Dure période pour les progressistes !
Leurs dogmes et leurs certitudes sont battus en brèche.
Dès que le danger s’est fait pressant, les peuples sont rentrés dans leurs Etats-Nations et ont mis les chariots nationaux en cercle.
La logique sanitaire aurait voulu que l’on fermât les frontières, mais les progressistes s’y refusèrent. Jusqu’à un stade avancé de la contamination, les passagers débarquaient à Roissy sans contrôle, ne serait-ce que de température !
N’était-ce pas criminel ?
La logique européenne aurait voulu que la Communauté européenne se resserrât et qu’elle proposât des solutions et des solidarités aux pays membres. Il n’en fut rien !
Comme répond Eric Zemmour à ceux qui clament que l’Europe c’est l’Union qui fait la force :
« l’union fait la force quand on est tous d’accord mais on n’est d’accord sur rien ! »
Mathieu Bock-Côté, dans Valeurs actuelles fustige l’idéologie qui a entravé la lutte contre la pandémie de coronavirus et ne se montre pas optimiste pour l’avenir :
Une faillite idéologique
Plus préoccupées par la préservation de leur logiciel idéologique que par la protection des peuples contre le coronavirus, les élites mondialisées et diversitaires ont rechigné à prendre la seule mesure qui s’imposait : la fermeture des frontières.
C’est peu dire que la crise du coronavirus fragilise nos sociétés.
En fait, elle les jette à terre, et les spéculations sur un éventuel effondrement, qui, hier encore, faisaient sourire même les plus pessimistes, sont désormais prises au . sérieux. La crise sanitaire annonce une crise économique, qui pourrait déboucher sur bien pire. Les sociétés déjà traversées par de vives tensions risquent de voir les violences se multiplier à l’extérieur des zones où elles étaient encore relativement contenues. Il ne sera peut-être plus possible de les refouler dans les marges symboliques de l’ordre social.
Si la crise mute, la désintégration symbolique des sociétés occidentales constatée depuis plusieurs décennies se concrétisera brutalement dans une décomposition morbide où les réflexes de survie commanderont les comportements sociaux. L’individualisme comme le tribalisme feront perdre jusqu’au sens du monde commun. La diversité des moeurs dans un même pays où elles cohabitent péniblement deviendra ouvertement conflictuelle. À tout le moins, on peut le redouter. Les hommes politiques de temps de paix sont désarçonnés par une tempête qui les transforme en navrants gamins, comme des gestionnaires amateurs en culottes courtes.
L’imprévisible et l’immaîtrisable peuvent surgir à toutes les époques.
La bêtise des modernes était de croire que le tragique appartenait à la préhistoire de l’humanité, comme si la puissance de la science leur donnait une emprise totale sur l’existence. Ils se sont rêvés dans le rôle du démiurge. L’homme qui avait cru prendre la première place dans la création et confessait même un fantasme d’immortalité alimenté par la technoscience se découvre désarmé devant la figure de l’épidémie qui ranime les peurs archaïques de l’humanité.
L’expérience du confinement généralisé qui s’impose comme une mesure d’urgence nécessaire à la grandeur de l’hémisphère Nord deviendra bientôt insupportable. Le repli en sa demeure ne veut pas dire la même chose pour celui qui a une bucolique maison en province et celui qui est enfermé dans un appartement étroit. Les provocations inconscientes des mondains racontant leur confinement luxueux quand le tiers état s’expose quotidiennement à la possibilité de la contamination radicaliseront comme jamais l’agressivité sociale. La lutte des classes a de l’avenir.
On ne saurait reprocher aux dirigeants occidentaux de ne pas avoir anticipé cette crise en particulier, qui surprend à peu près tout le monde. On ne saurait toutefois leur pardonner d’avoir réagi avec une telle lenteur à la crise, une fois qu’il devenait évident qu’elle exigeait un sursaut sécuritaire. Les élites mondialisées ont tardé à prendre la première mesure d’urgence qui s’imposait : la fermeture des frontières. Hantées par la peur du nationalisme, elles continuaient de réciter les fariboles mondialistes et à ne pas croire au retour du cadre politique dont elles décrétaient encore hier le dépérissement : l’État-nation.
Lectrices d’Habermas* ou de ses épigones, elles s’imaginaient à l’avant-garde d’une nouvelle époque où les élus d’une mondialisation irréversible et salvatrice circuleraient sur la planète en se désolant de l’existence de peuples retardataires traînant à s’enthousiasmer pour la promesse du déracinement. Le postnationalisme était l’avenir de l’homme. Au mieux, on y verra une paresse intellectuelle aux conséquences catastrophiques. Au pire, il s’agit d’un acharnement pour sauver à tout prix un système idéologique épuisé depuis un bon moment déjà. Fallait-il vraiment aller jusqu’à la crise pour en avoir la confirmation? À l’échelle de l’histoire, on y verra une négligence grave.
C’est un système qui s’effondre et qui entraîne avec lui les sociétés qu’il avait asservies. Une élite fait faillite. Pourtant, ceux qui ont tout fait pour déconstruire la nation ou la vider de sa substance pontifient aujourd’hui sur son retour. On ne trouve aucune autocritique chez eux. Ils continuent même de fustiger ceux qui n’ont jamais cessé de la défendre et qui se faisaient accuser pour cela de dérive réactionnaire ou populiste. L’intelligentsia progressiste profite vraiment d’une forme d’impunité idéologique en voguant d’une erreur à l’autre au fil des époques sans jamais en payer le prix.
Et pourtant, lorsque nous sortirons de cette crise, nous devrons repenser les bases d’une civilisation devenue inhospitalière à l’être humain et à ses aspirations élémentaires. Il faudra écouter ceux qu’hier encore on maudissait, et se demander si certains parias n’avaient pas en fait assumé la fonction prophétique en criant dans le désert que le monde qui venait mutilait l’humanité en la privant de ses cadres essentiels. L’homme a besoin d’une demeure, on ne saurait le traiter comme un cobaye non plus qu’on ne saurait transformer une société en laboratoire à ciel ouvert pour des expérimentations hasardeuses.
Ces vérités oubliées retrouveront leur place dans la cité.
Mathieu Bock-Côté pour Valeurs actuelles.
Mathieu Bock-Côté est sociologue et auteur de «L’Empire du politiquement correct » (Les Éditions du Cerf, 2019).
* Jürgen Habermas est avec Axel Honneth l’un des représentants de la deuxième génération de l’École de Francfort, et développe une pensée qui combine le matérialisme historique de Marx avec le pragmatisme américain, la théorie du développement de Piaget et Kohlberg, et la psychanalyse de Freud.
Je ne résiste pas au plaisir de vous citer cette phrase de Wikipedia censée éclairer l’oeuvre de l’homme :
« Habermas considère « la réconciliation de la modernité qui se divise d’elle-même » comme le motif de son œuvre. Pour ce faire, il poursuit la stratégie d’« attaquer le problème universaliste de la philosophie transcendantale en détranscendantalisant simultanément la façon de progresser et les objectifs de la preuve »
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