« La Chine mène une politique de puissance à travers des techniques d’espionnage extrêmement agressive.
Le sujet est traité à partir d’un documentaire diffusé sur France 5. L’objectif est de lever un coin du voile sur les activités chinoises dans le monde, et en France en particulier. »
C’était l’introduction de cet article de La Sélection du Jour :
Le 6 mars dernier, le ministère hongrois de l’Intérieur annonçait que des policiers chinois participeront désormais à des patrouilles en Hongrie. Cette annonce – qui manque bien de précision – pose question dans la mesure où la plupart des pays occidentaux, dont la Hongrie, ont été la cible de tentatives d’ingérences chinoises extrêmement virulentes. Cette politique chinoise encore relativement occulte est l’objet de l’enquête en sélection. Elle traite du Guoanbu, l’agence de renseignement chinois, qui est probablement l’une des plus puissantes au monde. C’est du moins la plus fournie avec plus de 100 000 personnes. Pour comparaison, notre équivalent français, la DGSE, emploie 7 000 personnes.
Le Guoanbu est l’un des bras armés d’une politique d’ingérence tous azimuts de la Chine dans les pays étrangers, et particulièrement dans les démocraties occidentales. Ces tentatives d’immixtion sont au service de la politique de puissance de la Chine qui monte en intensité depuis plusieurs années. En effet, elle poursuit un objectif : soumettre le monde sur les plans commercial, économique, technologique ou militaire mais aussi du point de vue diplomatique en 2049, année des 100 ans de la proclamation de la République Populaire de Chine. En clair, elle souhaite changer l’ordre mondial actuel.
Le Guoanbu poursuit principalement deux missions : l’espionnage industriel et le contrôle de la diaspora. Pour ce faire, il s’appuie sur ce qu’il appelle des « postes de police à l’étranger ». Ils forment un réseau dense de stations chinoises dans les autres pays. Le plus souvent, ces stations sont cachées derrière une couverture associative, culturelle ou commerciale mais ont pour réelle vocation d’agir pour le compte du Guoanbu. Leurs missions sont variées : accompagnement de la diaspora en surface et surveillance, pressions, cambriolage ou enlèvements en profondeur. Le tout dans le cadre de la traque des opposants politiques au régime. L’ONG Safeguard Defenders dénombre 110 de ces postes de police dans une cinquantaine de pays, principalement occidentaux (Europe, États-Unis). Leur contrôle s’exerce en identifiant les Chinois hostiles au pouvoir et en les « persuadant » de rentrer en Chine. Cette opération, nommée « fox hunt » a été lancée en 2014 par Xi Jinping et déjà a permis le rapatriement en Chine de milliers de ressortissants. Safeguard Defenders estime qu’entre avril 2021 et juillet 2022, quelques 230 000 « fugitifs » sont rentrés en Chine. Les moyens de pressions sont variables mais les menaces sur les membres vont de la détention de proches restés en Chine à l’enlèvement pur et simple.
Selon l’ex-sénateur André Gattolin, en 2022, la France compterait sur son sol quatre exemplaires de ces bureaux de police clandestins. Habitué de la lutte contre les ingérences chinoises, il a vu sa messagerie professionnelle piratée par un groupe de hackers affilié au Guoanbu — livrant ainsi à l’agence de renseignement plusieurs informations sur des dissidents chinois présents sur notre sol. André Gattolin accuse la France d’être timorée dans sa réponse aux ingérences manifestes chinoises. « La Chine nous marche sur les pieds mais il ne faut surtout pas dire Aïe ! Il faut juste retirer son pied » dit-il. La détention par la Chine d’environ 10 % de notre dette pourrait en partie l’expliquer.
Les États-Unis, moins dépendants de la Chine, ont pour leur part adopté une réponse beaucoup plus forte. Ainsi, en avril dernier, un de ces postes de police chinois a été démantelé à Manhattan. Les deux chefs du lieu ont ensuite été inculpés par la justice américaine.
Cette politique de contrôle de la diaspora s’accompagne d’une politique d’espionnage industriel de grande ampleur, censée permettre à la Chine de rattraper son retard technologique sur l’Occident. En décembre 2009, un accord commercial franco-chinois de 5 milliards d’euros a été signé pour fournir à la Chine des moteurs d’avions puissants et légers produits par Safran. Cette technologie est indispensable pour peser dans le secteur. Aussi, cet accord constitue en réalité le premier acte d’un piège chinois tendu pour voler les secrets de fabrication de ces moteurs qu’elle ne sait pas produire par elle-même. Une opération similaire est menée contre General Electrics (GE) aux États-Unis — avec les mêmes objectifs, GE détenant des technologies uniques au monde en aéronautique. Cet espionnage caractéristique n’est pas resté impuni, notamment par les États-Unis. Ils ont décidé de répondre à l’agressivité chinoise en tendant un piège à Xu Yanju, maître espion du Guoanbu et cerveau des opérations d’espionnage industriel. Il a finalement été arrêté en 2018 à Bruxelles, puis transféré aux Etats-Unis où il a récemment été condamné à 20 ans de prison. Retenons que la Chine fait évoluer les espaces de conflictualités en se battant désormais sur tous les fronts. Le tout pour ne servir qu’une cause : sa soif de puissance.
Benoit Bertan de Balanda pour La Sélection du Jour.
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