J’espère ne pas lasser mes lecteurs par une accumulation d’articles ayant comme sujet le progressisme et ses dégâts.
Mais j’avoue avoir pris conscience relativement récemment du danger mortel de cette idéologie qui professe qu’il faut avancer sans cesse et surtout ne jamais se retourner.
J’avoue que l’interview de Marion Maréchal sur LCI avant l’été m’avait aidé à mieux comprendre la notion de conservatisme que je considérais comme négative après avoir été conditionné par des décennies de propagande de gauche. J’ai compris que la seule solution pour enrayer la marche folle du progressisme, était de redéfinir et de promouvoir la notion de conservatisme.
Les progressistes dénoncent violemment les iconoclastes qui osent prononcer les mots suivants : « C’était mieux avant ! »
Pourtant, il est tout aussi absurde de prétendre que tout sera obligatoirement mieux demain que d’assurer que tout était mieux avant !
Je vous propose aujourd’hui une interview de David Engels, un historien belge qui a publié en 2013 un essai intitulé :
La crise de l’Union européenne et la chute de la République romaine. Quelques analogies …
Il décrit la crise identitaire de l’Europe et les conséquences dramatiques qu’il prévoit pour le futur (cf Wikipedia) :
En 2017, analysant l’évolution récente de l’Europe, il avance que « nous n’avons aucune chance d’éviter une guerre civile ». Selon lui, cette guerre civile prendrait la forme de « banlieues qui échappent au contrôle de l’État. Avec des territoires où règnent des groupes paramilitaires, ethniques ou religieux. Avec une criminalité galopante. Avec une faillite économique et un total immobilisme politique. » Il avance que « les principaux partis allemands ne veulent pas admettre la pauvreté croissante, la perturbation culturelle et politique croissante et la perte de confiance dans la démocratie. » Cette situation serait comparable à celle de la fin de la République romaine. Et, en 2018, il situe la crise des gilets jaunes en France comme participant de la même évolution.
Voici l’interview de David Engels :
Face à une civilisation européenne qui se délite, David Engels propose une série d’actions et de réflexions pour sauvegarder notre identité.
Votre livre Que faire ? est sous-titré Vivre avec le déclin de l’Europe. Qu’est-ce que ça signifie, au juste ?
Notre civilisation européenne est à bout de souffle; non seulement en France, mais partout en Occident. Ces dernières décennies ont vu toute une série d’évolutions irrévocables, qui changeront à tout jamais la face de notre continent: l’islamisation, la mondialisation, la désindustrialisation, la destruction de l’État nation, la transformation de la démocratie en ploutocratie, etc.
Faut-il pour autant abandonner tout espoir pour la survie de notre civilisation ? Je dis clairement non, mais nous devons nous rendre compte que, pour maintenir notre identité et notre manière de vivre, nous ne pouvons plus compter sur des structures institutionnelles mais seulement sur notre détermination individuelle: être (ou rester) un homme « européen » est désormais devenu un acte de défiance, de résistance, et si nous ne voulons pas disparaître complètement de l’histoire, nous devons construire partout des sociétés « parallèles » au moins aussi fortes, résilientes et assertives* que celles des nombreuses autres communautés étrangères installées désormais sur notre sol.
Pour vous, la situation actuelle fait penser, par certains aspects, au XIX ème siècle …
Oui, mais avec des fronts renversés. L’ère victorienne représentait l’apogée d’un certain traditionalisme, caractérisé par l’idéalisation de la famille traditionnelle, l’amour de la civilisation occidentale, la foi dans les bienfaits du christianisme, la fierté des exploits des Européens, le libéralisme paternaliste; et les forces de la dissolution – l’égalitarisme, l’internationalisme, l’athéisme, le masochisme culturel et le communisme – étaient encore largement exclues du consensus social et tentaient difficilement de définir leur profil: comme ce fut le cas avec le célèbre livre Que faire ? de Tchernychevski, roman favori de Lénine. Aujourd’hui, la situation s’est totalement renversée, et ce sont les conservateurs qui se retrouvent dans les catacombes, ce pour quoi j’ai voulu marquer le coup en donnant le même titre à mon propre ouvrage. Sauf que la situation d’aujourd’hui est nettement pire: il y a environ cent ans, l’Europe était seulement au bord du désastre matériel – la Grande Guerre -; aujourd’hui, c’est la culture européenne elle-même qui risque de se dissoudre définitivement.
Michel Houellebecq déclare qu’en lisant votre livre il s’est pris à penser que « Nietzsche, s’il vivait aujourd’hui, serait peut-être le premier à souhaiter un renouveau du catholicisme. [ … ] il se rendrait compte, aujourd’hui, que toute la force de l’Europe résidait dans cette « religion des faibles » et que, sans elle, elle serait condamnée ». Partagez-vous ce point de vue ?
Tout à fait, et je le remercie beaucoup pour l’intérêt qu’il a témoigné à mon entreprise: alors qu’à l’époque de Nietzsche, le catholicisme et encore plus le protestantisme commençaient à souffrir d’une certaine forme d’épuisement interne, aujourd’hui, au bout d’une évolution qui a presque balayé le christianisme en tant que religion vivante de la carte de l’Europe, il est en train de se muer en une religion de résistants, surtout en ce qui concerne ses formes conservatrices (souvent au ban d’une église « officielle » de plus en plus politiquement correcte). De plus, au terme de la victoire d’un humanisme universaliste radical, nous voyons bien qu’une Europe se déchristianisant volontairement cesse d’être proprement européenne; preuve par a plus b que ce fut justement cette pensée chrétienne qui constituait l’âme de notre civilisation.
« Si l’esprit de la culture européenne veut survivre, c’est désormais contre l’État. » Pourquoi ?
D’abord, parce que l’État n’est plus le garant de cette culture européenne, mais son ennemi: les lois, leurs interprétations, les élites politiques, même les formes qu’ont prises les institutions et administrations sont toutes désormais profondément influencées par le credo fondamental de la bien-pensance, selon lequel toute exception à la règle, si minime soit-elle, doit être considérée comme une nouvelle règle à droit égal. Dès lors, tous les éléments jadis porteurs de notre civilisation – nation, langue, famille, sexe, moeurs, foi, etc. – ont été systématiquement relativisés et minorisés; une folie rationaliste et universaliste s’accompagnant bien souvent d’une véritable haine de notre propre identité.
Et si nous ajoutons à cela que l’État a abandonné la majorité de ses pouvoirs à des structures internationales et économiques opaques et ne saura les reprendre sans risquer une catastrophe économique majeure, il devient clair que nous devons cesser d’être naïfs:
les structures politiques ne sont plus là pour protéger la culture européenne, mais pour l’opprimer, voire la détruire systématiquement.
Si nous voulons survivre, nous devons faire le deuil de la croyance en notre emprise sur les institutions et prendre le destin dans nos propres mains.
Attention: je ne veux pas minimiser l’importance de la lutte politique; tout au contraire. Mais nous devons réaliser que cette lutte pour la survie de notre civilisation, ce n’est pas par un acte électoral unique que nous la gagnerons, mais par un combat long et acharné – dans les rues, dans les familles, au boulot et dans les coeurs.
Vous parlez d’oppression: quelles en sont les formes ?
L’oppression actuelle est multiple. La plus évidente est celle qui vient des institutions: nous savons tous que les médias de masse sont de plus en plus alignés sur une opinion unique, que les réseaux sociaux sont censurés, qu’il y a des répercussions professionnelles si l’on sort du carcan de plus en plus étroit de la « bonne pensée », que les structures politiques font tout pour éradiquer les prétendus « populismes », etc.
Mais il y a pire: l’oppression spirituelle. En effet, la pensée politiquement correcte, par une redéfinition systématique de toutes les valeurs, est en train de priver les Européens de toute possibilité de se mettre dans la continuité de la pensée de leurs ancêtres. En se faisant les seuls garants de valeurs telles que la démocratie, l’égalité, la justice, la tolérance ou la liberté (derrière lesquelles se cachent de plus en plus l’oligarchie, l’élitisme, le clientélisme, la haine de soi et la censure), la pensée dominante coupe les ponts vers la signification originelle de ces mots et pervertit tout véritable pluralisme.
Et les conséquences de cette relativisation cynique de nos valeurs seront terribles, une fois que le naufrage inévitable de la sécurité sociale radicalisera la lutte politique et donc la haine entre les différentes « minorités » qui ont pris la place de l’ancienne citoyenneté solidaire.
Pourquoi le respect de la tradition chrétienne vous apparaît-il fondamental ?
Le christianisme, c’est l’Europe, et l’Europe, c’est le christianisme. Le reste, ce sont des nuances. Si nous nions ces racines de notre civilisation, pire encore, si nous les combattons activement au nom d’une fausse « tolérance » ou d’un hypocrite « travail de mémoire », nous ne devons pas nous étonner que l’arbre s’abatte un jour de lui-même et nous écrase sous son poids. Par conséquent, si nous voulons léguer au moins quelques restes de notre identité à nos descendants, nous devons très rapidement redécouvrir cet héritage et réaliser qu’il n’est pas seulement une conviction « privée » dont on change comme de chemise (l’illusion dangereuse de la laïcité), mais plutôt la clé de voûte d’un ensemble politique, économique, artistique, social inimitable qui façonne notre âme européenne collective depuis des siècles jusque dans les moindres détails, et sans laquelle le cadre qui seul a rendu possible le développement de notre individualisme s’écroulera rapidement, faisant de nous des êtres atomisés, stériles et sans âme, prêts à suivre n’importe qui et n’importe quoi juste pour donner un semblant de sens à ce vide culturel béant – ce qui est d’ailleurs déjà largement en train de se passer …
Propos recueillis par Anne-Laure Debaecker pour Valeurs actuelles.
Après avoir lu ce texte, il me semble que notre blog « A droite, fièrement ! » s’inscrit bien – mais en toute modestie – dans ce mouvement de résistance au progressisme et de défense de l’identité française et européenne.
* Assertive : se dit d’une phrase caractérisée par l’assertion : proposition, de forme affirmative ou négative, qu’on avance et qu’on donne comme vraie. Affirmation catégorique qu’il n’est pas possible de vérifier.
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