Oui, il était temps ! Wauquiez parle !
On avait beaucoup reproché au président des Républicains, son silence durant toute l’affaire Benalla. Sans doute avait-il jugé à l’époque inutile d’en rajouter dans le vacarme bruyant des médias …
Mais on entendait beaucoup les extrêmes et notamment Jean-Luc Mélanchon et Marine Le Pen ce qui, en creux rendait, les Républicains invisibles.
Laurent Wauquiez qui avait quand même ferraillé contre le premier ministre sur France2 vient de reprendre la parole en accordant une interview dans les colonnes du Parisien.
Voici l’essentiel de cet interview :
Quelques jours après le remaniement, Laurent Wauquiez, le patron des Républicains, étrille dans une interview au Parisien – Aujourd’hui en France Emmanuel Macron et la politique qu’il mène.
Laurent Wauquiez retrouve le sourire. La dégringolade d’Emmanuel Macron dans les sondages, la difficile rentrée de l’exécutif après un été marqué par l’affaire Benalla, l’interminable remaniement… Autant de cailloux dans la chaussure du chef de l’Etat qui donnent des raisons d’espérer au patron des Républicains.
Dans nos colonnes, le voilà qui défouraille à tout-va contre « l’échec de résultats » du gouvernement et son matraquage fiscal. Avec la ferme intention de récupérer les déçus du macronisme et, en particulier, ces électeurs de droite séduits par le président de la République mais qui semblent désormais s’en détourner.
Pas de quoi désarçonner le cavalier émérite Laurent Wauquiez, qui ne doute pas de sa bonne étoile. « En politique, le temps, c’est l’arme la plus précieuse », nous confie celui qui aime à se dépeindre sous les traits d’un « marathonien », sûr que sa stratégie est la bonne. Et qu’elle lui permettra d’être le seul candidat naturel en 2022. « Je suis déterminé car je sais que ce que je porte correspond à l’aspiration du pays. Je suis là pour écrire la page d’une nouvelle droite, c’est mon job », jure-t-il.
Le remaniement
Le Parisien : Qu’avez-vous pensé du remaniement ?
Laurent Wauquiez : C’est quand même assez étrange de faire un remaniement, tout en expliquant dans la foulée qu’il n’y aura aucune erreur de corrigée, ni de changement de cap. L’échec de la première année d’Emmanuel Macron, ce n’est pas un échec de casting, c’est un échec de résultats : plus de taxes, plus d’impôts, plus d’immigration. Changer les ministres sans changer de politique, c’est donc la garantie de refaire exactement les mêmes erreurs.
Le Parisien : Donc, son allocution télé le soir même, Macron ne vous a pas convaincu non plus ?
Laurent Wauquiez : Pas un seul mot sur les retraites, la CSG, le carburant… On savait que l’Élysée isole, mais on a rarement vu un président de la République aussi déconnecté de ce qu’est la réalité des Français ! Pire que cela, il ne donne pas le sentiment de faire l’effort de les écouter.
Le Parisien : Que vous inspire la nomination de Christophe Castaner à Beauvau ?
Laurent Wauquiez : C’est quelqu’un qui est ambigu sur le communautarisme et qui, face à l’islamisme, a toujours été dans le laxisme. Castaner a dit que le voile islamiste était comparable aux foulards de nos grands-mères et il a expliqué que le terroriste qui a tué le colonel Beltram n’était pas dans la radicalité religieuse. Nommer un homme comme lui ministre de l’Intérieur, un poste aussi stratégique, cela m’inquiète.
Le Parisien : Vous l’accusez d’attiser le communautarisme ?
Laurent Wauquiez : Tout au long de son parcours, lui qui vient de la gauche, Castaner n’a jamais fait preuve ni de lucidité, ni de fermeté sur l’islamisme intégriste. Je ne dirais pas la même chose de Manuel Valls. A gauche, il a été de ceux qui ont fini par ouvrir les yeux sur ce sujet.
Le Parisien : Comment jugez-vous Édouard Philippe dans cette séquence ? Affaibli, disent certains…
Laurent Wauquiez : Son véritable affaiblissement, c’est qu’il a tout fait sauf une politique de droite depuis qu’il est Premier ministre.
Le Parisien : Mais la loi Travail, la loi asile et immigration, la réforme de la SNCF, ce sont plutôt des mesures de droite non ?
Laurent Wauquiez : Ah bon ? Prenons des exemples. Sur l’immigration, 242 000 titres de séjour ont été délivrés à des étrangers en un an : il n’y a jamais eu autant d’immigrés en France. On vient aussi de battre le record de prélèvements obligatoires : 1000 milliards d’euros ! Il a aussi fait adopter les 80 km/h : une machine à cash pour flasher toujours plus les automobilistes. C’est ça faire une politique de droite ?
La politique de Macron
Sur la hausse des taxes sur le carburant, le gouvernement assume sa trajectoire au nom de l’écologie. C’est tenable ?
Laurent Wauquiez : On habille d’un discours écologiste des mesures qui n’ont rien d’écologiste. On veut juste taxer plus le portefeuille des Français. Comment expliquer, sinon, qu’on n’augmente pas seulement le gazole, mais aussi l’essence ? Et comment expliquer que cet argent ne soit pas réinjecté sur des mesures écologiques ? Il faut que cesse le racket des automobilistes : les 80 km/h, l’explosion des taxes sur les carburants et maintenant on nous parle de péages urbains à l’entrée de villes !
Mais que proposez-vous ?
Laurent Wauquiez : Face à la hausse des cours du pétrole qui pénalise déjà suffisamment les Français, je demande à Emmanuel Macron de renoncer aux augmentations de taxes supplémentaires sur le carburant qu’il a prévues jusqu’en 2021. En retour, nous proposons un plan d’économies qui permettrait de dégager 20 milliards d’euros par toute une série de mesures comme, notamment, la création d’une allocation sociale unique. Et nous proposons aussi que l’on mette en place un ticket carburant, comme l’a proposé Guillaume Peltier, sur le modèle du ticket-restaurant. Ça existe en Allemagne et ça marche. Le président a intérêt à comprendre ce qui est en train de se passer, car les gens sont en colère et cela va finir par exploser.
Le Parisien : Comment votre parti abordera le débat qui va s’ouvrir sur la PMA ?
Laurent Wauquiez : Je comprends très bien que pour des couples d’hommes ou de femmes le désir d’enfant soit quelque chose de très fort. Mais derrière la PMA, il y a des questions extrêmement lourdes sur notre conception de la vie et de l’être humain. Et il est évident que la PMA sans père ouvrira le chemin aux mères porteuses. Comment expliquer que, ce que vous ouvrez pour des couples de femmes, vous ne l’ouvriez pas ensuite pour des couples d’hommes ? Je veux que l’on ait un vrai débat, pas de caricatures.
Le Parisien : En tout cas, il semble déjà diviser Les Républicains…
Laurent Wauquiez : Dans ma famille, contrairement aux députés En Marche !, où tout fonctionne à l’instruction et aux coups de bâtons, on considère comme normal de laisser la parole à chacun sur un sujet qui touche autant à l’intimité. Pour ma part, ma position est claire, je suis contre l’extension de la PMA. Et je n’ai jamais changé d’avis sur ce sujet, contrairement au Premier ministre.
Le Parisien : Jean-Luc Mélenchon, dans son altercation filmée avec des magistrats et des policiers, est-il allé trop loin ?
Laurent Wauquiez : C’est inacceptable de s’en prendre à des magistrats et policiers, et incontestablement une dérive de sa part. Je constate néanmoins que tous les candidats à la présidentielle font l’objet de procédures en justice, sauf un : Emmanuel Macron… alors que de lourds soupçons pèsent sur sa campagne (NDLR : la commission nationale des comptes de campagne a signalé au parquet plusieurs dons au-delà du plafond légal pour le candidat Macron. Aucune enquête n’est à ce jour ouverte).
Le Parisien : Vous laissez entendre que la justice serait à la main du pouvoir ?
Laurent Wauquiez : François Fillon, Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon ont été poursuivis. A ce stade, les procédures contre Emmanuel Macron n’ont pas fait l’objet du même déroulé. Mais j’ai bien sûr confiance dans la justice de mon pays pour que l’équité de traitement soit assurée entre tous …
Les Républicains
Le Parisien : Vous arrivez à bientôt un an de présidence des LR. Où en est le parti ?
Laurent Wauquiez : Il y a un an et demi, notre parti politique a sans doute subi la pire défaite de son histoire depuis 1969. Avec en plus les trahisons de personnes qui se sont mises à dire l’inverse de ce qu’elles avaient porté pour rejoindre le camp du vainqueur. Je me bats pour qu’il y ait une alternative face à Emmanuel Macron. Au bout d’un an, les Français ont ouvert les yeux.
Le Parisien : L’électorat de droite s’est peut-être éloigné de Macron. Mais il n’est pas pour autant revenu dans votre giron…
Laurent Wauquiez : Je dois montrer que la nouvelle droite que je construis a tiré les leçons de ses erreurs, qu’elle propose un autre chemin face à Macron. Cela prend du temps, parce que je dois parler à tous ceux que la droite a déçus. Si on regarde les sondages des Européennes, nous sommes passés de 12 à 15 %. Emmanuel Macron, de 29 % à 20 %. Petit à petit, les gens sont en recherche d’autre chose. En tout cas, il a tort de réduire le débat entre lui ou les extrêmes. Il joue même avec le feu quand il dit « c’est moi ou le chaos ».
Le Parisien : Vous êtes classé derrière Xavier Bertrand et Valérie Pécresse parmi les personnalités classées à droite pour incarner l’alternative…
Laurent Wauquiez : La maladie du politique, c’est la course à la popularité. Mon obsession ce n’est pas de plaire, c’est de faire. Mon sujet ce n’est pas d’être la star des sondages mais que, demain, les Français se disent : « Lui, il en a pris plein dans la figure, mais il n’a pas changé, on peut lui faire confiance pour aller jusqu’au bout ».
Le Parisien : On vous fait pourtant souvent un procès en insincérité…
Laurent Wauquiez : J’invite chacun à relire toutes mes déclarations depuis dix ans : je n’ai jamais changé de discours, j’ai une colonne vertébrale, contrairement à d’autres.
Le Parisien : Le tournant sécuritaire de Valérie Pécresse, cela vous surprend ?
Laurent Wauquiez : Valérie a entièrement raison. D’autant qu’elle préside une région où les drames se multiplient. Pendant trop longtemps, une partie de la droite s’est soumise au politiquement correct et a refusé de voir la dégradation de la sécurité. Je suis content que Valérie rejoigne les positions que nous défendons.
Propos recueillis par Olivier Beaumont et Valérie Hacot pour Le Parisien.
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