La ville californienne de San Francisco a été longtemps la cité préférée des touristes européens.
Le célèbre Golden Gate, l’île de la prison d’Alcatraz, les typiques « Cable Cars », et les fameux docks de Fisherman’s wharf faisaient la joie des touristes du monde entier.
Mais depuis une dizaine d’années, la ville s’est enfoncée dans le désordre et l’insécurité due à une municipalité gangrénée par le wokisme. La drogue y est devenue un véritable fléau.
Voici un article du Figaro qui décrit ce revirement de la ville phare du progressisme américain :
« Il est grand temps d’être moins tolérant
et d’arrêter nos conneries »:
la vitrine progressiste de San Francisco s’effondre
Honnie des républicains, la ville permissive a été récemment contrainte de renforcer les pouvoirs de sa police pour ramener un peu d’ordre dans ses rues.
La maire de San Francisco, London Breed, vient de se poster devant les micros posés sur le trottoir du magasin Vuitton d’Union Square, la place centrale autour de laquelle s’alignent les boutiques de luxe de la ville californienne. La veille, au milieu de la nuit, une voiture a foncé dans la vitrine en vue de dévaliser le magasin. Mais la police menait une ronde dans le quartier et les cambrioleurs se sont enfuis sans pouvoir commettre leur méfait. Deux autres voitures les attendaient.
Elles ont réussi à disparaître dans le dédale des rues fameusement escarpées.
Je veux dire aux criminels qui ciblent notre ville et menacent la sécurité publique : ne vous y trompez pas,
déclare une London Breed clairement excédée,
nous avons mis en place différentes technologies pour retrouver votre trace. Des caméras, des drones, une présence renforcée de la police, des policiers en civil qui patrouillent les quartiers. Une enquête est en cours. Nous vous retrouverons.
Piégée dans un cercle vicieux attribué à son excessive générosité et son extrême tolérance, San Francisco traverse une période particulièrement difficile dont London Breed essaie tant bien que mal de l’extirper.
Tels des zombies
L’insistance de la capitale américaine de la contre-culture, du non-conformisme, du mouvement hippie et de l’émancipation homosexuelle, à respecter jusqu’à l’absurde les libertés individuelles de ses résidents, comme celles de se promener nu en public — principalement dans le quartier Castro —, de se droguer ou de dormir sur les trottoirs avec ou sans tente, a conduit à une situation désespérée et, semblerait-il, irréversible, tant elle semble échapper à tout contrôle. Sa réputation est ainsi au plus bas.
Les rues de l’historique Tenderloin et de SoMa, les deux quartiers les plus ravagés par la crise du fentanyl, cet opiacé synthétique 50 fois plus puissant que l’héroïne, ont été colonisées par des nuées de toxicomanes.
On les voit partout, littéralement pliés en deux, affalés sur le bitume dans un état comateux, s’injectant leur drogue dans les veines, en train de souffrir d’une overdose ou titubant, tels des zombies, à la recherche de leur prochain shoot,
tandis qu’une armée de petites grands-mères chinoises imperturbables, camouflées derrière leurs casquettes et écharpes, cherchent à leur vendre des cigarettes de contrebande dont les paquets remplissent leurs cabas.
Nous sommes là pour les disperser mais bon, c’est un peu une cause perdue,
explique l’un des innombrables « ambassadeurs », reconnaissables à leurs gilets, de l’une des multiples associations caritatives déployées pour tenter de convaincre les toxicomanes de quitter les rues pour un abri.
Quand même, c’était bien pire il y a un an, il y a du progrès,
ajoute-t-il. En effet, le parvis de l’hôtel de ville, site de la plus grosse concentration de toxicomanes et de trafics divers et variés il n’y a pas si longtemps encore, a été nettoyé.
San Francisco, le punching-ball des républicains
Si la zone sud de SoMa offre le spectacle macabre d’une abjecte misère humaine, sa zone nord est réputée comme étant la plus chère du pays (quelque 58.287 dollars le mètre carré). Les riches quartiers de Pacific Heights, Marina, Sea Cliff, continuent, eux, d’ouvrir les yeux le matin sur un grandiose panorama : le bleu profond de la baie, l’île d’Alcatraz, le Golden Gate. Les maux de San Francisco ne les empêchent pas d’avoir des loyers hors de prix et d’être peuplés d’ultra-riches, même si le plus fortuné d’entre eux, Elon Musk, a déguerpi en septembre dernier avec X (ex-Twitter), abandonnant l’immense immeuble Art déco que la compagnie occupait sur Market Street, et laissant les cafés et restaurants environnants inconsolablement veufs de sa clientèle. Mais on ne voit dans aucune autre ville américaine les futuristes robots-taxis Waymo sans chauffeur de Google. Ils sont omniprésents, offrant un contraste saisissant avec la putrescence du Tenderloin.
Démocrate dans l’âme, San Francisco est devenue le punching-ball des républicains, qui la citent comme l’exemple à ne pas suivre, et honnissent tout ce qu’elle représente. Il faut dire qu’elle est le fief de l’ex-présidente de la Chambre des représentants Nancy Pelosi ; de l’éminente sénatrice et ex-maire Dianne Feinstein (décédée en septembre 2023). Elle est aussi la ville natale du gouverneur Gavin Newsom. Et c’est ici que Kamala Harris a fait ses premières armes (elle est née à Oakland, de l’autre côté de la baie).
« Elle est fondamentalement centriste »
Les observateurs de San Francisco aiment à répéter que l’univers politique de la ville est impitoyable. Ce qui expliquerait la quantité de personnalités qui sortent vainqueurs du combat municipal pour occuper la scène nationale.
Si Kamala est élue, on pourra dire que les deux femmes les plus importantes de l’histoire de la vie politique américaine (l’autre est Nancy Pelosi, NDLR) ont été formées ici,
affirme le directeur de terrain de la campagne de Kamala Harris à San Francisco, Benjamin Gonzales.
Au QG démocrate temporairement installé sur Market Street, dans les anciens murs du grand magasin Nordstrom, clos en juillet 2023 pour cause de larcins répétés — ce fléau a conduit nombre de commerces à fermer leurs portes —, les posters de Nancy Pelosi sont presque aussi nombreux que ceux de Kamala Harris.
« Je connais assez bien Kamala », raconte Matt Dorsey, le superviseur (plus ou moins l’équivalent d’un maire d’arrondissement) du 6e district, tout en sortant une photographie le montrant joue contre joue avec la candidate démocrate au temps où elle était procureur de la ville.
Nous avons travaillé ensemble. Et je peux vous dire que, contrairement, à ce que répètent les républicains, elle est fondamentalement centriste. Lorsqu’elle a fait campagne pour le poste de procureur, elle s’opposait à un candidat bien plus à gauche qu’elle. Une fois en place, elle s’est révélée plutôt coriace et plutôt intraitable avec les criminels et délinquants.
« Plonger la ville dans la crise »
Sur le panneau consacré aux élections locales, London Breed est la plus visible. Mais ses quatre rivaux sont, comme elle, démocrates. À San Francisco, les pugilats se livrent entre membres du parti bleu, puisque les républicains n’y ont aucune chance d’être élus. Historiquement, entre démocrates modérés et progressistes. Mais dernièrement, surtout entre les premiers (dans la course actuelle à la mairie, seul un candidat, Aaron Peskin, est progressiste).
Les Franciscanais ont suivi la même trajectoire. Excédés par l’approche jugée trop progressiste du procureur Chesa Boudin, qui semblait systématiquement favoriser les criminels aux dépens des victimes, 55 % des électeurs ont plébiscité son éviction en 2022.
Matt Dorsey précise :
London Breed, elle aussi, est devenue plus centriste. Nous cheminons petit à petit. Nous avons été victimes d’une parfaite tempête. D’abord, en 2020, le Covid, un an après l’élection de Chesa Boudin, qui a coïncidé avec l’arrivée du fentanyl. Tous ces facteurs se sont combinés pour plonger la ville dans la crise. London a été l’une des premières à imposer le confinement. Pour éviter la contagion, elle a réquisitionné plusieurs hôtels afin de loger les SDF. D’un côté, cela a été une réussite car notre taux de mortalité est resté assez bas comparé à celui d’autres villes. Mais en même temps, les toxicomanes ont fait d’énormes dégâts dans les hôtels. La note pour la ville s’est élevée à 60 millions de dollars. Quant au fentanyl, si en 2020 les saisies de la police du Tenderloin ont été de 5,5 kg, un an plus tard, elles étaient multipliées par 5.
« Vous devez en payer le prix »
London Breed a pris plusieurs mesures. Six ans à la tête de la ville en crise l’ont convaincue que même la compassion a ses limites. Aussi a-t-elle renforcé les pouvoirs de la police et les moyens de surveillance. Les bénéficiaires des largesses du système doivent dorénavant se soumettre à des tests de dépistage de drogues pour continuer à toucher des allocations.
La maire a également tiré profit d’une décision de la Cour suprême d’autoriser les municipalités à appliquer de manière plus agressive les lois contre les sans-abri campant sur l’espace public. 60 % des campements sauvages ont ainsi été démantelés. La criminalité a chuté. Les meurtres sont en baisse de 40 % et les cambriolages de 23 % par rapport à l’an passé, d’après les statistiques du San Francisco Police Department.
Aux progressistes de la ville qui la critiquent, London Breed rétorque : « Il est grand temps d’être moins tolérant et d’arrêter nos conneries. Nous sommes allés trop loin dans la mansuétude. Les résidents en ont par-dessus la tête. Si vous commettez un crime, vous devez en payer le prix. » London Breed sait de quoi elle parle.
Contrairement aux progressistes les plus engagés de la ville qui, pour la plupart, sont issus de familles aisées, elle a grandi dans l’un des quartiers les plus dangereux, élevée par une grand-mère dans la pauvreté. Sa sœur, Chantiee, a succombé à une overdose à l’âge de 26 ans. Son frère Napoleon est en prison pour cambriolage et homicide involontaire. L’un de ses cousins a été abattu par la police.
Armelle Vincent pour le Figaro International.
Suivre @ChrisBalboa78