Comme beaucoup d’autres, le militant de Reconquête! que je suis se pose des questions sur l’avenir de son parti !
La trahison de Marion Maréchal et de quelques comparses a été un terrible traumatisme car nombre d’entre nous avaient été enthousiasmés par son arrivée et la voyaient comme l’avenir de Reconquête!
L’université d’été de Reconquête! qui a lieu samedi prochain sera l’occasion, nous l’espérons tous, pour Eric Zemmour, de tracer des perspectives pour démobiliser les militants.
Je perçois comme très positive l’initiative d’Eric Ciotti et la création de son nouveau parti (Union des Droites pour la République) qui est un premier pas, justement pour préparer cette union des droites si nécessaire.
Quant au Rassemblement national, il n’en finit pas de se dédiaboliser comme le dit Eric Zemmour dans Causeur : « la dédiabolisation c’est une façon de se soumettre à la gauche ! »
L’objet de cet article est de relayer des extraits de l’interview qu’a donnée Eric Zemmour au magazine Causeur :
Pour le président de Reconquête, la strategie de dédiabolisation poursuivie par le RN revient à se soumettre à la gauche. L’urgence, c’est de mener le combat identitaire car « la France est assiégée par une civilisation étrangère » qui a notamment raviver l’antisémitisme. Pour lui, la politique est une affaire trop belle et trop grande pour être confiée à des politiciens obsédés par les sondages.
Que retenez-vous de la cérémonie d’ouverture ? Les provocations, la Marie-Antoinette gore arborant sa tête coupée ou les monuments de Paris sublimés ?
Je retiens que la gauche n’arrête jamais de mener le combat idéologique et trouve toutes les occasions pour faire avancer ses pions. Ce que vous appelez « provocation », c’est simplement la mise en scène de ses idées qui doivent s’imposer à tous. C’est la grande force de la gauche. Elle est fondamentalement gramscienne. Et c’est la grande faiblesse de la droite, qui ne mène pas le combat culturel. Il faut affronter la gauche sur ce terrain culturel. C’est ce que j’ai fait pendant des années. C’est ce que nous faisons avec Reconquête.
On a été contents d’oublier la crise politique pendant ces trois semaines. Elle est toujours là. Fin juin, il y avait une quasi-unanimité pour dénoncer la dissolution : choix irresponsable, scandaleux … Etait-ce votre avis ?
Ce n’était pas scandaleux, c’était stupide. La dissolution permet, en principe, au président de la République d’améliorer son rapport de forces avec les autres pouvoirs. Or, en l’occurrence, Macron a dissous à un moment où il ne pouvait que s’affaiblir. Personne n’a gagné : ni la gauche, ni la Macronie, ni le RN. Et surtout pas la France ! Désormais, peu importe le gouvernement, il n’aura pas de majorité solide.
Les immigrés vont continuer à arriver, l’école, à s’effondrer, la dette, à grossir.
Tous les problèmes qui doivent être réglés ne le seront pas. Les Français le voient et sont écœurés de la politique pour cette raison. C’est pour cela que plus de 80 % d’entre eux viennent de dire que les partis politiques n’étaient ni crédibles, ni honnêtes, ni utiles (Odoxa),
Quand vous jouez, vous n’êtes jamais sûr de gagner !
Macron avait-il vraiment un objectif rationnel ?
Oui, celui d’user le RN pour ne pas amener Marine Le Pen à l’Élysée.
Dans ce cas, il fallait le laisser gagner, et non s’allier avec LFI. Quoi qu’il en soit, le résultat, c’est le chaos.
Si la France n’est pas politiquement partagée en deux mais en trois, c’est le chaos ?
Le problème n’est pas la tripartition parlementaire, mais le décalage entre la réalité du pays et les débats des politiciens. Tous les Français le disent : on ne comprend plus rien à la vie politique, c’est le chaos ! Pourquoi ? Car la politique ne correspond plus aux clivages de la société. On a connu dans l’histoire des moments où la politique ne correspondait plus aux réalités sociologiques et démographiques d’un pays. Regardez la fin du XIX ème siècle, en France. La vie politique oppose alors les républicains et les monarchistes, alors que le conflit qui agite la société, c’est déjà la lutte des classes. Le socialisme tarde à être représenté, d’où la déconnexion entre la société et la politique, et l’instabilité qui va avec. Même chose en Angleterre à la même époque: la compétition politique oppose les conservateurs et les libéraux, alors que la classe ouvrière naissante cherche son expression politique. Le chaos politique anglais dure cinquante ans avant d’accoucher du Parti travailliste qui s’opposera aux conservateurs et aux libéraux enfin réunis. Vous connaissez la définition d’une crise : c’est quand le vieux monde tarde à mourir et le nouveau tarde à naitre. Aujourd’hui, les uns veulent ressusciter les années 1960 avec un clivage droite/gauche à l’ancienne, les autres les années 1990 avec le clivage populistes contre mondialistes. Ces clivages sont désuets. La vie politique française n’est pas encore entrée au XXI ème siècle.
Le nouveau clivage est identitaire. La politique est en retard sur la société. Moi je viens de la société. C’est pour cela que j’ai quelque chose à apporter.
Si je vous vois venir, Reconquête est le Labour party du XXI ème siècle ! Mais pour représenter quel clivage qui ne le serait pas aujourd’hui ?
La question est simple : qui veut continuer de vivre dans la France de toujours, et qui veut la balayer pour vivre dans la France islamisée de Jean-Luc Mélenchon ? Aujourd’hui, nous sommes le seul parti à le formuler. Il s’imposera aux autres. D’ailleurs, j’ai noté un aveu dans l’intervention d’Emmanuel Macron, fin juillet. Il dit: « J’ai cru que la baisse massive du
chômage allait entraîner la réconciliation des Français entre eux, je me suis trompé. » Il lui aura fallu sept ans pour comprendre, et il va encore passer trois ans à ne rien faire!
Si je vous comprends bien, même le RN ne représente pas les aspirations identitaires de ses électeurs.
En effet, ses dirigeants ne le souhaitent pas. À chaque élection, le RN range soigneusement le sujet de l’identité pour opposer les Français sur d’autres questions : sur l’euro en 2017, sur le pouvoir d’achat en 2022 et sur plus grand-chose, il faut bien le dire, en 2024. Le RN ne veut pas affronter les médias sur ce sujet. La grande leçon de ces législatives, c’est qu’il faut sortir de la tactique politicienne pour revenir aux idées et aux caractères ! Comme disait Philippe Séguin, « la politique n’est pas une course de petits chevaux », où chacun fait son petit pari en fonction des sondages, en oubliant ses convictions profondes.
Les élections n’ont pas sacré la reine du bal désignée par les sondages … Pourquoi le RN a-t-il perdu ?
La coalition des partisans du cordon sanitaire a évidemment bloqué sa dynamique. Ce grand retour des castors a étonnement fonctionné. Peut-être grâce aux failles du RN. Depuis des mois, il se disait prêt, avec le fameux « plan Matignon », les 577 candidats déjà sélectionnés, les textes de loi qui auraient déjà été rédigés, etc. La campagne a montré que les dirigeants du RN n’étaient pas prêts. Ils ont changé de programme tous les jours et sont restés sans voix devant les polémiques lancées par leurs adversaires. Car la dédiabolisation leur coupe la voix.
Qu’est-ce que la dédiabolisation ? C’est le fait de renoncer à des idées que la gauche estime inacceptables.
C’est donc la soumission à l’idéologie de gauche. C’est le pari que fait Marine Le Pen depuis douze ans maintenant, et que je critiquais déjà du temps où j’écrivais au Figaro. Les concessions qu’elle fait à la gauche ne seront jamais assez nombreuses. La gauche ne donnera jamais quitus au RN. Ce n’est jamais assez; une soumission en entraine une autre et à la fin que reste-t-il ?
En tout cas, votre union des droites a du plomb dans l’aile.
Vous avez raison ! Pour faire l’union des droites, comme son nom l’indique, il faut des gens qui veulent s’unir et des gens de droite. Les LR se disent de droite, mais ne veulent pas s’unir. Le RN ne se dit pas de droite et ne veut pas non plus d’alliance avec Reconquête. J’ai décidé de ne plus parler de tactique ! L’union des droites, c’est un moyen, pas un objectif. L’objectif, c’est de sauver la France. Je trouverai d’autres moyens.
Qu’avez-vous pensé de l’épisode Ciotti ?
Ciotti a tenté une union avec le RN et je le félicite d’avoir essayé de rompre le cordon sanitaire. Malheureusement, le reste des LR n’a pas eu son courage et le cordon sanitaire est revenu, plus fort que jamais. Au passage, on a assisté à une opération vérité : tous les leaders de LR ont reconnu, une fois de plus, qu’ils demeuraient des centristes, proches d’Emmanuel Macron.
Aujourd’hui, le paysage médiatique est beaucoup plus ouvert qu’il y a trente ans : il y a les médias Bolloré … et Causeur ! Pourquoi la gauche, beaucoup moins florissante électoralement, conserve-t-elle son hégémonie culturelle ?
Nos idées ont désormais un diffuseur médiatique non négligeable. D’ailleurs, nos adversaires ont compris qu’il fallait d’urgence attaquer le diffuseur. Mais la gauche conserve l’hégémonie culturelle, car elle tient l’école, l’université, les médias, la justice, le cinéma, le monde de la culture, les financements publics, la plupart des réseaux sociaux et leur pouvoir de censure. Avec cela, la gauche endoctrine la masse, en particulier, les jeunes générations, comme au temps de la Révolution culturelle chinoise, quand les jeunes étaient instruits contre leurs propres parents ! Vous voyez, l’hégémonie culturelle n’a pas besoin de la majorité électorale, même si elle la prépare.
Revenons à vous. Beaucoup de gens semblent partager votre diagnostic. Pourquoi ne vous élisent-ils pas reine du bal ?
Permettez-moi l’optimisme : c’est déjà un progrès ! C’est même la première étape. Il y a quelques années, on me contestait le diagnostic. Je pense tout simplement que l’élection présidentielle structure la vie politique et les rapports de forces pour les cinq années qui suivent. Il y a comme une inertie attachée à ce résultat. En arrivant deuxième en 2022, Marine Le Pen a pris la tête de l’opposition. On peut faire beaucoup de choses pendant cinq ans, mais pas renverser cette hiérarchie.
En 2027, les compteurs seront remis à zéro, les Français seront disponibles, comme à chaque élection présidentielle, pour écouter et comparer : l’électorat redevient mobile. Les jeux seront à nouveau ouverts. D’ici là, revenons aux fondamentaux : les idées, les convictions, les tempéraments. C’est ce qui fait l’essence de la politique, pas les partis, ni les sondages.
Cependant, n’êtes-vous pas un peu obsessionnel ? Tout n’entre pas dans le tuyau du grand remplacement.
C’est vous qui parlez ! Pour vous taquiner, je dirais qu’obsédé vient du latin obsedare qui signifie assiéger. Oui, je pense que la France est assiégée par une civilisation étrangère et qu’il est tout à fait légitime d’être obsédé par cela. Je ne cherche pas à faire entrer tous les problèmes dans une théorie, mais certains grands phénomènes historiques s’imposent et transforment tout.
Prenons l’exemple de l’école. Ce n’est pas l’immigration qui a causé son effondrement, c’est l’idéologie. À partir de 1945, dans tous les pays occidentaux, on a subordonné le principe de méritocratie à l’objectif supérieur de démocratisation et de réduction des inégalités. Mais l’arrivée de millions d’enfants issus de cultures maghrébines ou africaines, avec des parents qui parlaient très mal français et, pour la plupart, n’avaient pas le culte du savoir, a aggravé les choses. Les idéologues de gauche se sont employés à adapter l’enseignement à ce nouveau public; cela a produit un effet boule de neige.
De même, l’immigration n’est pas responsable de la désindustrialisation française, de la baisse du temps de travail, de la baisse de la compétitivité, de l’insistance mise sur la consommation au détriment de la production : tout cela, c’est l’œuvre des élites françaises. Mais le fait est que beaucoup d’immigrés ne travaillent pas (le taux d’inactivité est de 40 % chez les Algériens contre 26 % chez les Français) et qu’on fait venir des immigrés pour consommer, que cette consommation n’est pas financée par leur travail, mais par les allocations sociales, que l’on finance par la dette. Enfin, on s’étonne que nos services publics n’aient plus l’efficacité d’antan, et bien sûr que les 35 heures, la bureaucratisation et la tyrannie des normes n’y sont pas pour rien. Mais on oublie qu’ils subissent aussi l’arrivée annuelle de 500 000 personnes, très consommatrices de services publics. Ils ploient sous le nombre. En somme, comme pour l’école, les immigrés aggravent nos propres problèmes.
Du point de vue de l’immigré, il est légitime de chercher à venir en France.
C’est rationnel, mais ce n’est pas moral.
Ce n’est pas immoral.
Je trouve que si. C’est immoral de quitter son pays plutôt que de l’aider à devenir plus fort. C’est immoral de profiter d’un pays, voire de l’attaquer, alors que ce pays vous a accueilli.
Beaucoup de Français redoutent comme vous de voir la France qu’ils aiment disparaître, mais voudraient des solutions douces.
La solution que je propose est beaucoup plus douce que celle qui consiste à laisser le djihad se développer sur notre sol, à accepter l’ambiance de guerre civile, à mentir effrontément sur la nature de l’immigration musulmane et, in fine, un jour, et bien trop tard, se résoudre à intervenir de manière violente, dramatique – ou bien, car ce sera la seule alternative, à être vaincus. Je fais tout pour nous l’épargner. Je pense que les Français ont compris que je ferai ce que je dis. Ils savent que chez les autres, ce n’est que du théâtre et que, contrairement à eux, j’aurai le tempérament nécessaire pour régler la question.
Prétendez-vous sauver la France contre elle- même ?
Le général de Gaulle dit :
La seule fatalité, ce sont des peuples qui n’ont plus la force de se tenir debout et qui se couchent pour mourir.
C’est pour conjurer cette fatalité que je me suis engagé en politique.
Il se dit beaucoup que vous êtes un bon analyste, mais un mauvais politique.
J’entends la critique. Si la politique, c’est changer d’avis tous les jours parce que les sondages changent, faire des coups, dire et ne pas faire, oui, je ne suis pas un bon politicien. Mon ami Gilles-William Goldnadel avait dit :
Zemmour ne sera jamais un vrai politicien parce qu’il ne veut pas mentir.
Je le remercie pour ce beau compliment !
Quelle piètre opinion de la politique !
Qui a permis à l’immigration et à l’islam de conquérir la France ? La politique, contre l’avis des Français.
Qui a effacé les frontières ? La politique, contre l’avis des Français.
Qui a fait des travailleurs des esclaves du fisc ? La politique, contre l’avis des Français.
Et peu importe que ce soit la droite ou la gauche, car c’est encore et toujours la politique, la matrice unique de nos malheurs.
Le problème de la France, c’est cette politique.
- La politique qui brise la liberté, la vérité, la créativité, la prospérité, la souveraineté.
- La politique qui torture la pensée du peuple à coups de mensonges.
- La politique qui s’est insérée dans les moindres interstices de notre vie privée.
- La politique qui paralyse l’action du peuple à coups de lois et de prélèvements.
- La politique qui envahit tout, s’empare de tout, détourne tout, tord tout, dénature tout, abime tout, annule tout.
- La politique qui ruine le pays.
- La politique qui remplace le pays.
- La politique qui déclasse le pays.
- La politique qui embrigade le pays.
La politique est l’ennemie du peuple.
Une révolution antipolitique est nécessaire.
Vous, l’admirateur de Churchill, Napoléon, de Gaulle, ne croyez plus à la politique pour civiliser les conflits ?
Ce que les Français appellent « la politique » en 2024, ce n’est ni Churchill face au nazisme, ni Napoléon recréant le Droit, ni de Gaulle rendant à la France sa grandeur. Ce qu’ils appellent « la politique », c’est un labyrinthe sans fin d’hypocrisies, d’incompétences et de ratages. Ils veulent abattre les murs de ce labyrinthe. Moi aussi.
Je veux le faire avec eux et pour eux. Et nous retrouverons peut-être un jour la grande politique, mais pas avant. Il faut sortir le pays du « Tout est politique » imposé par les soixante-huitards ! Ils ont tout politisé, ils ont tout dénaturé, ils nous enferment dans une logique totalitaire. Il faut dépolitiser l’école, la culture, le cinéma, l’économie, la chambre à coucher, l’humour, les relations entre les hommes et les femmes, la fiscalité, la famille, la propriété, l’écologie, la justice. Il faut dépolitiser tout ce qui a été tragiquement politisé par la gauche. Vous allez m’entendre le dire souvent dans les mois qui viennent :
la politique est l’ennemie du peuple.
Ce n’est pas une formule en l’air. C’est ce que pensent les Français. Nous allons faire tomber cette Bastille.
Propos recueillis par Elisabeth Lévy pour Causeur.
Suivre @ChrisBalboa78
Une réponse à “« La droite a renoncé à mener le combat culturel »”
E Zemmour :
Le nouveau clivage est identitaire. La politique est en retard sur la société. Moi je viens de la société. C’est pour cela que j’ai quelque chose à apporter.
Journaliste
Si je vous vois venir, Reconquête est le Labour party du XXI ème siècle ! Mais pour représenter quel clivage qui ne le serait pas aujourd’hui ?
E Zemmour :
La question est simple : qui veut continuer de vivre dans la France de toujours, et qui veut la balayer pour vivre dans la France islamisée de Jean-Luc Mélenchon ? Aujourd’hui, nous sommes le seul parti à le formuler.