On le confond souvent avec son frère, le publicitaire et ancien maire de cannes Bernard. Mais à son âge vénérable, on fait fi de ce genre de vanités. Pierre Brochand est ce qu’on appelait naguère avec admiration un grand serviteur de l’Etat.
C’est Eric Zemmour qui nous présente Pierre Brochand et ses réflexions sur le danger de l’immigration.
Ambassadeur de France, ayant fait l’essentiel de sa carrière à l’étranger, Pierre Brochand revint dans notre pays diriger la DGSE (le contre-espionnage français) sous les mandats de Chirac et Sarkozy. Il en a tiré une expérience incomparable des dangers qui menacent la France.
Il y a quelques mois, il avait présenté devant la ResPublica, fondation dirigée par Jean-Pierre Chevènement, une fresque historique et sociologique d’une haute tenue (voir ce précédent article).
Le texte long, fouillé, brillant, parfois ardu, déroulant une pensée impeccablement rangée en tiroirs, avait eu l’heur d’être repéré par Marcel Gauchet lui-même. Mais la consécration intellectuelle n’a pas créé d’écho médiatique. Seul Le Figaro, la semaine dernière, lui a donné la parole.
Que dit-il ? D’abord, il distingue entre ce qu’il appelle « l’histoire-évolution » et « l’histoire-événement ». Les Occidentaux ont renié celle-ci pour celle-là, mais ils sont les seuls dans ce cas. Seuls à croire que le monde entier va rassembler des individus libres et pacifiques. Brochand note que l’Occident a bouleveré deux fois le reste du monde: d’abord par la colonisation, il a imposé des États-nations à des sociétés traditionnelles; ensuite, à la fin du XX ème siècle, quand il invente, sur les ruines de l’État-nation. ce que Brochand appelle une « société des individus », uniquement régie par le droit et le commerce.
Mais, voilà, le reste du monde fait de la résistance. Chacun à sa manière, le monde chinois et le monde islamique sont rebelles à l’injonction occidentale. On est dans Huntington revisité par le cartésianisme français.
Que s’est-il passé en France ? D’abord une immigration venue d’Europe et qui s’est parfaitement assimilée au peuple français, car elle s’est soumise de bonne grâce aux exigences d’un Etat-nation alors en parfait état de marche. Et puis, une deuxième immigration, arabo-musulmane pour l’essentiel, qui débarque en France alors que l’Etat-nation est contesté et bientôt affaibli par l’émergence (dans la foulée de Mai 68) de la « société des individus ». La troisième immigration, la plus récente, celle des années 2000, vient s’agréger à la seconde, au sein d’un État-nation moribond, qui doit se soumettre à « l’Etat de droit » sans tenir compte des intérêts de la nation.
Le résultat est terrifiant: dans des enclaves devenues étrangères, les immigré venus d’ Afrique et du Maghreb reconstituent les sociétés qu’ils ont quittées, fondées sur la religion, la famille, la tradition. Dans les grandes métropole , la « société des individus » prend son envol, et ne tolère pas que l’Etat-nation impose quoi que ce soit aux derniers arrivants. Cette alliance entre la société des individus post-moderne et les sociétés traditionnelles archaïques, forgée sur le sol français, est en train de tuer le « cher et vieux pays » du général de Gaulle.
Arrivé au terme de sa démonstration, notre grand serviteur de l’Etat avoue son effroi : la France est vouée à la guerre civile au pire, à la partition au mieux. Il a peur pour ses petits-enfants.
Éric Zemmour pour Le Figaro Magazine.
Suivre @ChrisBalboa78