On aurait pu penser que la création du groupe parlementaire dissident des Républicains « , Les Constructifs » fut quelque chose de spontané, né après l’élection d’Emmanuel Macron à la présidence de la République.
Il n’en est rien !
C’est ce que raconte Marion Mourgue dans cet article du Figaro Premium. Il faut en fait remonter au lendemain de la défaite de Nicolas Sarkozy, et même un peu avant, pour comprendre comment on en est arrivé à la situation d’aujourd’hui.
Voici les principales étapes de la genèse des Constructifs :
D’abord une histoire d’amitié …
Tout commence au lendemain des législatives de 2012 quand le député de la Marne Benoist Apparu organise un dîner au restaurant Bellota-Bellota, rue Nicot, près de l’Assemblée. Autour de la table, des élus d’une même génération et qui partagent le plaisir de la table: Franck Riester, Bruno Le Maire, Thierry Solère et l’autre énarque de la bande Édouard Philippe. « Nous avions en commun une vision commune de la politique », explique Franck Riester, aujourd’hui coprésident du groupe LR-UDI constructifs à l’Assemblée nationale, « tant dans la manière de faire de la politique que sur la ligne politique ». D’abord trimestriels, les dîners se multiplient, les rencontres s’intensifient. « On commence à se voir de plus en plus, y compris dans l’Hémicycle », indique un des membres. « Dans ces dîners, il n’y a rien que d’informel. Ce sont des moments de détente. On aime se bidonner et forcément, comme nous sommes des politiques, ça parle politique », s’amuse un autre. « En fait, on se voit tout le temps, on se dit tout », rit un troisième.
Le groupe s’agrandit aux amis des amis : Gérald Darmanin, député maire de Tourcoing, « ami » d’Édouard Philippe qui va souvent lui rendre visite au Havre, Gilles Boyer, l’alter ego d’Édouard Philippe qu’il continue d’avoir cinq à six fois par jour au téléphone même à Matignon, et Sébastien Lecornu, « témoin de mariage et de divorce de Gérald », aime-t-il plaisanter. « C’est vraiment une histoire d’amitié, ce groupe. Il y a un petit côté compagnonnage. J’ai d’ailleurs retrouvé un petit côté RPR. Mais c’est plus carabin que comploteur, c’est une troisième mi-temps sympathique », confie Gérald Darmanin, aujourd’hui ministre de l’Action et des Comptes publics.
Pas de « coups tordus » entre eux
« Ce qui a soudé notre amitié, énonce Thierry Solère, c’est que nous avons été les organisateurs de la primaire.» Aux côtés de « M. Primaire», Édouard Philippe est le correspondant d’Alain Juppé, Gérald Darmanin coordinateur de la campagne de Nicolas Sarkozy, Sébastien Lecornu, bras droit de Bruno Le Maire. « Même si nous ne faisions pas les mêmes choix, nous nous entendions très bien et nous savions qu’il n’y avait pas de coups tordus entre nous », confie le premier ministre Édouard Philippe au Figaro.
Tous intégrés à la campagne de François Fillon, ces élus commencent à se sentir de plus en plus en décalage avec la ligne politique du candidat. Surtout quand celui-ci décide de se maintenir malgré sa mise en examen et le fait qu’il avait annoncé l’inverse quelques semaines plus tôt, sur TF1.
Le jour du Trocadéro chez Thierry Solère
Le 5 mars, jour du Trocadéro, ils se donnent tous rendez-vous chez le député de Boulogne Thierry Solère, le nouveau point de ralliement discret de la bande. Ensemble forcément pour regarder le 20 heures de François Fillon et attendre de savoir s’il se maintient. Le candidat reste ; eux partent. « Le groupe Bellota ne s’est pas concerté pour dire on s’en va. On n’est d’ailleurs pas partis aux mêmes dates. Mais on a tous jugé individuellement ou pour certains collectivement que ce n’était plus possible », précise un des membres.
L’après-Trocadéro s’organise en coulisses avec la préparation d’une tribune, le 14 mars, qui porte en germe l’envie de faire de la politique autrement. En privé, les signataires ont même envisagé un meeting dans l’entre-deux-tours … L’opération s’arrêtera là car des contacts sont noués avec Emmanuel Macron.
« Macron a vite repéré notre petit groupe … »
« … quand il était ministre de l’Économie. On se voyait à la buvette de l’Assemblée », raconte un membre de la bande. « Après, on s’est régulièrement retrouvés les uns ou les autres à des dîners avec lui. Une fois devenu président, Emmanuel Macron sent qu’il y a des gens qui sont prêts dans ce groupe pour la recomposition politique.» À commencer par Édouard Philippe qu’il a revu au printemps chez un ami en commun. Les messages se font de plus en plus clairs à l’image de Thierry Solère qui, pendant sa campagne des législatives, explique qu’il n’est « pas en marche mais a envie que ça marche ».
« La cohabitation idéologique et tactique au sein des Républicains devient de plus en plus compliquée. On en tire les conséquences: ce qui compte ce sont les idées, les partis doivent s’adapter », énonce un des membres. La recomposition politique est en marche. « On commence à évoquer un certain nombre de sujets, les constructifs notamment. Tout le monde comprend qu’entre La République en marche et Laurent Wauquiez, il y a un espace. C’est la raison pour laquelle le jour de la passation de pouvoirs Édouard Philippe précise qu’il est de droite », rappelle un des membres du groupe.
La rupture éclate entre les deux tours de la présidentielle !
Le 24 avril, Thierry Solère, Gérald Darmanin et Sébastien Lecornu lancent un appel des élus pour saisir la main tendue d’Emmanuel Macron à travailler ensemble. Message reçu cinq sur cinq à l’Élysée.
Emmanuel Macron et Édouard Philippe, avec les conseils de ses amis, vont choisir ensemble les candidats LR qui n’auront pas de représentants En marche ! face à eux.
« Le groupe Bellota ne préfigure pas le mouvement des constructifs », se justifie un de ses membres, même si de fait le groupe Bellota s’y retrouve. « Ce qui le préfigure, c’est le Trocadéro. »
Pour autant, le premier ministre comme son ministre Gérald Darmanin n’ont pas ménagé leur peine pour téléphoner à de nombreux élus LR et les inviter à rejoindre ce deuxième groupe de droite.
Mi-mai, le groupe Bellota, dont plusieurs membres ont rencontré discrètement le président dans la semaine qui a précédé la passation de pouvoirs, accompagne l’un des leurs à Matignon. Ils sont toujours à ses côtés. Inséparables. À tel point que beaucoup « ne pourraient imaginer » que le premier ministre n’ait pas été mis dans la confidence quand Thierry Solère s’est lancé dans la conquête de la questure à l’Assemblée.
« Ça s’est passé beaucoup plus simplement que certains l’imaginent. Qui y a-t-il de plus démocratique qu’un vote ? », rebondit Thierry Solère qui affirme ne pas «avoir eu» le premier ministre à ce sujet.
Ils sont devenus ministres, secrétaires d’État, président de groupe, questeur, conseiller à Matignon…
La première fois, en découvrant le bureau d’Édouard Philippe, un du groupe Bellota avait pouffé de rire:
« Hé les mecs, je croyais qu’on avait perdu la primaire ! »
Marion Mourgue pour le Figaro Premium
Je dois avouer que la fin de l’article fait très mal au « militant des Républicains » que je suis …
D’abord, l’image de la négociation entre Macron et Philippe pour savoir qui le mouvement En marche va épargner aux législatives est terrible pour moi et nous montre que derrière le discours des « nouvelles pratiques politiques » d’Emmanuel Macron, se cachent hypocritement, les pires des magouilles politiciennes !
Quant au groupe des Constructifs, si je peux comprendre le soutien à une politique de Macron qui semblait en rupture avec le socialisme, je condamne totalement la méthode ! Les Constructifs devaient d’abord tenter de convaincre les républicains d’adopter une position constructive vis à vis de Macron, mais ils étaient illégitimes – aux yeux des militants – àprendre une position dissidente par rapport au parti.
J’ai été particulièrement déçu par Thierry Solère, dont j’avais apprécié le travail durant les primaires. Son attitude de meneur durant la fronde des constructifs m’a outré.
La dernière boutade : « Hé les mecs, je croyais qu’on avait perdu la primaire ! » m’a particulièrement affecté. Ces élections présidentielles sont une cuisante défaite pour les Républicains, et entendre certains des nôtres dire que finalement ils ont gagné, est insupportable et prouve définitivement que ces gens-là ont choisi leur carrière personnelle en reniant leurs partis, leurs amis et leurs convictions.
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