne songe sérieusement à changer de race, et que malgré les progrès spectaculaires de la chirurgie esthétique, aucun vieillard ne se proclame encore enfant). Elle est une évidence phénoménologique qu’il est presque difficile de définir.
Qu’est-ce qu’un homme, qu’est-ce qu’une femme ? Je ne crois pas en une essence du « masculin » ou du « féminin ». Je parlerais plutôt de mystère sans cesse en voie d’élucidation. Je pourrais vous parler du regard que les hommes portent sur les femmes. Du tressaillement des mères dans la nuit quand leur enfant gémit. De l’instinct de protection des pères, de leur goût du risque. De l’attention au concret et du goût du détail des femmes, de l’abstraction et de l’attrait pour la géographie des hommes. De la pudeur des unes et de l’honneur des autres. Je pourrais vous faire mille portraits de la virilité, de la colère d’Achille à la persévérance de Santiago, le vieil homme d’Hemingway, en passant par le sarcasme de Rhett Butler. Et mille portraits de la féminité, du courage de Jeanne d’Arc à la sensualité de Colette en passant par l’effronterie de Scarlett O’Hara.
2 Réponses à “Eugénie Bastié en combat contre le wokisme”
Où est la très sage Heloïs,
Pour qui fut chastré et puis moyne
Pierre Esbaillart à Sainct-Denys ?
Pour son amour eut cest essoyne.
Semblablement, où est la royne
Qui commanda que Buridan
Fust jetté en ung sac en Seine ?
Mais où sont les neiges d’antan !
La royne Blanche comme ung lys,
Qui chantoit à voix de sereine ;
Berthe au grand pied, Bietris, Allys ;
Harembourges, qui tint le Mayne,
Et Jehanne, la bonne Lorraine,
Qu’Anglois bruslèrent à Rouen ;
Où sont-ilz, Vierge souveraine ?…
Mais où sont les neiges d’antan !
François Villon
Ço sent Rollant que la mort le tresprent,
Devers la teste sur le quer li descent.
Desuz un pin i est alet curant,
Sur l’erbe verte s’i est culchet adenz,
Desuz lui met s’espee e l’olifan,
Turnat sa teste vers la paiene gent :
Pur ço l’at fait que il voelt veirement
Que Carles diet e trestute sa gent,
Li gentilz quens, qu’il fut mort cunquerant.
Cleimet sa culpe e menut e suvent,
Pur ses pecchez Deu en puroffrid lo guant
Chanson de Roland
On a aussi seulement oublié de faire le portrait des debiles qui veulent tout detruire et qui refusent la realité, tout en la detruisant.
Les psychiatres sont là pour ça.