La gauche, par son aveuglement, et les médias par complaisance avec elle, porteront une très lourde responsabilité devant l’Histoire, quand la guerre civile qui nous menace fera ses premières victimes.
Voila plusieurs décennies que la gauche a bloqué tout débat, en France, sur l’immigration, pour ne pas, nous crie-t-elle, faire le jeu du Front national. Mais qui a créé et encouragé le développement de ce parti, sinon la gauche ?
Aujourd’hui, alors que des Français meurent sous les coups du terrorisme islamique, le vivrensemble et le padamalgam sont les seules réponses de la gauche à la progression de l’islamisme.
Gilles Kepel est l’un des rares intellectuels à se battre contre le communautarisme et l’islamisation galopante de la France. Voici une de ses interviews parue cette semaine dans le Figaro Magazine, que, compte tenu de sa longueur, j’ai découpée en deux parties :
Le salafisme français étend des réseaux de pouvoir et d’influence.
Alors qu’Emmanuel Macron réfléchit à une nouvelle organisation de l’islam en France, Cilles Kepel nous rappelle les spécificités d’une religion sans hiérarchie et sans figure d’identification en Europe. Il considère que la situation géopolitique offre une opportunité pour établir « une guidance cultuelle en dehors de l’éparpillement doctrinal où se faufilent des idéologues sulfureux en quête de proies ».
Professeur à l’Université Paris Sciences et Lettres (PSL) , où il dirige la chaire Moyen- Orient Méditerranée à l’Ecole Normale Supérieure, Gilles Kepel est l’un de nos plus fins connaisseurs du monde arabe et de la religion musulmane. Il a aussi saisi en profondeur le malaise d’une certaine jeunesse et la porosité qui existe entre délinquance et islamisme. Ses travaux sur la banlieue (Quatre -vingt- treize, Gallimard, 2012), sur la fabrique du djihad (Terreur dans l’Hexagone, Gallimard, 2015) et la fracture communautaire sont devenus des références.
Le Figaro Magazine : On vous cite comme étant l’un des conseillers du Président pour l’organisation de l’islam de France ….
Gilles Kepel : C’est très exagéré de me présenter comme un conseiller du Président. Contrairement à ses prédécesseurs, Emmanuel Macron est quelqu’un qui aime maîtriser personnellement les dossiers à fond. J’ai pu le constater pour les questions que je suis depuis une trentaine d’années, c’est- à -dire la politique française au Moyen-Orient et l’islam de France. Il s’intéresse aux idées : c’est de cela que j’ai eu l’occasion de lui parler. Mais je ne fais pas partie du processus de décision.
Le Figaro Magazine : En quoi l’islam est-il un chantier prioritaire ?
Gilles Kepel : La situation de l’islam de France aujourd’hui n’est pas bonne, en particulier sur le plan de ses relations avec l’Etat. Ce dernier ne se mêle pas du dogme, mais a besoin d’avoir des interlocuteurs parmi tous les principaux cultes pour s’entretenir avec eux de questions qui touchent à l’ordre public. En cela, l’organisation de l’Eglise catholique a servi de modèle : elle a une structure hiérarchique, à la manière d’un Etat dont le chef serait le pape ; néanmoins, cette structure est très éloignée de celle de l’islam sunnite qui n’a ni évêques ni cardinaux. Chaque communauté y est laissée libre de choisir son pasteur, même si des regroupements existent, qui sont dictés principalement aujourd’hui par les pays d’origine des musulmans ou des affinités doctrinales. L’islam en France est constitué de croyants dont la majorité sont de nationalité française. Bien qu’il prétende le contraire, l’Etat s’appuie souvent sur des chefs de file étrangers car il pense que ceux -ci sont plus accessibles à une logique d’ordre, d’Etat à Etat. C’est le dilemme du CFCM, conçu initialement pour extraire l’islam de France de l’influence des pays d’origine : celui-ci est devenu une instance à la tête duquel se succèdent des personnes proches de ceux-ci.
Le Figaro Magazine : Si l’islam sunnite ne ressemble pas, dans sa structure, à l’Eglise catholique, à quelle religion son organisation peut-elle être comparée ?
Gilles Kepel : L’islam en France, en effet, ressemble plus à la configuration des Eglises protestantes, qui n’ont pas de pape infaillible à leur tête, voire au judaïsme, où des synagogues de différentes obédiences fonctionnent selon un réseau relativement souple. Mais le judaïsme ou le protestantisme ne regroupent qu’un faible nombre de croyants, tandis que l’islam représente une fraction importante de la population française qui se chiffre en millions mais demeure encore, dans bien des cas, relativement marginalisée par rapport aux institutions. Religion surreprésentée dans les banlieues déshéritées, elle y compense parfois cette marginalisation civique à laquelle se substitue alors une identité communautaire.
Cependant, du fait de l’accès d’un certain nombre d’enfants de la troisième génération d’immigrés ou de nouveaux arrivants aux classes moyennes, il devrait être possible de trouver les interlocuteurs français musulmans qui ont fait défaut jusqu’à maintenant et sont à même de gérer le culte dans une optique française et républicaine. On devrait identifier également parmi eux des individus qui pourront abonder le denier du culte, de telle manière qu’il ne soit plus nécessaire de faire appel à des financements étrangers liés à des politiques d’Etat.
Le Figaro Magazine : Faut-il un grand imam de France, à la manière du grand rabbin ?
Gilles Kepel : Cette proposition peut paraître séduisante, mais pose deux problèmes. Tout d’abord, un grand imam ne peut pas être identifié comme tel par l’Etat laïc. Mais surtout, cela m’étonnerait qu’une personne unique puisse faire consensus vu l’éparpillement des sensibilités qui prévalent aujourd’hui parmi les musulmans de France.
Je crois plutôt que ce sont des structures consensuelles qui sont envisageables, sans entretenir d’illusions sur le fait qu’elles puissent représenter l’ensemble des sensibilités (puisque les djihadistes, et une bonne partie des salafistes, en seront exclus). Mais la conjoncture internationale et française est plutôt favorable à l’émergence de cet islam du culte et de la foi. En effet, nous venons de sortir d’une période épouvantable, marquée par un terrorisme djihadiste dont se sont désolidarisés la plupart des musulmans. Ceux-là mêmes qui pouvaient être attirés il y a quelques années dans la spirale de la radicalisation ont mis depuis de l’eau dans leur vin. On le voit en Syrie où, depuis 2013 – 2014, les différents courants rebelles s’étaient salafisés : aujourd’hui, le mouvement est inverse. Nous ne sommes donc plus dans la période de crise aiguë que nous avions connue. C’est certainement une opportunité qu’Emmanuel Macron veut saisir, lui qui a plusieurs fois rappelé que Daech a été vaincu.
Fin de la première partie.
Propos recueillis par Vincent Trémolet de Villers et Paul Sugy pour le Figaro Magazine.
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