Quand la politique rejoint la philosophie !
Voici donc la seconde partie de ce dossier consacré à l’espoir que pourrait représenter pour la France le développement de ses territoires ruraux.
Dans la première partie, Guillaume Peltier avait dit tout son amour pour cette France rurale et sa foi dans le fait que c’est par leur renouveau que se ferait le redressement de la France.
Les propos du député LR du Loir-et-Cher, se voient salués et renforcés par le philosophe Michel Onfray dont je vous propose maintenant le billet :
« Dégageons les Robespierrots et lançons la révolution girondine ! »
La lecture d’un article de Guillaume Peltier intitulé « Nos provinces, une chance pour la France ! » m’a ravi. Je sais que le trajet et la sensibilité politique de son auteur sont à mes antipodes, mais en touchant au mécanisme politique français jacobin, il fait mouche et me réjouit. Il écrit en effet des choses proprement révolutionnaires parce qu’elles vont à rebours de ce qu’affirment tous les partis récemment présents aux présidentielles, dont le sien, et qui sont tous centralisateurs, étatistes, jacobins, pour tout dire : parisiens.
Que dit ce jeune député de Loir-et-Cher ? Que « les habitants de la France des provinces » sont regardés de haut par la technocratie parisienne car elle estime que le seul modèle viable est urbain, cosmopolite, individualiste, inculte, consumériste, mondialiste, déraciné, anhistorique. Il précise qu’on ne dit jamais que « la majorité des Français vit aujourd’hui dans une commune de moins de 10 000 habitants ». ll ajoute que l’État verse des sommes considérables pour rendre les villes plus tentaculaires encore avec leur cortège de maux: déshumanisation, hyperconcentration, atomisation sociale, anonymisation, à quoi il aurait pu ajouter: pollutions, aussi bien des corps que des âmes. Il renvoie aux paysages façonnés par les hommes depuis des siècles, aux parfums des marchés, au sublime de la nature qu’il oppose aux vies souterraines des usagers du métro. Je souscris.
Je souscris également à son idée selon laquelle une sortie de cette religion des villes doit viser l’invention d’une vie des territoires, avec les enracinements qui, seuls, rendent possible l’universalité.
Le cosmopolitisme est devenu un nationalisme qui méprise les provinces, de la même manière que les Jacobins de 1793 méprisaient les Girondins, qu’ils ont fait raccourcir parce qu’ils souhaitaient, entre autres, que Paris ne pèse que 1/83 de la représentation nationale – il y avait alors 83 départements.
Les Robespierrots, pour parler comme Olympe de Gouges, elle aussi raccourcie par le prétendu Incorruptible, ne se trouvent pas que chez les actuels dévots bien connus de Robespierre : ils sont chez tous ceux qui estiment que Paris doit faire la loi aux provinces – d’autant que Paris n’est plus que la chambre d’enregistrement de Bruxelles …
Je partage ce désir de révolution par le retour du pouvoir des provinces. Et, pour ce faire, je cosigne cette idée qu’ « il est temps, au nom de l’équilibre et de la justice, que la France des provinces bénéficie en priorité des politiques publiques ». Il y a en effet en province bien des talents que la technocratie centralisée tient sous son talon.
Il y a peu, dans un livre intitulé Décoloniser les provinces et sous- titré Contribution aux présidentielles, je défendais cette idée que seule une révotutlon girondine pourrait donner de l’air à cette France jacobine qui a échoué. De Marine Le Pen à Philippe Poutou en passant par Macron et Mélenchon, Hamon ou Fillon, tous communiaient dans une même religion jacobine. C’est ce logiciel qu’il faut jeter à la poubelle. L’ampleur de l’abstentionnisme, puis du vote blanc et nul témoigne que ce vieux modèle a fait son temps.
Dans ce livre, je renvoyais aux analyses du penseur anarchiste Pierre-Joseph Proudhon et à son communalisme libertaire, aux parlements provinciaux, aux autogestions départementales, aux fédérations de communautés, aux mandats impératifs, à la nécessité de maisons du peuple comme de forums citoyens qui activeraient une véritable démocratie directe (en rupture avec les actuels dispositifs démocratiques qui singent le modèle jacobin avec féodalités locales, départementales, régionales … ), à la restitution du pouvoir aux entités viables, à l’extension de monnaies locales, à la création d’écoles expérimentales, et à de nombreuses autres pistes.
La plupart du temps, la régionalisation consiste à transférer des pouvoirs secondaires aux régions pendant que les régaliens sont conservés par Paris. La capitale se décharge de l’intendance sur les provinces sans jamais leur donner de pouvoir authentique. La gestion et l’administration des écoles, des déchets, des transports, du patrimoine et de la qualité de l’air, qui relèvent de la région, sont de pitoyables hochets alors que les régions devraient disposer d’une véritable autonomie dont il faut désormais penser la nature.
C’est le seul projet qui puisse mobiliser à nouveau les citoyens lassés par le jeu médiatique et politique, qui a pris le pas sur ce que devrait être la démocratie : le pouvoir du peuple par le peuple pour le peuple. Ce devrait être une évidence, c’est devenu un programme révolutionnaire.
Que pour ce faire soient rédigés d’authentiques cahiers de doléances régionaux et que se tiennent de véritables états généraux des provinces aux fins de création d’une Constituante girondine qui économiserait les professionnels de la politique. C’était tout le sens du projet proudhonien.
Je ne sais si Guillaume Peltier, qui en appelle « à tous les Français de gauche, de droite et d’ailleurs » y souscrirait, mais son appel ouvre d’immenses perspectives pour la France d’en bas qui est bien lasse des frasques de la France d’en haut.
« Le cosmopolitisme est devenu un nationalisme qui méprise les provinces de la même manière que les Jacobins de 1793 méprisaient les Girondins qu’ils ont fait raccourcir »
Michel Onfray, auteur de « Décoloniser les provinces. Contribution aux présidentielles » Éditions de l’Observatoire, 2017, pour le Figaro.
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