« Une mort sans raison … »

Vous avez sans doute été nombreux à être ému devant le témoignage de la mère de Marjorie, jeune fille de 17 ans, poignardée à mort par un jeune de 14 ans, à Ivry-sur-Seine.

Un témoignage d’une grande dignité et d’une grande lucidité malgré le drame épouvantable qu’elle vit.

« Malgré toutes les précautions que je prenais autour de mes enfants, je constate que ça n’a pas suffi.

Prenez vos responsabilités. Ce n’est pas normal que des parents laissent traîner leurs enfants dans les cités. »

Dignité parce qu’elle ne crie pas vengeance malgré sa douleur. Lucidité parce qu’elle pointe la responsabilité des parents dans l’éducation des enfants.

On aimerait qu’à gauche, on cesse de victimiser les délinquants et qu’on ose parler de leur responsabilité et de celle de leurs parents !

Voici l’édito de Guillaume Roquette publié dans le dernier numéro du Figaro Magazine :

Pédagogie de la sanction

Qui écoutera cette femme ?

La mère de la jeune fille mortellement poignardée à Ivry-sur-Seine par un adolescent de 14 ans n’est ni policière, ni magistrate ni enseignante. Mais son cri aux parents du meurtrier présumé sonne plus juste que tous les discours officiels :

Prenez vos responsabilités, c’est à nous de faire l’éducation de nos enfants. J’ai toujours essayé d’inculquer aux miens des valeurs strictes : l’éducation et le respect. Ce n’est pas normal que des parents laissent traîner leurs enfants dans les cités.

Dans la délinquance des mineurs, la responsabilité des parents est systématiquement ignorée. Toutes les tentatives de leur infliger des sanctions financières (amendes, paiement de dommages et intérêts, suspension d’allocations…) sont invariablement discréditées par les experts et non mises en oeuvre. Surtout ne pas stigmatiser. Le code pénal prévoit pourtant des peines spécifiques pour un père ou une mère qui « compromet I’éducation de son enfant mineur » mais les juges n’en usent jamais.

Cette mansuétude reflète bien la philosophie qui sous-tend la justice des mineurs : privilégier l’éducation sur la punition. Le noble idéal de Victor Hugo :

Celui qui ouvre une porte d’école ferme une prison

est toujours en vigueur. Malheureusement, ces beaux principes ne parviennent plus à endiguer l’ensauvagement de délinquants toujours plus jeunes. Les policiers ne cessent de dénoncer les magistrats qui remettent dans la nature les mineurs multirécidivistes qu’ils s’épuisent à arrêter, installant chez ces derniers un sentiment d’impunité totale. Au point que le pédopsychiatre Maurice Berger, spécialisé depuis quarante ans dans la prise en charge des enfants et adolescents violents, considère que la sanction est désormais l’ultime outil d’éducation

L’idée n’est évidemment pas d’emprisonner un mineur à sa première « connerie », mais d’oser la répression pour ceux qui ne distinguent plus le permis de l’interdit et n’éprouvent ni empathie ni culpabilité vis-à-vis de leurs victimes. Le problème est que le nouveau code de justice pénale des mineurs, qui vient d’être ratifié, ne va pas du tout dans cette direction : il prohibe au contraire les peines de prison inférieures à un mois alors que celles-ci, pour le Dr Berger, peuvent provoquer une prise de conscience salutaire *. La culture de l’excuse, qui considère le jeune délinquant comme victime de son environnement (à cause d’une absence de père ou de l’influence des réseaux sociaux ou de l’emprise d’une bande ..) et l’exempte partiellement de responsabilité, continue à imprégner la réponse pénale.

L’augmentation (bienvenue) du budget de la justice et du nombre de policiers sur le terrain ne suffira pas à refixer des limites aux jeunes qui ne respectent plus aucune règle. La nature de la violence a changé, nos lois doivent s’adapter.

* Cf. la note du Dr Berger réalisée pour l’Institut pour la justice, consultable sur le site Institutpourlajustice.org

Guillaume Roquette pour le Figaro Magazine

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