Je garde un excellent souvenir des instituteurs et des professeurs qui m’ont accompagné et guidé pendant toute ma scolarité.
Comme certains d’entre vous ont pu le déceler, je suis « plutôt à droite » et donc, « naturellement », je garde un souvenir positif de l’autorité naturelle qui émanait des professeurs, à cette époque.
Et au dessus des professeurs, il y avait le surveillant général, « le surgé » dont l’autorité suprême était crainte de tous … Le CPE, conseiller principal d’éducation, n’avait pas encore été inventé et nul n’était besoin d’une médiation entre le professeur et l’élève !
Mais quand je compare avec la situation actuelle dans nos écoles, il me semble que le monde éducatif que j’ai connu est comme l’Atlantide. Il a sombré corps et biens … Dans un océan de laxisme …
Mon épouse, enseignant chercheuse, a fait ses armes dans deux établissements scolaires à Trappes et à Cergy-Pontoise, deux expériences où, plongée dans le système, elle a pu mesurer combien l’objectif des pédagogistes débiles : « mettre l’élève au centre des savoirs » avait pu être atteint et même sublimé puisque l’élève est aujourd’hui « au centre des pouvoirs » !
Là où le surveillant général était là pour appuyer l’autorité du professeur, le rôle du CPE consiste plutôt, aujourd’hui, à protéger les élèves d’un excès d’autorité. Mon épouse ayant fait un jour appel à un CPE pour régler un conflit avec des élèves insolents, avait assisté, médusée, à un long discours au terme duquel le CPE avait demandé aux élèves de respecter leur professeur mais aussi au professeur de faire des efforts pour comprendre les élèves !
Autre anecdote édifiante, en fin de première année de BTS, le conseil de classe refuse le passage en seconde année à deux élèves particulièrement perturbateurs et aux résultats scolaires mauvais. A la fin de la séance du conseil, le proviseur appelle les élèves en leur indiquant qu’il va leur transmettre toutes les informations pour pouvoir faire appel de la décision du conseil …
Il est difficile de répondre à la question : « Profs ? Coupables ou victimes ? » Ce qui est certain c’est qu’ils sont dans un environnement qui les bride, qui ne fait que peu de cas de leurs problèmes et qui ne les pousse pas à se battre contre la faillite de l’Education nationale.
En fait, cet article a été motivé par un courrier reçu ce matin de SOS Education, un courrier qui présentait le livre d’un professeur, Anne-Sophie Nogaret, intitulé : Du Mammouth au Titanic, la déséducation nationale.
Voici quelques extraits de ce courrier dont l’intégralité est disponible en fin d’article :
Le témoignage d’Anne-Sophie Nogaret vous plonge dans les rouages inhumains de l’Éducation nationale.
Ce qui me plaît particulièrement dans son témoignage, c’est cette grande clarté de jugement.
Car elle ne se contente pas de vider son sac. Elle nous décortique les mécanismes à l’œuvre, met à jour les nombreux sophismes sous-jacents, ces faux raisonnements qui aveuglent et poussent avec conviction aux pires absurdités.
Je l’ai déjà remarqué avec plusieurs personnes, devenues « profs » après avoir travaillé en entreprise : on n’entre pas dans l’Éducation nationale sans subir une insidieuse transformation.
Et ce livre explique bien pourquoi : le seul moyen de soumettre un professeur, c’est la manipulation.
C’est la pratique managériale la mieux partagée de l’Éducation nationale. Le professeur doit être suffisamment souple pour prendre les coups avec le sourire.
Car dans le prisme en vigueur, l’agresseur est une victime.
Gare à vous si vous sortez du rang, surtout si c’est pour sanctionner !
Et même s’ils ne sont pas d’accord, au fond, les professeurs s’autocensurent, au nom d’une idéologie devenue nouvelle morale du meilleur des mondes.
« Ils l’oublient trop souvent car cela les arrange, mais les profs constituent à eux seuls la pierre angulaire de l’école : bien qu’ils n’aiment rien tant que se représenter eux-mêmes en victimes de l’institution, ils en constituent pourtant la meilleure courroie de transmission. Sans leur concours diligent, l’idéologie à l’œuvre depuis des décennies n’aurait jamais pu agir de façon si efficace. De façon (du moins je l’espère) inconsciente, ils sont passés maîtres dans l’art de se tirer une balle dans le pied et de pleurnicher ensuite sur le sort qui s’acharne, incapables de comprendre que ce « sort » n’existe pas et qu’ils s’infligent eux-mêmes ce sur quoi ils se lamentent. »
Oui, j’apprécie aussi sa force de caractère qui refuse de compromettre son amour de la République et des élèves. Ou simplement sa dignité, que beaucoup de professeurs ont enfouie profondément pour pouvoir se laisser insulter par les élèves sans avoir à les punir … et plus particulièrement : sans avoir à les punir contre l’avis de leur hiérarchie.
Et que dire des passages hauts en couleurs sur l’incroyable pantalonnade du bac, où la présidente du jury, après avoir vainement tenté de lui faire remonter les notes par différents moyens de pression lui lance : « ce qu’il vous faut savoir, c’est que le contenu d’une copie n’intervient pas dans sa notation » !
Les solutions nécessaires pour s’en sortir ?
Anne-Sophie Nogaret n’y va pas avec le dos de la cuillère :
- Revenir à la « verticalité symbolique » : au-dessus de l’élève, le professeur, qui lui-même est soumis à une évaluation non idéologique ni administrative, mais disciplinaire et réellement pédagogique
- Remettre à leur place les parents qui couvrent les violences de leurs enfants
- Se débarrasser des syndicats idéologiques qui « cogèrent » l’Éducation nationale
- Remettre à la justice et aux services de santé mentale les élèves qui en relèvent, pour éviter la psychologisation et la judiciarisation outrancières
- Stabiliser les programmes scolaires : les disciplines ne se renouvellent pas tous les 5 ans…
- Favoriser les enseignements progressifs, permettant à l’élève de répéter et de progresser à son rythme
- Assurer les prérequis à chaque niveau
- Revaloriser l’enseignement technique
- Former les professeurs par un tutorat avec des enseignants chevronnés
- Oser dire à certains qu’ils ne sont pas faits pour être profs
- Désidéologiser les inspections pour en faire une évaluation honnête des compétences des enseignants…
Si je devais retenir une chose de ce livre, c’est le courage.
Nous devons, vous et moi, encourager les professeurs à tenir leur rôle, contre les élèves injurieux voire violents, contre les pressions psychologiques incroyables de leur hiérarchie, contre la bien-pensance hors sol, digne d’un roman orwellien et surtout, peut-être, contre leurs propres peurs.
Vous pouvez compter sur SOS Éducation pour les soutenir.
Et je vous invite à le faire aussi, en rejoignant notre combat.
Je vous souhaite le meilleur.
Claire Polin
Présidente de SOS Éducation
La version intégrale du courrier de SOS Education est disponible ici.
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