J’en veux énormément aux journalistes français !
Je fulmine devant mon poste de télévision ou de radio quand je vois un journaliste ne pas reprendre un homme politique qui se moque de nous dans une réponse de type langue de bois, ou pire, qui ment effrontément !
Il y a d’ailleurs peu de journalistes qui, selon moi, en méritent vraiment le titre !
Par contre, les commentateurs pullulent !
Et par définition, quand on commente, on s’éloigne de l’information, on interprète, on juge avec une part de partialité. Mais il y a des exceptions. Je n’en citerais que deux : Eric Brunet et Pascal Praud à qui j’ai déjà consacré plusieurs articles.
Aujourd’hui, c’est à Pascal Praud que je souhaite rendre hommage !
En avril dernier j’avais déjà commis un article intitulé :
Des Pascal Praud, il nous en faudrait des dizaines !
Je ne résiste pas au plaisir de vous proposer à nouveau la fameuse vidéo de sa vive réaction face à une représentante de l’UNEF :
Dans le dernier numéro de valeurs actuelles, on trouve une interview très intéressante de Pascal Praud. Une interview assez longue que j’ai choisi de publier en deux parties :
« Le monde du journalisme a sa pensée dominante »
Journaliste sportif depuis trente ans, Pascal Praud a ajouté une émission généraliste à ses cordes depuis 2017, en animant sur CNews les débats de l’Heure des pros. Avec pour ambitions : parler de tout avec tout le monde et ne pas mépriser le bon sens. Les audiences le montrent depuis : la recette est gagnante.
Valeurs actuelles : Vous étiez connu des amateurs de football … Pourquoi avoir élargi votre terrain journalistique ?
Pascal Praud : J’ai toujours dit que j’étais journaliste. Le problème du foot, c’est qu’il est difficile d’en sortir et que c’est considéré comme un sous-journalisme en France … Notre entretien le montre : j’ai passé trente ans dans le foot et ça n’intéressait personne. Je viens de passer dix-huit mois à parler d’autre chose et Valeurs actuelles vient me voir!
Valeurs actuelles : Et ce n’est pas difficile, avec une image pareille, de se reconvertir ?
Pascal Praud : Alors ça, je m’en fiche ! Je fais de la télé depuis des années, alors il y a forcément des gens qui m’apprécient et d’autres non. Surtout que j’ai une personnalité un poil clivante !
Valeurs actuelles : Vous êtes aussi un passionné de littérature … On dit parfois que les journalistes sportifs sont parmi les plus cultivés, qu’en pensez-vous ?
Pascal Praud : Alors ça, je n’en sais rien. Mais c’est vrai qu’il y a une tradition d’écriture dans un journal comme l’Équipe, par exemple. Le héros des grands anciens, c’était Blondin. En fait, avant que la télévision ne retransmette le sport, il fallait le faire vivre. Jusque dans les années soixante/soixante-dix, il y avait donc pour cet exercice des gens incroyablement talentueux. Aujourd’hui, c’est plus difficile parce que l’exercice a changé. À l’époque, on racontait le match. Il ne fallait pas que ce soit conceptuel, il fallait faire vivre une épopée.
Valeurs actuelles : Un côté Alexandre Dumas …
Pascal Praud : Exactement!
Valeurs actuelles : Et quelle était l’idée de votre émission l’Heure des pros à sa création ?
Pascal Praud : Le but était vraiment de traiter chaque matin les sujets d’actualité dont on parle à la machine à café ! C’est d’ailleurs le nom que j’avais proposé initialement. Ce n’était pas péjoratif du tout ! Cette émission n’est pas le Collège de France, c’est une émission d’humeur avec des sensibilités différentes qui rebondissent sur des sujets qui concernent tout le monde.
Valeurs actuelles : Est-ce que vous aviez la volonté de retrouver une liberté de ton parfois disparue?
Pascal Praud : Oui, sans doute! Ce n’était pas conceptualisé ainsi, mais c’est ça. Pour tout vous dire, j’avais même pensé à l’appeler On n’est pas des bobos, c’est génial non ? Je trouve ça parfait.
Valeurs actuelles : Pourquoi vous en a-t-on dissuadé ?
Pascal Praud : Parce que les gens ont peur de s’approcher trop près de ce qui caractérise un peu le monde médiatique. On reproche souvent aux journalistes d’être bobos, et malhonnêtes. Le deuxième est plus grave. C’est quoi la malhonnêteté intellectuelle ? Dire une chose fausse en sachant qu’elle est fausse. Moi je peux évidemment me tromper, faire des erreurs, mais je ne crois vraiment pas être malhonnête intellectuellement. Donc l’autodérision ne me dérange pas.
Valeurs actuelles : Quel est le moteur de cette peur?
Pascal Praud : La crainte d’être ostracisé dans sa communauté professionnelle. Il faut beaucoup de courage intellectuel pour aller à contre-courant. Il faut toujours se méfier des généralités, mais il est impossible de nier l’existence d’une pensée commune médiatique qui règne dans les rédactions depuis trente ans. Certains répondent qu’on passe notre temps à entendre un discours réactionnaire … C’est vrai qu’il existe.
Le monde du journalisme a sa pensée dominante. La peur vient de là : personne n’a l’envie, ou le courage, de se marginaliser.
Valeurs actuelles : Vous vouliez donc braver cette peur avec un peu de bon sens ?
Pascal Praud : Toutes les paroles ne se valent pas et certaines personnes ne seront jamais invitées dans mon émission. Mais ostraciser une parole qui est jugée trop à droite ou réactionnaire n’est pas normal.
Ça fait cinquante ans, voire plus, que les gens de droite sont systématiquement classés à l’extrême droite de toute façon.
De Gaulle y a eu droit, « facho-Chirac » aussi, Sarkozy n’en parlons pas … Le journaliste mainstream accuse systématiquement les gens de droite d’être d’extrême droite. C’est manquer de bon sens, oui, et un poil de bon sens dans nos décisions ne nuirait pas. Le problème, c’est que personne n’ose s’en revendiquer.
Valeurs actuelles : Par exemple ?
Pascal Praud : Je pense par exemple qu’il y a de très bonnes choses dans la littérature aujourd’hui, mais que les livres de Christine Angot sont tout simplement nuls. Le dire, c’est difficile. Mais la plus belle escroquerie de l’époque reste pour moi l’art contemporain. La finance a réussi un truc carrément magnifique pour faire cracher de l’argent : elle a expliqué qu’il ne s’agissait plus de faire quelque chose de beau. À partir de là, c’est sûr qu’il est difficile de lutter … Et pourtant c’est une question de bon sens : à la Fiac, on voit des trucs invraisemblables. Mais ça ressemble au reste : on adhère parce qu’on a appris à mépriser notre bon sens. Philippe Muray a tout dit là-dessus, sur la société. C’est le type qui a dit les choses les plus extraordinaires sur le ridicule de l’époque …
Valeurs actuelles : Il y a aussi le récent exemple de ce garçon invité en plateau, qui commence par expliquer, contre toute évidence, qu’il n’est ni homme, ni blanc … La réaction populaire a été celle du bon sens pour vous ?
Pascal Praud : Je crois. Mais cette vidéo est formidable, franchement. Le gars dit quand même qu’on ne peut pas le traiter d’homme sur la base de son apparence … Il y avait deux réactions possibles: l’attitude du journaliste mainstream qui s’excuse en trouvant ça formidable, ou le bon sens qui impose de lui demander s’il n’est pas tombé sur la tête. Je pense que la deuxième est la bonne, mais je ne sais même pas si j’aurais osé. Parce qu’après, on s’embarque dans la victimisation, la discrimination … enfin, tous ces procès récurrents.
Valeurs actuelles : Et ne croyez-vous pas que nous sommes parfois sur le point d’en revenir ?
Pascal Praud : Je ne sais pas, c’est parfois très violent en raison des réseaux sociaux aussi. Certains en ont marre d’être attaqués, ils baissent les bras et beaucoup sont donc dans l’autocensure. C’est pour ça que je trouve Rioufol et Zemmour courageux, même si je ne suis pas d’accord avec eux. Parce que les coups sont durs, et les gens de droite en font souvent les frais. En revanche je constate que les téléspectateurs aiment la liberté de ton de notre émission, c’est vrai aussi.
A suivre … Même heure, même chaîne !
Propos recueillis par Charlotte d’Ornellas, Laurent Dandrieu, Bastien Lejeune et Paul Saverot
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