Faisant suite à mon précédent article :
Wauquiez peut-il sauver la droite ?
Voici un autre chapitre du dossier de Valeurs actuelles paru il y a une semaine et consacré au favori des prochaines élections pour la présidence des Républicains.
Dans ce chapitre, Valeurs actuelles décrit la concentration des critiques contre Laurent Wauquiez, venant de son propre camp.
A mille lieues des préoccupations des militants et aussi des Français, on y voit comme s’agite le panier de crabes, chacun attendant le bon moment pour détruire un rival et s’imposer comme recours …
Cinquante nuances d’anti -Wauquiez
Personne ne croit sérieusement contester son élection à la tête du parti. Pourtant, tous veulent le supplanter avant la présidentielle de 2022. Revue des troupes … et des stratégies.
L’élection se tiendra les 10 et 17 décembre prochains, mais on retiendra sans doute qu’elle s’est jouée le 11 juillet. Ce jour-là, le bureau politique des Républicains doit prendre deux décisions cruciales. La droite est sonnée, panse à peine ses blessures de 2017 mais, silencieux dans les médias, Laurent Wauquiez s’affaire en coulisses. Depuis dix jours, le presque candidat à la présidence du parti fait chauffer son BlackBerry, jauge le rapport de force. Dans la presse, ses concurrents tirent tous dans la même direction : Bruno Retailleau, Valérie Pécresse, Xavier Bertrand, Jean-François Copé ont plaidé, plus ou moins fort, pour reporter le calendrier de l’élection du prochain président des Républicains, et différer – empêcher ? – le sacre du président de la région Auvergne-Rhône-Alpes. Pécresse et Bertrand ont renoncé à se présenter, aucun des deux ne prend la parole ce 11 juillet au siège de la Rue de Vaugirard. Copé, lui, ne peut réfréner l’envie de jouer le trouble-fête, sans beaucoup d’espoir. Un coup pour rien. « Les calculs de Laurent Wauquiez l’ont emporté sur l’intérêt général, regrette-t-il encore aujourd’hui. Bernard Accoyer était braqué, comme souvent. Il ne pensait qu’à laisser les clés à quelqu’un, il est enfin de course et n’écoute plus personne. »
Primaires et votes internes, pièges pour modérés
Les dés, en réalité, étaient déjà jetés : Wauquiez s’est assuré du soutien de Gérard Larcher pour que le congrès soit organisé en décembre, un calendrier qui ne perturbe pas les sénatoriales. En échange, il se range du côté du président du Sénat pour le second point à l’ordre du jour. Larcher s’oppose à l’exclusion des constructifs, un psychodrame qui compliquerait lacampagne de la droite pour conserver le palais du Luxembourg. Une large majorité du bureau politique demande pourtant des sanctions exemplaires.
Le futur candidat prend la parole, prône une solution de compromis : les LR pro-Macron seront « jugés » en octobre. Sans vraie concurrence, Wauquiez remporte donc à l’avance sa bataille pour le parti. Ceux qui pouvaient apporter un semblant de suspense ont compris que pour le battre il fallait bien choisir son terrain.
François Baroin est de ceux-là. L’ancien futur Premier ministre de Nicolas Sarkozy, leader de la droite pendant les élections législatives, a vu s’évanouir à court terme son ambition de jouer les premiers rôles. Mais jamais il n’a envisagé de prendre la tête des Républicains. D’abord, parce qu’il brigue sa propre succession à la tête de l’Association des maires de France, une fonction transpartisane incompatible avec la lutte intestine pour la tête du parti. Mais surtout, le maire de Troyes sait n’avoir aucune chance de battre Wauquiez dans une élection interne. Alain Juppé l’a éprouvé en 2016, Manuel Valls en 2017 : les militants choisissent toujours un candidat aux positions plébiscitées par la base. Baroin attend sa fenêtre de tir et garde de bonnes relations avec le probable futur patron de LR, qu’il recevait encore la semaine dernière dans son cabinet d’avocat de la rue de Courcelles à Paris.
Guetter son moment, éviter la confrontation et le vote des militants … Voilà la carte jouée par tous les ténors anti-Wauquiez.
Ainsi de Valérie Pécresse, qui tente de peser sur la ligne des Républicains en créant Libres !, et raconte à chaque micro tendu que le bouillonnement d’idées ne vient plus des partis.
Avant la primaire de 2016, elle avait pourtant réclamé Vaugirard à Sarkozy en échange de son soutien … « C’est un mensonge colporté par des sbires de Laurent, s’agace un proche de Pécresse. La vérité, c’est que Sarkozy a demandé à Valérie de le rejoindre en lui proposant de former un tandem à la tête du parti. Elle a passé l’âge de diriger en binôme … »
D’autres pensent que l’ancienne députée des Yvelines se trompe d’ennemi. Après sa victoire quasi acquise, Laurent Wauquiez portera la voix conservatrice de la droite pendant cinq ans. Reste à savoir qui incarnera le message « moderniste » jusqu’en 2022 : « Celui qu’elle doit siphonner aujourd’hui, c’est Xavier Bertrand, éventuellement François Baroin, analyse l’un de ses proches. Ils sont sur son créneau ! » Le président de la région Hauts-de-France lorgne le même bout de viande que son homologue francilienne. Déjà, il prend ses distances avec le parti et envisage d’être sur la ligne de départ en 2022, sans passer par la case primaire. Un hold-up macronien redouté par l’Élysée : « S’il joue bien le coup, souffle-t-on au palais, Bertrand est le seul, à droite, à pouvoir contrarier la réélection de Macron. » Rendez-vous en 2021.
Challengers et « Petit Poucet »
Invincible, pour l’heure, Wauquiez ? S’il fait fuir les poids lourds, l’épouvantail « ultra droitier » n’est pourtant pas seul sur la ligne de départ. Le souverainiste Julien Aubert, « l’inconnue » Laurence Sailliet, le trésorier Daniel Fasquelle, l’ancienne porte-parole Florence Portelli ou le juppéiste Maël de Calan ont tous osé se frotter au favori du congrès. « Il s’agit pour eux d’une opportunité d’exister plus que d’une furieuse envie de gagner, nuance Geoffroy Didier, vice-président de la région Île-de-France, qui avait lui-même tenté d’être candidat à la primaire 2016. Wauquiez a le plus de chances de l’emporter car c’est lui qui en a le plus envie. C’est son rendez-vous. » Copé persifle : « Malgré toute l’amitié que j’ai pour eux, ces candidats de figuration sont une blague. Ils ne sont pas un sujet. Tout est déjà verrouillé. »
Sauf que la victoire n’est pas toujours le but des candidats déclarés. Quand une Portelli veut croire en ses chances, un Maël de Calan reconnaît son statut de « Petit Poucet » et place sa démarche dans une logique de long terme. « Au moment de l’alternance, les Français ne donneront pas les clés du pays aux plus bruyants mais aux plus crédibles, explique le challenger. On peut ne pas s’imposer dans les urnes, et cependant imposer nos idées par notre travail de fond. » Autour de lui se constitue une « dream team« , qui entend faire peser au-delà du congrès la voix d’une droite modérée, libérale et européenne. « Une manière de faire cela est d’afficher une équipe de porte-parole thématiques qui figurent parmi les meilleurs experts dans leur domaine », précise l’ancien conseiller d’Alain Juppé : Arnaud Robinet pour l’assurance maladie, Jean-Baptiste de Froment à l’éducation, Vincent Jeanbrun sur la sécurité, Déborah Münzer à la culture ou lui-même sur les questions économiques.
Jean-Pierre Raffarin a déjà apporté son soutien à cette initiative. Hervé Mariton ou les députés Gilles Carrez ou François Cornut-Gentille envisagent aussi de soutenir cette « candidature collective« . Onze parlementaires auraient déjà signé pour Maël de Calan, qui n’a pas encore abandonné l’idée de voir Juppé rejoindre cette liste.
Un « petit candidat » pourrait·il fédérer tous ceux qui craignent la victoire de la ligne « dure » de Laurent Wauquiez ? « Personne ne croit vraiment qu’il soit un idéologue en mission pour droitiser les Républicains, confie un ami de Valérie Pécresse, présent au lancement de Libres ! L’objectif est de faire croire qu’il est sectaire tant qu’il est en campagne et qu’il ne peut démontrer le contraire. D’appuyer là où ça fait mal avant qu’il ne recentre son discours. » Calan ne joue pas non plus sur la peur de la droite « buissonisée »: « Pendant la primaire, j’ai étudié minutieusement les programmes des autres candidats. Concernant les politiques publiques qu’on voulait mettre en place, on retrouvait un tronc commun de 90 %. » Il pointe surtout un problème de forme et oppose la droite « contestataire » de Wauquiez, « excessive et populiste » qui « lance des slogans » à sa « droite de gouvernement » qui proposerait des « solutions ».
Cette stratégie offensive permettra-t-elle à un petit candidat de faire vaciller l’ancien maire du Puy ? « C’est un rouleau compresseur, prédit, pessimiste, le conseiller d’une tête d’affiche. Il ne va que dans des élections qu’il est sûr de gagner. »
Pas de quoi tétaniser pour autant les (nombreux) anti-Wauquiez.
Bastien Lejeune pour Valeurs actuelles.
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