Sans introduction, je relaye un article de la Sélection du Jour consacré à l’extrême importance stratégique des semi-conducteurs :
Les semi-conducteurs (silicium, germanium, arséniure de gallium, carbure de silicium, etc.) sont l’une des fondations de notre économie mondialisée.
On les retrouve dans toute l’électronique moderne, dans les puces des ordinateurs et dans la plupart des moteurs de la transition énergétique – en premier lieu, les sources d’énergies renouvelables et les voitures électriques. Ce marché est ainsi l’un des plus prometteurs au monde. Son chiffre d’affaires s’élevait déjà à 600 milliards de dollars en 2021 et une étude McKinsey estimait son taux de croissance entre 6 et 8 % par an jusqu’en 2030, ce qui le conduirait à dépasser 1 000 milliards de dollars d’ici la fin de la décennie.
La plus importante entreprise du secteur est la société taiwanaise TSMC qui produit 60 % des semi-conducteurs du monde et 90 % des semi-conducteurs les plus avancés.
Sa position largement dominante sur un marché aussi capital est aujourd’hui un élément clé dont Taïwan se sert dans sa stratégie de survie face à la Chine dont, tout d’abord, le coût d’opportunité d’une invasion de la Chine. Les prévisions de chaos économique mondial qui résulterait d’une attaque de l’île peuvent contribuer à dissuader la Chine. Et ensuite, puisque par cette industrie, Taïwan lie en pratique son économie et sa défense à celle des États-Unis, c’est une autre manière de freiner les ardeurs de la Chine. Taïwan soutient donc massivement cette industrie qui est un enjeu géopolitique majeur, au cœur de la rivalité Chine – États-Unis.
Les États-Unis, conscients de ce constat, ont adopté une politique à double volets pour freiner l’expansion de la Chine dans ce secteur si critique, craignant de la voir utiliser ces puces à des fins militaires.
– Un volet offensif : ils ont adopté une série de restrictions contre les entreprises chinoises du secteur. Selon Chris Miller, spécialiste du domaine, TSMC, qui fournit les États-Unis en puces, a cinq ans d’avance sur la Chine, qui devrait avoir du mal à rattraper son retard dans un domaine demandant des technologies parmi les plus avancées du monde.
– Un volet industriel : les EU ont adopté le Chips Act en février dernier, qui prévoit 52 milliards de dollars d’aide à la production nationale de semi-conducteurs. Le but est d’aider les entreprises à investir sur le territoire national. TSMC a déjà annoncé un investissement de 40 milliards de dollars.
La Chine a rétorqué de la même façon, renforçant la guerre commerciale. Elle a récemment banni Micron, géant américain des semi-conducteurs, spécialisé dans la mémoire et qui réalisait 10 % de son chiffre d’affaire en Chine. Elle a également restreint les exportations de deux métaux (gallium et germanium). À côté de cela, elle a offert un chèque en blanc à cinq de ses fleurons nationaux (dont Huawei) pour les aider à rattraper leur retard sur TSMC notamment.
L’Europe de son côté ne compte pas laisser la primeur à ses concurrents dans un domaine qu’elle dominait voici 30 ans.
Elle a promulgué son propre Chips Act en juillet 2023, débloquant une enveloppe de 43 milliards d’euros d’investissements publics dans ce secteur, avec comme objectif d’inciter les investisseurs privés à s’installer sur son territoire, pour produire, en 2030, 20 % de semi-conducteurs (contre 9 % aujourd’hui). Intel par exemple a annoncé que son investissement dans une usine en Allemagne pourrait atteindre 100 milliards d’euros. Depuis, les annonces de créations d’usines se multiplient. Par ailleurs l’UE compte sur ces capacités de recherche et les accords bilatéraux pour développer le secteur des puces électroniques. Elle vient de signer (voir notre sélection) un protocole d’accord avec l’Inde dans ce but.
Cependant, l’UE fait face à de multiples contraintes qui risquent de l’empêcher de réaliser ses attentes :
– Le montant investi « n’est guère plus qu’une goutte d’eau dans l’océan et ne comblera pas l’écart entre l’Europe et les leaders de l’industrie », a rappelé l’euro député allemand Markus Ferber. Pour comparaison, pour la seule année 2022, le groupe TSMC a investi 36 milliards d’euros.
– L’UE doit faire face aux restrictions américaines et aux difficultés d’approvisionnement depuis les Etats-Unis.
– L’UE souffre de problèmes endogènes : elle manque de main d’œuvre qualifiée et de grandes industries dans la construction des puces, or ces industries mettent des dizaines d’années à se former.
Ainsi, en suivant les objectifs de l’UE, en intégrant, dans les calculs, la croissance de ce marché discutée plus haut, la production doit tripler en sept ans. Malgré les milliards dédiés à cet objectif, il est très probable que ces attentes soient revues à la baisse.
La bataille pour les semi-conducteurs est donc loin d’être finie.
Benoit Bertan de Balanda pour la Sélection du jour.
A lire aussi cet article de l’Usine nouvelle :
L’Union européenne et l’Inde concluent un partenariat dans les semi-conducteurs
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