La décision de réduire à 80 km/h la vitesse sur toutes les routes secondaires fut prise par un homme seul, Edouard Philippe, en opposition, dit-on, avec le président de la République.
Est-ce pour laisser son nom dans l’histoire que cet homme un peu falot, grandi dans l’ombre d’Alain Juppé et sorti des quais du Havre, par Emmanuel Macron prit cette mesure ?
La décision fut immédiatement rejetée par une large majorité de Français et représentait pour les territoires ruraux la mesure-type de l’arrogance et du centralisme parisiens.
La révolte des Gilets jaunes, déclenchée par la hausse des carburants, était aussi motivée par la mesure des 80 km/h, considérée comme une mesure « venue d’en haut » sans aucune concertation.
Dans le paquet cadeau des 10 milliards d’euros, lâchés pour mettre fin à la jacquerie des Gilets jaunes, figurait aussi l’autorisation donnée aux départements de revenir éventuellement sur la mesure honnie.
Ce n’était que justice et logique puisque le réseau routier secondaire est entièrement géré et financé par les départements, même et surtout du point de vue de la sécurité routière.
Où est-on le mieux placé pour juger de la dangerosité d’un tronçon de route de Dordogne ? Avenue Matignon ou à Périgueux ?
On aurait pu penser que l’affaire allait en rester là et que les départements allaient reconsidérer localement la situation et remonter la vitesse à 90 kmh sur certains tronçons des routes secondaires.
C’était sans compter sans l’entêtement d’Edouard Philippe !
Très vite le premier ministre a fait publier les conditions qu’ils mettaient au retour aux 90 kmh.
Et ces conditions permettaient déjà de rendre extrêmement difficile la tâche des présidents de département.
Jugez-en par vous-même !
Pour qu’un tronçon de route puisse repasser à 90 kmh il fallait que toutes les conditions suivantes soient réunies :
- Que le tronçon considéré ait une longueur d’au moins 10 km,
- Qu’il ne comporte aucune intersection,
- Qu’il ne traverse aucun hameau,
- Qu’il n’y ait aucun arrêt de transport en commun,
- Qu’aucun engin agricole n’y circule,
- Qu’il dispose de larges zones de « récupération » et de « sécurité .»
Autant dire qu’à part dans les Landes, on aura beaucoup de mal à trouver des tronçons compatibles !
Le premier ministre, lui, n’avait mis aucune condition ni aucune réserve à sa réduction généralisée de la vitesse mais il se permet aujourd’hui de mettre des conditions dissuasives à un retour en arrière.
Et ceci au mépris de la volonté du peuple et de bon nombre d’élus locaux.
Mais ces conditions ne suffisaient pas au premier ministre !
Pour bien enfoncer le clou, Edouard Philippe, vient de faire diffuser, le 15 janvier dernier, par le ministère de l’intérieur une directive à l’intention de tous les préfets.
Dans les colonnes du Dauphiné, la directive est jugée très dissuasive :
Le député du Cantal, Vincent Descoeur, a déclaré dans le Figaro : « Ce document est un guide conçu pour empêcher les élus de revenir sur le 80 km/h ».
Les préfets à la manoeuvre
Des recommandations qui fleurent bon l’injonction: tout département qui souhaite repasser à 90 km/h doit d’abord solliciter l’avis consultatif de la Commission départementale de sécurité routière (CDSR). Laquelle est composée d’élus locaux, d’associations… mais aussi de représentants de l’État.
C’est d’ailleurs le préfet, dépendant de l’État, qui préside cette CDSR. Purement consultatif, l’avis de la CDSR risque de peser lourd au moment de la décision finale.
« Donner un avis systématiquement négatif » si …
La circulaire dispose également de multiples contraintes auxquelles doivent répondre les tronçons « proposés »: s’ils doivent mesurer « au moins 10 km », le texte enjoint les préfets de « donner un avis systématiquement défavorable » sur les tronçons où il y a « des arrêts de transports en commun », de la circulation d’engins agricoles et de riverains, ou « traversés de chemins de grande randonnée ou de véloroutes » (pistes cyclables de moyenne ou longue distance).
Autant dire qu’en milieu rural, rares seront les tronçons éligibles… du point de vue de l’État
Les élus qui souhaitent revenir aux 90 km/h devront par ailleurs transmettre au préfet un « projet d’arrêté motivé » et « basé sur une étude d’accidentalité » (fréquence des accidents) du tronçon concerné, est-il précisé dans la circulaire.
Il faudra payer, mais pas seulement
Le texte rappelle également que les gestionnaires des voiries concernées (conseils départementaux, mairies parfois) devront financer et installer eux-mêmes les nouveaux panneaux signalant le relèvement à 90 km/h au début de chaque section et après chaque intersection, ainsi que, à la fin du tronçon, ceux qui indiquent la nouvelle vitesse maximale.
Sans cette signalisation, la vitesse maximale ne sera pas relevée, est-il souligné dans la circulaire.
Le risque judiciaire
Enfin, la circulaire Castaner rappelle le risque juridique qui pèsera sur les élus qui auraient, éventuellement, passé outre l’avis de la CDSR: en cas d’accident, mortel ou non, leur responsabilité pénale pourra être engagée.
Autant d’éléments qui risquent de limiter drastiquement le retour, souhaité par 8 à 9 Français sur 10, aux 90 km/h sur le réseau secondaire.
En conclusion
Une fois de plus, ce pouvoir montre son incapacité à écouter les Français et sa tendance à mépriser les corps intermédiaires. N’oublions pas que les élus locaux ont, à leur niveau, une représentativité et une légitimité bien plus grandes que celles du président de la République et encore plus du premier ministre.
Avec son physique de shérif de Notthingam, on n’oubliera pas qu’Edouard Philippe fut d’abord un traitre à son camp pour être premier ministre et qu’il se sera immédiatement coulé dans le moule de la Macronie, oubliant ainsi tout son passé d’élu local à la mairie du Havre.
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