dans ce blog, il faudrait garder celui-là !
J’en suis d’autant plus à l’aise pour le vanter que ma valeur ajoutée n’y sera que très modeste. Je me suis contenté de retranscrire les dialogues d’un grand moment de télévision.
Vendredi soir, sur LCI, dans l’émission de Pujadas, nous avons assisté à un dialogue édifiant entre un universitaire de grand talent, Mathieu Bock-Côté, et un gauchiste passé au libéralisme macronien, Romain Goupil, à propos de l’emprise du politiquement correct sur les médias.
Mathieu Bock-Côté est l’auteur d’un ouvrage de référence (à droite) intitulé : L’empire du politiquement correct.
Ce qui a été extraordinaire dans ce dialogue c’est que nous avions d’un côté un intellectuel qui décrivait de manière quasi scientifique les ravages du politiquement correct dans le dialogue politique français, et de l’autre un militant qui illustrait, en permanence, par ses propos, les travers détestables qui venaient d’être dénoncés !
Voici une retranscription de ce savoureux dialogue :
Exposé liminaire de Mathieu Bock-Côté :
Le politiquement correct est une des causes du malaise démocratique parce que, dans nos sociétés, il y a un sentiment de malaise par rapport à l’immigration massive ou au multiculturalisme. Très souvent, sinon très souvent, on réduit ce malaise à la xénophobie et au racisme et lorsque le malaise s’exprime dans l’espace public, on ne veut pas y voir un mal qui a un fondement rationnel auquel il faudrait répondre intelligemment, on veut plutôt y voir l’expression d’une population déboussolée, habitée par des fantasmes régressifs qu’il faudrait rééduquer pour la délivrer de ses préjugés et de ses stéréotypes.
De la même manière, et on l’a vu dans le cadre des dernières européennes, lorsqu’on se montrait favorable à une conception classique de la souveraineté des nations, et bien on est passé, dans le vocabulaire médiatique, de l’euroscepticisme et du souverainiste à l’europhobie. Basculement dans la logique de la phobie. Dès qu’on défend une certaine philosophie conservatrice, on refuse d’y reconnaitre un noyau rationnel. Plutôt on la psychiatrise, le langage de la phobie est là pour ça ! Voilà pourquoi cela alimente le malaise.
Un autre exemple tiré de la politique américaine.
A quel moment a t-on eu le sentiment que Donald Trop pouvait ou allait gagner ? C’est lorsque Hillary Clinton dénonce, non pas Trump, non pas seulement ses conseillers, mais ses électeurs, 25 à 50 % des Américains, en parlant « d’une collection de paumés pour l’essentiel ». Non seulement elle refusait de prendre au sérieux les inquiétudes populaires, mais, plus encore, elle transformait les électeurs qui avaient le culot de ne pas voter pour elle, en collection de paumés !
Devant tout cela, je crois qu’on est en face d’un dispositif qui sert fondamentalement à exclure, à psychiatriser, à diaboliser les contradicteurs. Je n’appelle pas du tout à une hégémonie inversée. Je crois fondamentalement qu’une société a besoin :
– et de conservatisme et de progressisme,
– et d’enracinement et de cosmopolitisme,
– et de liberté et d’autorité,
– et d’égalité et de différence.Je veux tout simplement éviter que l’un des deux pôles écrase l’autre complètement.
Ce qui me fascine avec Eric Zemmour, c’est que régulièrement on se demande si on doit inviter Eric Zemmour. Rarement on se demande si on doit inviter Laurent Joffrin, rarement on se demande si on doit inviter … Faites la liste des progressistes disponibles, il n’en manque pas ! Mais Zemmour, on se le demande parce que : est-ce que sa pensée est légitime ?
On fait aussi régulièrement la liste des mauvais penseurs. Qu’est-ce qu’un mauvais penseur, c’est un homme qui, autrefois de gauche, a eu le culot de passer à droite, en fait de dériver à droite parce qu’on ne passe pas à droite ! On dérive à droite ! A propos des penseurs – par exemple Zemmour, Buisson, De Villiers -, plutôt que de chercher à voir ce qu’ils disent, on cherche à voir de quelle manière leur pensée serait le masque de pensées inavouables. Plutôt que de répondre à l’argument, on les accuse, de manière un peu bête, d’être des prêcheurs de haine, des prêcheurs d’intolérance. Ce sont des slogans qui, à mon avis, ne permettent pas de penser et de comprendre, même qu’on est en désaccord profondément, le contenu rationnel, la valeur d’une pensée qui mérite d’être entendue.
Le blogueur : honnêtement, sinon objectivement, ne peut-on pas penser que ces propos sont factuellement véridiques et qu’ils sont équilibrés puisqu’ils demandent un équilibre entre les pensées progressiste et conservatrice ? A l’inverse des progressistes qui, eux, stigmatisent et diabolisent systématiquement toute critique du progressisme !
Première intervention de Romain Goupil :
Monsieur Bock-Côté avance masqué !
Le blogueur : je n’ai pas besoin de commenter cette illustration parfaite des propos de Mathieu Bock-Côté puisque Julie Graziani, éditorialiste à l’Incorrect, s’en est chargée elle-même :
Julie Graziani :
Tu viens d’utiliser le procédé que Mathieu Bock-Côté vient de dénoncer ! C’est ça qui est cocasse !
Romain Goupil, (s’enfonçant dans l’insulte) :
Il oppose le politiquement abject au politiquement correct ! Il dit : « On est la victime de censure. Pour dire nos saloperies, sans arrêt vous nous éliminez ! »
Mathieu Bock-Côté
Si vous voyez là-dedans la manifestation d’une pensée cachée, vous reproduisez de manière caricaturale, ce qui est habituel chez vous, cette idée comme quoi le contradicteur ne dit pas sa vérité.
Pourquoi quand on est pas d’accord, vous parlez immédiatement de saloperies ? Pourquoi des saloperies ? Pourquoi pas des idées avec lesquelles vous êtes en contradiction ?
Le blogueur : il n’aura fallu que quelques minutes d’échanges pour que Romain Goupil atteigne le point Godwin, ce moment du débat où un intervenant se fait traiter de nazi !
Romain Goupil
Quand Faurisson me dit que les chambres à gaz n’ont pas existé, ç a été prouvé !
Mathieu Bock-Côté
Ça y est ! Faurisson est convoqué !
Guillaume Tabard :
C’est intéressant que, face à une pensée exprimée, la réponse est : « Ah … Faurisson », comme si tu voulais induire l’idée qu’il y a quelque chose de commun entre Faurisson et Bock-Côté !
Romain Goupil (s’enferrant plus encore) :
Exactement !
Mathieu Bock-Côté (explosant !)
Monsieur, vous êtes un imbécile ! Franchement, Faurisson ! Vous me faurissonnisez, vous êtes un imbécile ! Franchement !
Là, nous sommes devant l’expression « bas de gamme » du politiquement correct ! Et je ne m’y attarderai pas exagérément … Parce que je cherche à m’intéresser à des gens plus intéressant que ça !
Prenons l’autre exemple de la transphobie.
La différence sexuelle est-elle fondatrice de notre civilisation ? Pendant quelques milliers d’années, on a eu tendance à le croire. Aujourd’hui, c’est remis en question au nom de la théorie du genre. Cette remise en question, au nom de la diversité sexuelle, de la fluidité sexuelle, des non-binaires, des post-genrés, on voit cette espèce de discours qui se déploie. Or, toute remise en question de ce nouvel agenda idéologique – on peut être d’accord ou non – est assimilable à la transphobie ! Or, je trouve qu’il y a un certain culot à assimiler quelques milliers d’histoires humaines à la transphobie.
On devrait être capable d’être attentif aux manifestations nouvelles qui s’expriment de la sexualité sans pour autant croire que la différence homme-femme doit être condamnée.
Devant des exemples comme ceux-là, il faut être capable de réhabiliter, dans le débat public, une pensée qui ne fonctionne pas sur le mode du soupçon. C’est à dire que quand je réponds à un argument, je ne réponds pas à l’intention supposément cachée qu’il y aurait derrière l’argument ! Je réponds à l’argument ! Je crois, qu’à partir de là, on peut avoir une conversation démocratique plus riche entre gens qui s’opposent vraiment, mais qui sont capables de se répondre.
Julie Graziani
Oui, Romain, je voulais te répondre, car en fait, ce qui a été dit toute à l’heure, ce sont les conservateurs qui se victimiseraient. Ils ont la liberté de parole, on les entend sur tous les plateaux, moi y compris. Mais c’est pas tout à fait le sujet ! Ce que vise Mathieu Bock-Côté – il ne dit pas qu’on a pas la liberté de parole – il dit que cette liberté de parole, on la paye très cher ! Beaucoup plus cher que les autres ! Justement avec des procès, avec des assignations et ça, ça révèle une sorte de conformisme social. Pour prendre un exemple, je ne connais personne, dans une entreprise, qui cache être militant pour la PMA pour toutes. Cela ne posera aucun problème que ce soit connu de tous. En revanche, beaucoup de gens, dans l’entreprise, ne peuvent pas dire qu’ils sont ou ont été militants de la Manif pour tous. Parce qu’ils sont immédiatement mis sur le côté et mal considérés.
Plus grave, ce conformisme entraine des mécanismes inhibiteurs et ce n’est pas bon car du coup les gens n’osent pas dire ce qu’ils pensent réellement. Ça peut exploser dans des manifestations, comme les Gilets jaunes, ou dans du vote protestataire pour le Rassemblement national.
Je m’adresse à monsieur Bock-Côté : doit-on dénoncer à chaque fois ces comportement ? La droite doit-elle rendre coup pour coup ?
Mathieu Bock-Côté
D’abord, je crois qu’il y a une tâche d’hygiène intellectuelle qui consiste d’abord à définir les mots que nous utilisons, parce que l’une des choses qui me frappe dans l’espace public, c’est l’utilisation systématique de terme qu’on ne prend jamais la peine de définir. Et à partir de terme à la définition flottante, mais qui ont une efficacité médiatique indéniable, on comprend quels termes on doit revendiquer et quels termes on doit fuir, si on veut avoir bonne réputation. Il faut faire un travail de définition pour, je dirais, décaper la novlangue !
Deuxième élément important : il faut éviter de penser que nous vivons une autre époque que la nôtre et de ne pas rejouer sans arrêt la seconde guerre mondiale. Durant les élections européennes, quand j’entendais qu’il y avait d’un côté les lépreux et de l’autre il y a la figure rédemptrice du progressisme … Non, on peut être en désaccord profond …
Interruption brutale de Romain Goupil :
Il y’a un contrat pour l’Europe, un contrat antifasciste, un contrat antitotalitaire, un contrat anticolonialiste, c’est comme ça qu’on a construit l’Europe. Que ça vous plaise ou non, c’est pour dépasser les années 30 ! Vous pouvez essayer de réhabiliter ce que vous voulez et toi tu peux me dire que c’est du conformisme social. Que les enfants ne travaillent plus dans les mines, c’est pas du conformisme social !
Le blogueur : après Faurisson, le pathos du travail des enfants … On touche le fond !
Mathieu Bock-Côté :
Au moins le bouffon du roi est drôle quand il parle. Lui, il est sinistre !
David Pujadas :
Mais dans la société d’aujourd’hui, est-ce qu’on n’a pas besoin d’un politiquement correct ?
Mathieu Bock-Côté :
Non ! On a besoin de politesse. On a besoin de décence, de civilité ! On a besoin de courtoisie ! S’adressant à Romain Goupil : Pourquoi je vous regarde quand je dis ça ? Je me le demande !
Autre chose : le concept de fake news est intéressant ! On en a eu un exemple avec le pacte de Marrakech récemment. Chaque fois qu’il y a un débat …
Interruption brutale de Romain Goupil :
Non, il n’y a pas de débat. Il y a des mensonges de votre côté !
Le blogueur : sans commentaires !!!!!!
Reprise de Mathieu Bock-Côté :
On nous disait, le Pacte de Marrakech n’est pas contraignant. Très bien ! Le lendemain, ça ne changeait pas la politique migratoire de la France ! Mais dans ce texte, il y avait la proposition suivante : les médias qui feraient la promotion du racisme, de la discrimination ou de l’intolérance, ne devaient plus être financés par l’Etat. Mais quand on regardait la définition du racisme et de l’intolérance, qui était contre le multiculturalisme était raciste !
Dans le débat, quand on rappelait cette proposition, immédiatement, les gardiens que j’appelle les contrôleurs de la circulation idéologique, qui collent les contraventions : controversé, très controversé, sulfureux, nauséabond et vous appeliez àa des fakenews ! Mais la notion de fake news, je la crois utile s’il s’agit de nier quelque chose qui est faux, mais s’il s’agit, ensuite, …
Le blogueur : c’était donc un grand moment ! Un de ces moments où vous vous confortez dans vos choix, où vous écartez vos doutes quand vous observez d’un côté la fermeté des convictions mais aussi l’ouverture d’esprit et le goût du vrai dialogue, et de l’autre la fermeture de l’esprit de ceux qui sont persuadés d’appartenir au camp du bien et qu’il n’est pas nécessaire, voire toxique, d’entendre les arguments de l’autre camp !
Un grand merci à Romain Goupil qui a merveilleusement joué le rôle de l’idiot utile !
Vous pouvez voir l’intégralité de cet édifiant débat dans cette vidéo (le sujet commençant 1H 3′ 10″ après le début avec un résumé du contenu de son ouvrage, l’empire du politiquement correct, puis l’intervention de Mathieu Bock-Côté commençant 1H 8′ 40″ après le début)
J’attends avec impatience vos commentaires !
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