J’ai découvert récemment les publications de :
Aujourd’hui, elle nous propose une analyse géopolitique sur l’Allemagne et l’Europe confrontées à la crise ukrainienne.
Cette analyse est signée Ludovic Lavaucelle. Il y montre que le premier de la classe de l’Europe, l’Allemagne, pourrait être le pays le plus impacté par la crise énergétique actuelle :
L’Allemagne a été donnée en exemple par les technocrates européens depuis 30 ans. On a loué l’efficacité proverbiale, le pragmatisme politique d’une nation repentante qui avait résolument adopté des valeurs libérales. Katastrophe ! Depuis quelques semaines, le pays semble pris dans une spirale infernale. Le prix de l’électricité est multiplié par 14 par rapport à la moyenne des années précédentes. L’inflation devrait atteindre 10 % à la fin de l’année et l’euro a connu une chute historique. Pour la première fois depuis 1945, 62 % de la population allemande n’est pas satisfaite de son gouvernement … Freddie Sayers a reçu le sociologue allemand Wolfgang Streeck. Comment expliquer une crise aussi sévère et brutale ?
L’Allemagne a construit sa puissance grâce à la mondialisation. Son économie a reposé sur de longues chaînes d’approvisionnement pour fournir à ses usines des matières premières bon marché afin de les transformer en produits sophistiqués. Ces derniers pouvaient être exportés dans un monde débarrassé des barrières étatiques. Le résultat est que la Chine en plein essor est devenue le premier marché pour l’industrie allemande. L’euro a été une bénédiction pour les exportateurs allemands : une monnaie artificiellement faible parce que partagée avec des pays plus pauvres leur a procuré un avantage concurrentiel. Enfin, la position dominante de l’Allemagne lui a donné accès à des marchés quasi captifs à l’est et au sud de la zone euro … Sa puissance exportatrice n’est pas nouvelle mais l’ère du libéralisme triomphant après 1990 a renforcé sa position. Et voilà que tous les piliers de la puissance économique allemande tremblent sur leurs fondations : l’Allemagne pourrait devenir le nouvel « homme malade de l’Europe ».
La « fin de l’Histoire » promettait un règne sans fin du libéralisme. Or, les dernières semaines nous ramènent brutalement sur terre. Tout d’abord, de très longues chaînes d’approvisionnement constituent une grave faiblesse car incontrôlables. La globalisation entraîne l’effacement des États et repose sur la dynamique des marchés par nature fluctuants. L’autre conséquence est mise en évidence par la crise ukrainienne : les sanctions imposées à un acteur majeur de l’énergie (la Russie) provoquent la formation de blocs rivaux voire ennemis. La Russie s’alliant à la Chine, l’accès au marché chinois capital pour les grands groupes allemands (Volkswagen y vend plus de voitures que partout ailleurs) pourrait se fermer.
L’U.E. est une sorte de structure impériale avec l’Allemagne au centre. Cette position a été avantageuse grâce à sa force industrielle renforcée par l’euro. Mais un empire coûte cher : le centre doit dépenser pour la périphérie. Le moment est arrivé où l’équation n’est plus satisfaisante pour les Allemands. L’élection de Trump en 2016 aurait dû servir d’avertissement : les Américains ne voulaient plus payer pour un empire qui leur coûtait des emplois. La Hongrie et la Pologne refusent le diktat de Bruxelles. En réaction, le centre de l’Empire autour de l’axe franco-allemand veut élargir l’U.E. à 27 membres tout en changeant les règles de gouvernance pour rétablir son pouvoir. Les visions sont divergentes alors que la périphérie – à l’est et au sud de l’Union – est prisonnière d’une monnaie dont l’abandon présenterait un risque majeur.
Angela Merkel a fait figure de quasi « sainte » de l’U.E. Elle a pourtant poursuivi une politique du court-terme avec pour leitmotiv d’éviter tout conflit. Pour se maintenir au pouvoir grâce à l’appui des Verts, elle a abandonné ses convictions pro-nucléaires après la catastrophe de Fukushima en 2011. C’est une faiblesse fondamentale allemande : le parti écologiste est une clé du pouvoir. Le résultat est que l’Allemagne est devenue très dépendante du gaz russe pour devenir maintenant dépendante des Américains (qui assuraient déjà sa défense).
Le soutien sans faille de l’U.E. à l’Ukraine précipite la fin de la globalisation tout en fragilisant encore plus sa position géopolitique. L’Allemagne se retrouve dans une situation pour laquelle elle n’est pas prête. On vit aujourd’hui la phase brûlante d’une guerre qui dure depuis 2014. En observant que l’Ukraine est le pays du monde dont la dépense militaire a le plus augmenté ces 8 dernières années, on devait s’attendre à la crise actuelle. La responsabilité de l’U.E. est de participer à la recherche d’un compromis. Car la situation ukrainienne peut non seulement empirer mais se répéter en Biélorussie le jour où le dictateur Lukashenko tombera. La Russie ne pourra jamais accepter une adhésion de ce pays à l’OTAN. C’est aujourd’hui qu’il faut tracer les lignes de paix. Or l’Allemagne s’affiche plus que jamais comme un vassal de Washington au lieu d’appuyer les efforts diplomatiques français.
Plus la guerre dure à l’est de l’Europe, plus la Russie deviendra dépendante de la Chine et plus l’Allemagne deviendra dépendante des États-Unis. C’est la pire des situations pour l’Allemagne et l’Europe, prises entre le marteau et l’enclume…
Une réponse à “Le déclin de l’Empire allemand”
L’Allemagne est atlantiste depuis 1949, il n’y a donc rien de nouveau. Déjà, après la signature du traité de l’Elysée en 1963 antre de Gaulle et Adenauer, le Bundestag va lui adjoindre un préambule qui le vide effectivement de son sens : le traité ne devra en aucune façon affecter l’association entre l’Europe et les Etats-Unis, la défense commune dans le cadre de l’alliance atlantique.