En écho à mon précédent article dédié à l’écriture inclusive,
Cinglé·e·s !
Voici un court billet de Solange Bied-Charreton, paru dans le dernier numéro de Valeurs actuelles.
Un billet sur le même sujet, mais plus argumenté …
Au royaume du Progrès, les épisodes se suivent et ne se ressemblent pas, spectacle permanent d’aberrations tragiques, le pire étant presque toujours certain. Ces jours- ci, l’écriture « inclusive » qu’on aura trop longtemps prise pour une plaisanterie de députés écologistes, fait son retour dans l’actualité, par le truchement d’un manuel scolaire.
Afin de porter assistance aux plus réactionnaires de nos lecteurs, précisons les enjeux inclusifs de cette écriture qui n’est pas même une orthographe, encore moins une grammaire : montrer que sous le machiste pluriel du français, toujours au masculin, pourraient se trouver des femmes (voire des animaux femelles, des noms communs de plantes ou d’objets féminins) qui pourraient mal le prendre.
Comme elles (elles, évidemment…) l’expriment sur Twitter, les éditions Hatier sont ainsi « très fier.ère.s d’avoir publié le premier manuel scolaire en écriture inclusive ! »
On les comprend. Qui, à leur place, ne s’enorgueillirait pas de cette téméraire initiative qui, outre le fait de rendre un texte parfaitement illisible en confinant au bégaiement, endosse la responsabilité d’enseigner sans vergogne aux enfants de CE2 une non-langue française ? Mépris de siècles d’évolution du français depuis le bas latin et de son perfectionnement depuis l’ordonnance de Villers-Cotterêts, qui le consacra officiellement comme notre langue, en 1539, de sa littérature et, en fin de compte, de la pensée qu’il exprime.
Car il s’agit bien de cela, « c’est dans les mots que nous pensons », écrivait Hegel dans Philosophie de l’esprit. Ce qui implique que ce pluriel tant décrié soit porteur de sens, non pas celui d’une domination masculine, mais d’un ensemble neutre de choses ou de personnes dont le sexe à dire vrai importe peu dans l’expression du nombre. Ainsi « les gens » ne sont-ils pas d’affreux agents du patriarcat rampant, simplement un groupe (appellation générique) de personnes (qui ne sont d’ailleurs pas uniquement des femmes).
Ce que révèlent en réalité l’écriture inclusive et l’engouement qu’elle suscite chez les pédagogues, c’est leur profonde ignorance des mécanismes de la langue qu’ils emploient. Ou pire, leur volonté farouche, malgré l’innocuité de cet étalage inintelligible de désinences*, de marquer le coup, pour signifier que l’on combat l’inégalité. Or, la langue française n’est ni égalitaire ni inégalitaire, elle n’est seulement pas idéologue.
Solange Bied-Charreton pour Valeurs actuelles.
* désinence : j’ai voulu faire oeuvre de pédagogie en donnant la définition de ce mot que je ne connaissais pas. Je n’ai pas été déçu par la définition du Larousse :
Affixe qui s’adjoint à la finale d’un mot (substantif, adjectif, verbe) pour constituer avec la racine les formes de la flexion nominale (déclinaison) ou verbale (conjugaison).
Ça s’éclaircit un tout petit peu avec la seconde définition :
Partie terminale du nom collectif d’un groupe d’animaux ou de plantes, permettant en général de savoir à quel niveau taxinomique se situe ce groupe.
Je me dis alors que Wikipedia va me donner une définition « pour internaute moyen » donc plus compréhensive :
En morphologie, une désinence (du latin médiéval desinentia, « qui tombe à la fin (d’un mot) ») est un suffixe grammatical servant à la flexion dans les langues flexionnelles.
Il a fallu que je parcoure plusieurs sites pour comprendre qu’il s’agissait simplement d’un suffixe donnant du sens à un radical. Par exemple pour les verbes :
Je chant–e , j’aim–e.
Tu chant-es, tu aim-es.
Nous chant-assions, nous aim-assions.
Bref ! Tout ça pour ça ?
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