Agnès présidente ! Agnès présidente !
Ce pourrait être le cri du contribuable français !
Je parle d’Agnès Verdier-Molinié qui court les plateaux télé sans compter sa peine en dénonçant la gabegie de l’Etat et l’incapacité des gouvernements successifs à maitriser les dépenses de l’Etat.
Malgré ce sentiment de prêcher dans le désert, Agnès Verdier-Molinié est une infatigable combattante.
Elle dirige l’IFRAP : un Think tank libéral qui se présente sur son site comme un laboratoire d’idées innovantes dédié à l’analyse des politiques publiques.
Son organisme vient d’attribuer la note de 5,4 sur 10 à Emmanuel Macron après deux ans de mandat.
Valeurs actuelles nous propose une interview de la pasionaria de la maitrise des dépenses publiques. Vue sa longueur et pour ne pas vous assommer en ce début d’année, je vous propose cet article en deux parties :
Partie 1
Agnès Verdier-Molinié : “Macron, le flou et l’incertitude permanents”
5,4 sur 10. C’est la note que la fondation Ifrap, le think tank libéral dirigé par Agnès Verdier-Molinié, attribue à Emmanuel Macron après deux ans de mandat. Réforme des retraites, allocations chômage, dépense publique, dette, matraquage fiscal, fraude sociale et immigration clandestine… Le bilan de la politique du chef de l’État est sévère.
Valeurs actuelles : À mi-mandat, Emmanuel Macron est-il, comme certains le prétendent, un faux dur dehors et un vrai mou dedans ?
Agnès Verdier-Molinié : Le sujet n’est pas celui de la personne qui gouverne, mais des actions qui sont menées par le gouvernement pour réformer la France et de leur niveau d’efficacité. Difficile de faire un bon quinquennat en partant sur un programme erroné, comme sur l’âge de départ à la retraite à 62 ans qu’on pouvait soi-disant maintenir car il n’y aurait plus de sujet de déficit des pensions. Quand le diagnostic est faux, les propositions sont forcément à côté de la plaque. Le problème réside ensuite dans le calendrier et le séquençage des réformes. Celle des retraites aurait dû être enclenchée immédiatement, mais c’est la première qui a été repoussée pour mener des réformes moins importantes et moins nécessaires sur le front de la baisse des dépenses. D’où cette impression permanente de flou dans le cap et d’incertitude sur les objectifs. Au-delà de cela, vouloir étaler les réformes importantes sur la durée du quinquennat et reporter les baisses de dépenses à 2021 et 2022, comme c’est le cas, est assez illusoire, on sait bien que les deux dernières années d’un quinquennat sont déjà des années de campagne électorale …
Valeurs actuelles : La France continue à se droguer à la dépense publique, avec pour conséquence une montée de sa dette. Si elle continue, le Fonds monétaire international (FMI) ne risque-t-il pas de débarquer en France comme il l’a fait en Grèce, pour la contraindre à engager les réformes nécessaires ?
Agnès Verdier-Molinié : Si nous n’assainissons pas nos finances publiques, nous risquons, en cas de crise ou de choc externe comme le Brexit, de nous retrouver sans aucune marge de manœuvre budgétaire. Et sans marge budgétaire, nous serons contraints d’emprunter. Bref, c’est un cercle vicieux. Seuls les taux très faibles permettent au gouvernement d’afficher des résultats un peu meilleurs en matière de déficit, mais la réalité est que nous empruntons toujours plus d’année en année : 225 milliards d’euros en 2019, 230 milliards en 2020…
Il n’y a, en principe, pas de limite maximale à la dette publique d’un État. Cela dit, on sait aussi que la croissance est durablement affectée par un niveau excessif de dettes publiques. En conséquence, la capacité de rebond de l’économie, sa résilience aux chocs économiques externes (crises, guerre des monnaies) est plus faible lorsque l’endettement est élevé. Or, la France frôle une dette de 100 % depuis plusieurs années. En 2019, notre dette publique pèse près de 98,8 % du PIB.
De fait le gouvernement reste prudent sur ce sujet et mise sur une dette publique à 97,7 % du PIB en 2022. Le risque est là de dépasser les 100 % (c’était déjà le cas fin septembre et mi-décembre) et d’entrer dans une zone dans laquelle on maîtrise moins bien notre avenir collectif avec la possibilité de voir la France sanctionnée par la Commission européenne, voire “coachée” par le FMI en cas de perte de contrôle. Les réformes seraient alors bien plus dures …
Valeurs actuelles : Emmanuel Macron fait-il finalement pire ou mieux que son prédécesseur ?
Agnès Verdier-Molinié : D’abord, il faut se rappeler le quinquennat de François Hollande. Entre 2013 et 2017, ce mandat s’était caractérisé par une hausse des dépenses publiques (y compris les crédits d’impôt) de près de 101,1 milliards d’euros tandis que les recettes publiques, et donc nos impôts, explosaient de plus de 141,5 milliards d’euros en cinq ans. Entre 2017 et 2020, soit sur la moitié du mandat d’Emmanuel Macron, il est prévu que les dépenses publiques augmentent de 55 milliards d’euros et les recettes publiques, de 58,6 milliards d’euros.
Pour comprendre la dynamique à l’œuvre, c’est le rythme moyen des augmentations qu’il faut prendre en compte. Sous le mandat de François Hollande, les dépenses augmentaient de 20,2 milliards d’euros en moyenne par an et les recettes publiques de 28,3 milliards par an. Sous le mandat d’Emmanuel Macron, les dépenses ne croissent plus annuellement “que” de 18,3 milliards d’euros et les recettes “que” de 19,5 milliards. Le poids des dépenses publiques et de nos impôts continue donc d’augmenter… mais moins vite. Une maigre consolation.
S’agissant du déficit public, celui-ci baisse indubitablement. Il est passé de 2,8 % du PIB en 2017 à 2,2 % en 2020. Mais les efforts déployés par le gouvernement pour ajuster notre déficit structurel ne respectent pas du tout nos engagements européens. Si nous voulions le faire, nous devrions réaliser 0,6 point d’effort structurel par an, au minimum ! Or, nous en effectuons seulement 0,1 point chaque année depuis trois ans. C’est tout à fait insuffisant. Et encore, ce résultat n’est obtenu que grâce à des économies inattendues liées aux taux négatifs sur la dette. Il n’y a donc pas de réelles économies.
Valeurs actuelles : Emmanuel Macron ne gère donc pas la France en bon père de famille …
Agnès Verdier-Molinié : Quand il affirme que la règle des 3 % est « un débat d’un autre siècle » , comment faut-il le prendre ? Veut-il laisser filer les déficits ou bien remettre les comptes à l’équilibre ? Jusqu’à présent, c’est toujours la première solution. En voulant abandonner cette règle, il maintient cette ubuesque posture française. La France n’est pas une terre de miracles et il n’y a aucune raison que les règles de bonne gestion budgétaire européenne ne s’appliquent pas chez nous. Et surtout, il s’agit d’une règle commune.
C’est la dernière rumeur en vogue, celle selon laquelle la règle du 3 % de déficit public aurait été imaginée, en pleine crise, sur un coin de table pour calmer les esprits européens. Rien n’est plus faux. Cette règle correspond à la soutenabilité de la dette publique lorsque celle-ci atteint 60 % du PIB dans un contexte macroéconomique avec une inflation à 2 %.
Or, que constatons-nous ? Que d’autres pays se sont dotés de règles budgétaires plus contraignantes afin d’assainir leurs finances publiques et de baisser durablement leur endettement. C’est le cas de l’Allemagne, de la Suède ou de la Suisse ; bien que ces deux derniers pays ne soient pas soumis à la règle des 3 %, ils se sont imposé l’équilibre des comptes dès qu’il y a croissance économique même faible. Mais c’est un chemin que n’a pas voulu suivre la France, préférant construire une économie (instable) de consommation et d’endettement.
Valeurs actuelles : La baisse du chômage est-elle la conséquence de la politique économique d’Emmanuel Macron ou a-t-il plus de chance que François Hollande, qui a attendu en vain la croissance pendant cinq ans ?
Agnès Verdier-Molinié : En début de mandat, François Hollande avait largement cassé la croissance avec sa politique fiscale folle, qui avait, notamment, entraîné une crise de confiance des entrepreneurs et des investisseurs, lesquels avaient freiné les embauches dans l’attente d’une politique plus raisonnable. Elle est arrivée avec l’introduction du Crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE), en 2013, puis du pacte de responsabilité, en 2014. Deux mesures qui ont atteint leur plein régime seulement en 2017 et ont permis de faire repartir la création d’emplois marchands… au début du quinquennat d’Emmanuel Macron. D’où le fait que ce dernier a l’air d’avoir de meilleurs résultats au niveau de l’emploi.
En fait, c’est d’autant plus un leurre que rien n’est fait en supplément, par le gouvernement actuel, pour améliorer la compétitivité de nos entreprises. Ces dernières ne verront baisser leur fiscalité que de l’ordre de 3 milliards d’euros en net d’ici à 2022 entre les annonces de hausses et de baisses. Une infime goutte d’eau sur les 100 milliards de fiscalité qui pèsent en plus, en France, sur nos entreprises par rapport à celles de la zone euro.
Aux dernières nouvelles, le chômage au sens du Bureau international du travail (BIT) concerne en France 2,5 millions de personnes. Mais il faut ajouter 1,6 million de personnes qui sont dans ce que l’on appelle le “halo du chômage”. Ce sont des personnes à la recherche d’un emploi mais pas disponibles tout de suite. Au total, la France affiche un taux de chômage de 8,6 % selon le BIT alors qu’il était de 6,3 % en moyenne dans l’Union européenne en juillet 2019. Il n’y a pas de quoi fanfaronner : seules la Grèce, l’Espagne et l’Italie ont un taux de chômage plus élevé que nous.
Au niveau français, les chiffres de Pôle emploi sont plus inquiétants. Pour rappel, en décembre 2012, Pôle emploi affichait 3,1 millions de demandeurs d’emploi de catégorie A et 5,2 millions toutes catégories confondues (A à E). Sept ans plus tard, les derniers chiffres disponibles datent d’octobre 2019 : nous étions à 3,3 millions de chômeurs en catégorie A et à 6,5 millions toutes catégories confondues. Pas d’amélioration vraiment spectaculaire.
Valeurs actuelles : Les Français sont à cran. Fallait-il jeter les cadres en pâture pour expliquer la mauvaise santé de l’assurance chômage ?
Agnès Verdier-Molinié : Le choix du gouvernement d’Édouard Philippe de mettre en place la dégressivité des allocations chômage seulement pour les cadres n’est là que pour faire avaler la pilule de la réforme de l’assurance chômage. Or, il fallait la réformer comme il faudrait une réforme de nos aides sociales et de nos minima sociaux. Si on peut regretter ce choix politique et de communication, on peut espérer qu’il représente une première étape avant la généralisation de la dégressivité à tous avec un plafonnement des cotisations.
Hormis ce faux pas, cette réforme de l’assurance chômage va plutôt dans le bon sens, car en baissant le taux de remplacement de remplacement pour ceux qui alternent des périodes de chômage et des périodes de travail, cela devrait éviter les situations d’optimisation de notre assurance chômage, qui faisaient florès et permettaient qu’un demandeur d’emploi indemnisé sur cinq touche davantage au chômage qu’en travaillant.
Il faut regretter néanmoins que le financement de Pôle emploi par l’Unédic soit en hausse alors que l’État lui-même baisse sa contribution, ce qui est totalement incompréhensible. Au final, ce sont plus de 3 milliards d’euros par an pour financer Pôle emploi qui pèsent sur les cotisations des travailleurs du secteur privé. À ce niveau, on pourrait presque parler de hold-up quand on constate le niveau d’accompagnement des demandeurs d’emploi par les services de Pôle emploi. Et en face, le régime des intermittents du spectacle a été sanctuarisé par la précédente majorité et le gouvernement actuel a soigneusement évité d’y toucher lors de sa réforme. Leur système d’allocation, qui équivaut plus à un système de subventions déguisées, a pourtant creusé le déficit de l’assurance chômage, en 2017, de 1 milliard d’euros (sur 3,6 milliards au total) et cela pour l’indemnisation et l’accompagnement de 120 000 intermittents. Soit plus de 8 000 euros de déficit par bénéficiaire.
Suite dans un prochain article.